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rocher inaccessible, et à la vue d'une armée de cent mille hommes.

Peut-on douter après cela que nos ennemis mêmes ne parlent de cette conquête avec tous les sentiments d'admiration qu'elle mérite? Et puisqu'ils ont dit tant de fois qu'il étoit impossible de prendre cette place, il faut bien maintenant qu'ils disent pour leur propre honneur qu'elle a été prise par une puissance extraordinaire, qui tient du prodige, et à laquelle ne peuvent résister ni les hommes ni les éléments.

Mais de toutes les merveilles de ce fameux siège, la plus grande est sans doute la constance héroïque et inconcevable avec laquelle le roi en a soutenu et surmonté tous les travaux. Ce n'étoit pas assez pour lui de passer les jours à cheval, il veilloit encore une grande partie de la nuit; et, après avoir commandé à ses principaux officiers d'aller prendre du repos, lui seul recommençoit tout de nouveau à travailler. Roi, ministre d'état et général d'armée tout ensemble, il n'avoit pas un seul moment sans une affaire de la dernière importance; ouvrant lui-même les lettres, faisant les réponses, donnant tous les ordres, et entrant encore dans tous les détails de l'exécution.

Quelle ample matière à cette agissante vertu qui lui est naturelle, avec laquelle il suffit tellement à tout, que jusqu'à présent l'état n'a rien encore

souffert par la perte des ministres! Ils disparoissent et quittent les plus grandes places, sans laisser après eux le moindre vide; tout se suit, tout se fait comme auparavant, parce que c'est toujours Louis-le-Grand qui gouverne.

Il revient enfin, après cette heureuse conquête, au milieu de ses peuples; il revient faire cesser les craintes et les alarmes où ils étoient d'avoir appris qu'il entroit chaque jour si avant dans les périls qu'un jeune prince de son sang avoit été blessé à ses côtés.

A peine fut-il de retour, que les ennemis voulurent profiter de son éloignement; mais ils connurent bientôt que son armée, toute pleine de l'ardeur qu'il lui avoit inspirée, étoit une armée invincible.

Peut-on en avoir une preuve plus illustre et plus éclatante que le combat de Steinkerque? Le temps, le lieu favorisoient les ennemis, et déjà ils nous avoient enlevé quelques pièces de canon, quand nos soldats, indignés de cette perte, courant sur eux l'épée à la main, renversèrent toutes leurs défenses, entrèrent dans leurs rangs, y portèrent l'épouvante et la mort, prirent tout ce qu'ils avoient de canons, et remportèrent enfin une victoire d'autant plus glorieuse que les ennemis avoient cru d'abord l'avoir gagnée.

Tous ces merveilleux succès seront marqués

296 RÉPONSE AU DISCOURS DE M. DE FÉNÉLON.

dans l'histoire comme les effets naturels de la sage conduite du roi, et des héroïques vertus par lesquelles il se fait aimer de ses sujets d'un amour qui, en combattant pour lui, va toujours jusqu'à la fureur; mais lui-même, par un sentiment de piété et de religion, en a rapporté toute la gloire à Dieu; il a voulu que Dieu seul en ait été loué, et il n'a pas même permis que, suivant la coutume, les compagnies soient allées le complimenter sur de si grands événements. Je dois craindre après cela de m'exposer à en dire davantage, et j'ajouterai seulement, que plus ce grand prince fuit la louange, plus il fait voir qu'il en est digne.

MÉMOIRE

SUR

LES OCCUPATIONS DE L'ACADÉMIE FRANÇOISE.

POUR obéir à ce qui est porté dans la délibération du 23 novembre 1713, je proposerai ici mon avis sur les travaux qui peuvent être les plus convenables à l'Académie par rapport à son institution et à ce que le public attend d'un corps si célèbre. Pour le faire avec quelque ordre, je diviserai ce que j'ai à dire en deux parties; la mière regardera l'occupation de l'Académie pendant qu'elle travaille encore au dictionnaire; la deuxième, l'occupation qu'elle peut se donner lorsque le dictionnaire sera entièrement achevé.

PREMIÈRE PARTIE.

pre

Occupation de l'Académie pendant qu'elle travaille encore au dictionnaire.

Je suis persuadé qu'il faut continuer le travail du dictionnaire, et qu'on ne peut y donner trop

de soin ni trop d'application jusqu'à ce qu'il ait reçu toute la perfection dont peut être susceptible le dictionnaire d'une langue vivante, c'està-dire sujette aux changements.

Mais c'est une occupation véritablement digne de l'Académie. Les mauvaises plaisanteries des ignorants, et sur le temps qu'on y emploie, et sur les mots que l'on y trouve, n'empêcheront pas que ce ne soit le meilleur et le plus parfait ouvrage qui ait été fait en ce genre-là jusqu'à présent. Je crois que cela ne suffit pas encore, et que pour rendre ce grand ouvrage aussi utile qu'il le peut être, il faut y joindre un recueil très ample et très exact de toutes les remarques que l'on peut faire sur la langue françoise, et commencer dès aujourd'hui à y travailler. Voici les raisons de mon avis.

Le dictionnaire le plus parfait ne contient jamais que la moitié d'une langue; il ne présente que les mots et leur signification, comme un clavecin bien accordé ne fournit que des touches qui expriment, à la vérité, la juste valeur de chaque son, mais qui n'enseignent ni l'art de les employer, ni les moyens de juger de l'habileté de ceux qui les emploient.

Les François naturels peuvent trouver, dans l'usage du monde et dans le commerce des honnêtes gens, ce qui leur est nécessaire pour bien

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