Fata vocant, conditque natantia lumina somnus. Georg. Iv, v. 485 et seq. Les animaux souffrants, que ce poëte met comme devant nos yeux, nous affligent: Propter aquæ rivum viridi procumbit in herbà Perdita, nec seræ meminit decedere nocti. Eclog. viii, v. 87 et seq. La peste des animaux est un tableau qui nous émeut: Hinc lætis vituli vulgò moriuntur in herbis, Labitur infelix studiorum atque immemor herbæ Ecce autem duro fumans sub vomere taurus Prata movere animum, non qui per saxa volutus Virgile anime et passionne tout. Dans ses vers, tout pense, tout a du sentiment, tout vous en donne; les arbres mêmes vous touchent : Exiit ad coelum ramis felicibus arbos, Miraturque novas frondes, et non sua poma. Georg. II, v. 81. Une fleur attire votre compassion, quand Virgile la peint prête à se flétrir: Purpureus veluti cùm flos succisus aratro Languescit moriens. AEneid. IX, V. 435. Vous croyez voir les moindres plantes que le printemps ranime, égaie et embellit : Inque novos soles audent se gramina tutò Credere. Georg. II, v. 332. Un rossignol est Philomèle qui vous attendrit sur ses malheurs : Qualis populeâ morens Philomela sub umbrâ, etc. Georg. iv, v. 511. Horace fait en trois vers un tableau où tout vit et inspire du sentiment: ...Fugit retrò Levis juventas et decor, aridâ Pellente lascivos amores Canitie, facilemque somnum. Lib. II, od. x1, v. 5 et seq. Veut-il peindre en deux coups de pinceau deux hommes que personne ne puisse méconnoître, et qui saisissent le spectateur; il vous met devant les yeux la folie incorrigible de Pâris, et la colère implacable d'Achille : Quid Paris? Ut salvus regnet, vivatque beatus, Jura neget sibi nata, nihil non arroget armis. Lib. 1, ep. II, V. 10 et seq. Art. poët., v. 122. Veut-il nous toucher en faveur des lieux où il souhaiteroit de finir sa vie avec son ami; il nous inspire le désir d'y aller : Ille terrarum mihi præter omnes .Ibi tu calentem Debitâ sparges lacryma favillam Vatis amici. Lib. 11, od. vi, v. 13 et seq. Fait-il un portrait d'Ulysse; il le peint supérieur aux tempêtes de la mer, au naufrage même, et à la plus cruelle fortune : ⚫ aspera multa Pertulit, adversis rerum immersabilis undis. Lib. 1, ep. 11, V. 21. Peint-il Rome invincible jusque dans ses mal heurs, écoutez-le : Duris ut ilex tonsa bipennibus Non hydra secto corpore firmior, etc. Lib. IV, od. Iv, v. 57 et seq. Catulle, qu'on ne peut nommer sans avoir horreur de ses obscénités, est au comble de la fection pour une simplicité passionnée : Odi et amo; quarè id faciam fortassè requiris. per Combien Ovide et Martial, avec leurs traits ingénieux et façonnés, sont-ils au dessous de ces paroles négligées, où le cœur saisi parle seul dans une espèce de désespoir ! Que peut-on voir de plus simple et de plus touchant dans un poëme, que le roi Priam réduit dans sa vieillesse à baiser les mains meurtrières d'Achille, qui ont arraché la vie à ses enfants? Il lui demande, pour unique adoucissesement de ses maux, le corps du grand Hector. Il auroit gâté tout, s'il eût donné le moindre ornement à ses paroles: aussi n'expriment-elles que sa douleur. Il le conjure par son père accablé de vieillesse d'avoir pitié du plus infortuné de tous les pères. Le bel esprit a le malheur d'affoiblir les grandes passions où il prétend orner. C'est peu, selon Horace, qu'un poëme soit beau et brillant, il faut qu'il soit touchant, aimable, et par conséquent simple, naturel et passionné : Non satis est pulchra esse poëmata: dulcia sunto, HORAT. Art. poët., v. 99 et seq. Le beau qui n'est que beau, c'est-à-dire brillant, n'est beau qu'à demi : il faut qu'il exprime les passions pour les inspirer; il faut qu'il s'empare du cœur pour le tourner vers le but légitime d'un poëme, VI. Projet d'un Traité sur la Tragédie. Il faut séparer d'abord la tragédie d'avec la comédie. L'une représente les grands événements qui excitent les violentes passions; l'autre se borne à représenter les mœurs des hommes dans une condition privée. Pour la tragédie, je dois commencer en déclarant que je ne souhaite point qu'on perfectionne les spectacles, où l'on ne représente les passions corrompues que pour les allumer. Nous avons vu que Platon et les sages législateurs du paganisme rejetoient loin de toute république bien policée |