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hommes ni les dieux qui parlent, mais Lucien qui les fait parler? On ne peut pas cependant nier que ce ne soit un auteur original qui réussit merveilleusement dans son genre d'écrire. Lucien se moquoit des hommes avec finesse et avec agrément; mais Platon les instruisoit avec gravité et sagesse. M. de Cambrai a su imiter tous les deux, selon la diversité de ses sujets. Dans les Dialogues des Morts qu'il a écrits pour l'instruction du jeune prince son élève, on trouvera toute la délicatesse et l'enjouement de Lucien. Dans ceux-ci, où il s'agit de donner des règles d'une éloquence grave et propre à instruire les hommes en les touchant, il imite Platon; tout est naturel, tout est ramené à l'instruction; l'esprit disparoît pour ne laisser parler que la sagesse et la vérité.

On a cru que la lettre qui se trouvera à la suite de ces dialogues pouvoit y être convenablement placée. Le succès qu'elle a déjà eu dans le public fait espérer qu'il ne sera pas fâché de la retrouver ici. De ces deux ouvrages, le premier n'avoit pas encore paru, et a été composé dans la jeunesse de

M. de Cambrai; le second l'a été dans les derniers

temps de sa vie. On reconnoîtra dans l'un et dans l'autre le même goût, le même génie, les mêmes maximes, le même but en écrivant, de ramener tout au vrai et au solide.

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tendre le sermon où vous vouliez me mener tantôt? Pour moi, je me suis contenté du prédicateur de notre paroisse.

B. Je suis charmé du mien; vous avez bien perdu, monsieur, de n'y être pas; j'ai arrêté une place pour ne manquer aucun sermon du carême. C'est un homme admirable; si vous l'aviez une

fois entendu, il vous dégoûteroit de tous les

autres.

A. Je me garderai donc bien de l'aller entendre; car je ne veux point qu'un prédicateur me dégoûte des autres; au contraire, je cherche un homme qui me donne un tel goût et une telle estime pour la parole de Dieu, que j'en sois plus disposé à l'écouter partout ailleurs. Mais puisque j'ai tant perdu, et que vous êtes plein de ce beau sermon, vous pouvez, monsieur, me dédommager; de grace, dites-nous quelque chose de ce

que vous avez retenu.

B. Je défigurerois ce sermon par mon récit ; ce sont cent beautés qui échappent; il faudroit être le prédicateur même pour vous dire.......

A. Mais encore, son dessein, ses preuves, sa morale, les principales vérités qui ont fait le corps de son discours. Ne vous reste-t-il rien dans l'esprit? Est-ce que vous n'étiez pas attentif?

B. Pardonnez-moi; jamais je ne l'ai été davantage.

C. Quoi donc! vous voulez vous faire prier? B. Non; mais c'est que ce sont des pensées si délicates, et qui dépendent tellement du tour et de la finesse de l'expression, qu'après avoir charmé dans le moment, elles ne se retrouvent plus aisément dans la suite; quand même vous les retrouveriez, dites-les dans d'autres termes, ce

n'est plus la même chose; elles perdent leur grace et leur force.

A. Ce sont donc, monsieur, des beautés bien fragiles; en les voulant toucher on les fait disparoître. J'aimerois bien mieux un discours qui eût plus de corps et moins d'esprit; il feroit une forte impression, on retiendroit mieux les choses. Pourquoi parle-t-on, sinon pour persuader, pour instruire, et pour faire en sorte que l'auditeur retienne?

C. Vous voilà, monsieur, engagé à parler.

B. Hé bien, disons donc ce que j'ai retenu. Voici le texte : Cinerem tanquàm panem manducabam ; « je mangeois la cendre comme mon pain. >> Peut-on trouver un texte plus ingénieux pour le jour des Cendres? Il a montré que, selon ce passage, la cendre doit être aujourd'hui la nourriture de nos ames; puis il ́a enchâssé dans son avant-propos, le plus agréablement du monde, l'histoire d'Artémise sur les cendres de son époux; sa chute à son Ave Maria a été pleine d'art; sa division étoit heureuse, vous en jugerez. Cette cendre, dit-il, quoiqu'elle soit un signe de pénitence, est un principe de félicité; quoiqu'elle semble nous humilier, elle est une source de gloire; quoiqu'elle représente la mort, elle est un remède qui donne l'immortalité. Il a repris cette division en plusieurs manières; et chaque

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