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mission de se réformer elle-même, d'abroger ses anciens statuts, et d'en faire de nouveaux, selon qu'elle le jugera convenable.

Qu'elle demande aussi la permission de nommer pour ce travail des commissaires en tel nombre qu'elle jugera à propos, et qu'elle supplie sa majesté de vouloir bien lui faire l'honneur de marquer elle-même un ou deux de ceux qu'elle aura le plus agréable qui soient nommés.

MÉMOIRES

SUR LA GUERRÉ

DE LA SUCCESSION D'ESPAGNE.

PREMIER MÉMOIRE.

28 août 1701.

La plupart des gens qui raisonnent sont persuadés que les affaires présentes de l'Europe ne peuvent finir que par l'un de ces deux événements: le premier, que la France fasse vigoureusement la guerre, et garde les Pays-Bas pour son dédommagement; le second, que la France se lasse, et qu'elle fasse céder par l'Espagne les PaysBas à l'archiduc. J'avoue que je ne voudrois ni l'un ni l'autre. Le premier seroit contre la bonne foi qu'on doit à l'Espagne; le second marqueroit de la foiblesse, et feroit grand tort au roi, qui s'est chargé, à la face de toute l'Europe, d'empêcher le démembrement de la monarchie espagnole. On peut éviter ces deux inconvénients; mais il

SUR LA GUERRE DE LA SUCCESS. D'ESPAGNE.

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n'y a pas un moment à perdre pour prendre un bon parti.

La France a plusieurs désavantages qu'elle doit avoir sans cesse devant les yeux.

Le premier, qu'on croit qu'elle ne veut plus de guerre, et qu'elle se lassera aisément. Ainsi les ennemis disent entre eux: Tentons l'événement; si nous réussissons un peu, la France relâchera beaucoup pour faire la paix; si nous ne pouvons réussir, nous en serons quittes pour la laisser en repos. Ainsi ils croient avoir beaucoup à espérer, et presque rien à craindre. C'est leur donner trop d'avantage.

Un second inconvénient, c'est que vous avez la guerre à faire loin de chez vous, avec des frais immenses. Tout votre argent s'en va en Italie et dans les Pays-Bas espagnols. Les Pays-Bas françois commencent même à languir faute de troupes qui consument leurs blés et qui y portent de l'argent.

Un troisième inconvénient est que les peuples des Pays-Bas espagnols et du Milanais, accoutumés à une monarchie foible et sans autorité, ne peuvent souffrir l'empire avec lequel les François veulent être obéis. S'il arrivoit le moindre mauvais succès à nos armées, les villes leur fermeroient les portes, et les peuples se déclareroient pour nos ennemis.

Un quatrième inconvénient, c'est que vous avez à défendre un corps mort qui ne se défend point. Quand vous défendez un corps vivant, il vous défend aussi, et vous êtes plus fort avec lui que vous ne seriez tout seul. Mais l'Espagne vous laisse faire, et ne fait presque rien ; vous n'en avez que le poids, comme d'un corps mort; elle vous accable et vous épuisera.

Un cinquième inconvénient, c'est que cette nation paroît jalouse et ombrageuse, et qu'on la dit presque abâtardie. La France ne peut point traiter toute la nation espagnole comme le roi traite le roi d'Espagne, son petit - fils. Les Espagnols n'ont pas tous de concert compté de se mettre en tutelle: ils ont voulu obtenir du secours, et non pas se mettre en servitude. L'autorité absolue sur les Espagnols est insoutenable à la longue. Laissez-les faire, ils ne feront rien de bon, et vous feront succomber avec eux. Le milieu, entre ces extrémités, n'est pas facile à trouver. Voici les vues qui me passent par l'esprit.

1o Je ne serois point d'avis de menacer les Hollandois qu'on gardera les Pays-Bas : ils ne le croient déjà que trop. Si vous voulez le faire, il faut bien se garder de le dire. Si vous ne le voulez pas, il ne faut jamais donner cette alarme : tout le monde croira que vous ne cherchez qu'un prétexte pour le faire. Cette menace retiendra moins

les Hollandois, qu'elle n'excitera contre vous les puissances neutres. Il n'y a aucun prince neutre en Allemagne qui n'ait un véritable intérêt de vous empêcher de demeurer souverain de tous les Pays-Bas espagnols. La Hollande n'a point de ressource solide contre vous, si la barrière est enlevée; et la chute de la Hollande mettroit toute l'Europe aux fers, car l'Europe ne peut se soutenir contre vous dans aucune guerre sans l'argent de la Hollande. D'ailleurs, toute l'Allemagne roule sur le commerce des Hollandois. La Hollande est donc le centre et la ressource de la liberté de toute l'Europe. Le cœur est attaqué, si la barrière est perdue. L'Italie même doit compter que la chute de la Hollande seroit la sienne par contre-coup, surtout la puissance espagnole étant actuellement dans vos mains, et vous ouvrant ses états dans toutes les parties du monde. Je ne voudrois donc jamais laisser entrevoir que les Pays-Bas espagnols pussent demeurer à la France, ni par échange, ni par dédommagement. Il faut au contraire montrer sans cesse que le roi met toute sa gloire à conserver sans démembrement, sur la tête de son petit-fils, une monarchie qui s'est livrée à lui, et qu'il n'en retiendra jamais, pour quelque cause que ce soit, un pouce de terre. Si on avoit dû prendre ce parti extrême d'un échange, il auroit fallu le prendre tout à

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