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peut les satisfaire, car ils auront toujours la guerre d'Espagne à soutenir. Il semble donc que toute la négociation doit tendre à leur rendre sensible l'impossibilité où vont être les Espagnols de soutenir seuls Philippe V: attaqués de toute part, sans argent, sans marine, sans commerce, ni aucune aide des Indes, les fidèles Castillans seront obligés de se rendre comme une place assiégée à qui tout manque, et qui n'espère aucun secours. Cette considération d'une part, celle de la guerre du Nord qui leur est si désavantageuse, la peste qui leur peut venir par le commerce des villes Anséatiques, la famine, que la difficulté de tirer des blés du Nord leur peut causer, les heureux succès des armes qui peuvent enfin revenir de notre côté, et ce qu'un habile plénipotentiaire peut encore ajouter selon l'occasion, quand il est sur les lieux; c'est, ce me semble, tout ce qui peut être mis à présent en usage, et qui est capable d'ébranler des gens à qui, au fond, la paix ne convient guère moins qu'à nous; mais comme le mémoire remarque, il ne faut pas perdre un moment à travailler à cette grande affaire.

Quoique les réflexions sur ce dixième point renferment plus qu'il n'a été demandé par rapport au mémoire, on ne laissera pas de dire encore quelques mots sur l'extrémité de la France ci-devant mentionnée. Cette extrémité n'est que

trop vraie; mais elle ne paroît pas sans remède, et même très efficace.

Si l'on tentoit maintenant l'entreprise sur l'Écosse, qu'on sait plus disposée que l'année dernière, aussi bien que l'Irlande, à reconnoître son roi légitime, cela seul opéreroit une paix avantageuse et prompte. Il est très possible de faire un fonds extraordinaire suffisant, et d'avoir en très peu de temps les vaisseaux, les armes, les munitions nécessaires. L'Angleterre, divisée en deux partis, dont l'un mécontent demande à traiter avec le roi Jacques, ne se fieroit pas à ses propres troupes, dès que ce prince y entreroit par l'Écosse; et le crédit d'argent du gouvernement de Londres tomberoit sans ressource, parce qu'il n'est presque qu'en papier. A regarder la chose de près, dans toutes les circonstances qu'on sait, elle ne paroît pas douteuse. Le rappel des huguenots en France (quoique sans exercice public) seroit encore un moyen capable de déterminer les ennemis à une paix raisonnable. Plusieurs officiers réfugiés avouérent au prince de Hesse, après la prise de Tournai, en présence de quelques officiers de la garnison de cette place, que, si le roi faisoit une pareille déclaration, ils retourneroient tous dès le lendemain en France. Par là, d'une part, on ôteroit aux ennemis leurs meilleures troupes, avec beaucoup de riches banquiers et d'artisans utiles dont

l'absence dérangeroit leurs manufactures; et d'autre part, non-seulement nos armées seroient augmentées en bons soldats et braves officiers, mais aussi le royaume se trouveroit promptement repeuplé et enrichi; ce qui seroit capable de redonner courage et confiance à la nation, de remettre dans le commerce l'argent que la seule défiance a resserré, et d'ôter toute espérance aux ennemis, affoiblis par cette perte, de nous réduire par la force à des conditions injustes; eux qui, sans cette espérance, se trouvent déjà trop épuisés, et maintenant trop intéressés à la guerre du Nord, qui va leur enlever même beaucoup de troupes auxiliaires, pour ne pas finir celle qu'ils nous font. On trouvera, sans doute, de grands inconvénients à ce rappel des huguenots, et il y en a plusieurs en effet qu'il seroit trop long de discuter ici; mais on peut remédier à la plupart de ces inconvénients; et de plus, dans les dernières extrémités où l'on est forcé d'employer les grands remèdes, on peut passer par dessus les incommodités qu'ils apportent en opérant la guérison. On trouveroit, dans ce rappel, l'avantage de faire, en un clind'oeil, de tous les nouveaux convertis, de bons sujets de l'État; et l'on espéreroit, avec raison, tant pour eux que pour les réfugiés, une vraie conversion à l'avenir, au moins à l'égard de plusieurs.

y auroit encore un autre moyen de ranimer la nation abattue, rétablir la confiance partout, faire rouler abondamment les espèces entre les mains des particuliers, et montrer clairement aux ennemis que les François réunis dans une même volonté de tout employer pour se défendre se soutiendront plus long-temps qu'eux. Mais, outre que ce moyen, tout juste qu'il est, seroit sujet à quelques inconvénients, qu'on croit néanmoins faciles à surmonter, il est trop opposé aux maximes établies depuis un siècle pour pouvoir être goûté.

Il n'y a donc que l'entreprise d'Écosse, qui, sans aucun risque ni autre inconvénient, puisse sauver la France en trois mois de temps, pourvu qu'on y travaille avec la diligence, le secret et les précautions nécessaires. La réputation de valeur, de fermeté, de politesse, de sagesse et de bon esprit, que le roi d'Angleterre acquiert tous les jours parmi même ses sujets rebelles, et qui vole déjà dans les trois royaumes, recommence à y faire une impression très propre à favoriser son entreprise.

MÉMOIRE SUR LA PAIX.

ON

I.

N peut espérer que les ennemis craindront moins l'union des deux branches de notre maison royale, puisque nos pertes semblent éloigner ces deux branches, et que, si le roi venoit à manquer, la branche d'Espagne pourroit n'être guère liée avec celle de France.

II.

Les ennemis ne devront guère craindre que la France gouverne l'Espagne au préjudice du reste de l'Europe, à la veille d'une minorité où la France, menacée de guerre civile, ne pourra pas trop se gouverner elle-même.

III.

La reine Anne et le parti des Thoris, qui ont commencé la négociation de la paix, ont un intérêt plus pressant que jamais de la conclure. Si nous tombions dans les troubles d'une minorité avant la conclusion de cette paix, le parti des

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