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TIBULLE

NOTICE BIOGRAPHIQUE

Nous avons peu de renseignements sur la personne de Tibulle. Les indications les plus précises sont dues à ses œuvres et aux deux pièces qu'Horace lui a dédiées (Od., I, xxxш; Épitr., I, Iv). Il s'appelait Albius Tibullus, mais son prénom est

inconnu.

La date de sa naissance est établie par conjecture. Ovide fait de lui le successeur de Gallus (69-26, av. J.-C.) et le prédécesseur de Properce1 (né vers 46). On le suppose né par conséquent vers 54. Cette donnée concorde avec l'épigramme de Domitius Marsus 2, suivant laquelle Tibulle serait mort en même temps que Virgile, et dans la force de l'âge. D'ailleurs Horace (né en 65) lui parle comme à un ami sensiblement plus jeune.

Nous ignorons le lieu et la condition de sa naissance. Il n'est question dans ses vers que de sa mère et d'une sœur. Nous savons aussi par lui-même que sa famille était riche, mais qu'il perdit une partie de sa fortune, peut-être lors du partage

1. Voy. Ovide, Tr., IV, x, 53: Successor fuit hic tibi, Galle; [Propertius illi. 2. Te quoque Vergilio comitem non æqua, Tibulle,

Mors juvenem campos misit ad
Elysios,

Ne foret, aut elegis molles qui fle

ret amores,

Aut caneret forti regia bella

pede.

des terres, qui atteignit également Virgile et Horace, après la bataille de Philippes (41). Nous savons par Horace qu'il possédait une campagne près de Tibur, in regione Pedana1

Tibulle fut le protégé de Valérius Messaia Corvinus, qu'il suivit, après Actium, dans sa campagne contre les Aquitains; il nou l'apprend expressément dans l'élégie I, vII, 9:

Non sine me est tibi partus honos.

Plus tard, Messala l'engagea à le suivre en Orient. Le poète, après avoir refusé (Él. I, 1), finit par céder, mais tomba malade à Corfou, d'où il retourna à Rome. Lorsque Messala revint victorieux et célébra en 27 son triomphe sur les Aquitains, Tibulle composa en son honneur le poème I, ví.

œuvres

La vie brusquement terminée de Tibulle peut se résumer en un mot il aima, et chanta ses amours. Ovide nomme deux femmes aimées par lui, Némésis et Délia 2; Horace parle d'une troisième qu'il nomme Glycera3. Délia, ses premières amours, remplit en grande partie le premier livre de ses (pièces 1, 2, 3, 5 et 6); le second est consacré à Némésis. Le premier de ces deux recueils a été édité par l'auteur; les autres ont été publiés après sa mort. Il est certain d'ailleurs que le troisième livre ne lui appartient pas. Il a pour auteur un jeune homme du cercle de Messala, désigné par le nom ou plus probablement le pseudonyme de Lygdamus. C'est en effet la poésie élégiaque que cultivaient surtout les écrivains de cette société.

Messala lui-même composa des idylles grecques; Valgius Rufus faisait des élégies et des épigrammes. Le beau-frère de Messala, Servius Sulpicius, fils du jurisconsulte ami de Cicéron, est compté parmi les poètes érotiques par Ovide et par Pline. C'est probablement la fille de ce personnage dont Ti

1. Horace, Épit., I, iv, 2. 2. Ovide, Am., III, 9, 31: Sic Nemesis longum, sic Delia [nomen habebunt, Altera cura recens, altera primus

amor.

3. Horace, Od., I, xxxIII, 2:

Albi, ne dolcas plus nimio memor
Immitis Glyceræ.

4. Ovide, Tristes, II, 441. Pline le Jeune, V, 3.

bulle célébra, dans le quatrième livre, les amours avec Cerinthus, de son vrai nom Cornutus, qu'elle finit par épouser 1. On a joint à ces poèmes de petites pièces, extrêmement curieuses, écrites par Sulpicia elle-même, qui sont comme les thèmes développés par le poète (El. IV, VII, XII). Le panégyrique de Messala, placé en tête du livre, développé à grand renfort d'érudition et de rhétorique, est indigne de Tibulle et vraisemblablement n'est pas de lui.

La mort prématurée de Tibulle a inspiré à Ovide une de ses plus touchantes élégies (Amours, III, 1x).

Quintilien place Tibulle au premier rang des poètes élégiaques de Rome3, et tous les critiques modernes confirment ce jugement. Plusieurs, entre autres Laharpe, le louent avec un véritable enthousiasme. En effet, si l'on néglige les pièces qui semblent lui avoir été attribuées à tort, si l'on tient compte que quelques-unes sont des œuvres de jeunesse où il n'est pas encore assez dégagé des procédés d'école, si l'on se borne à lire les élégies adressées à Délia, quelques-unes de celles qu'il consacre à Némésis (bien qu'il ne semble pas y avoir mis la dernière main), et les poèmes du quatrième livre où il chante

1. Tibulle, El. II, 1.

2. Éditions de Tibulle: Haupt (Leipzig, 1853); Lucien Müller (Leipzig, 1870); Behrens (Leipzig, 1878); B. Fabricius (Berlin, 1881), avec commentaire en allemand. Martinon (Paris, 1895) avec traduct. en vers et commentaire.

3. Laharpe dit : « Tibulle a moins de feu que Properce; mais il est plus tendre, plus délicat c'est le poète du sentiment. Il est surtout, comme écrivain, supérieur à tous ses rivaux. Son style est d'une élégance exquise, son goût est pur, sa composition irréprochable. Il a un charme d'expression qu'aucune traduction ne peut

rendre, et ne peut être bien senti que par le cœur. Son harmonie délicieuse porte au fond de l'âme les impressions les plus douces c'est le livre des

amants....

« Il a de plus ce goût pour la campagne qui s'accorde si bien avec l'amour; car la nature est toujours belle quand on n'y voit qu'un seul objet. Heureux l'homme d'une imagination tendre et flexible, qui joint au goût des voluptés délicates le talent de les retracer, qui occupe ses heures de loisir à peindre ses moments d'ivresse, et arrive à la gloire en chantant ses plaisirs! »

les amours de Cerinthus et de Sulpicia, on ne peut se défendre, en face de ces quelques pages, d'une réelle admiration. Sincérité absolue dans la passion, mélancolie touchante qui ne se drape jamais, amour profond de la nature, absence complète de toute affectation dans la manière de composer et d'écrire, simplicité gracieuse du style, vivacité des peintures, que n'altèrent jamais, comme chez Properce, l'étalage de l'érudition ni les raffinements de l'art alexandrin, pureté limpide de la langue, correction harmonieuse d'une versification exempte de recherche et de subtilité : telles sont les qualités qui, malgré le peu d'étendue de son œuvre, malgré le peu d'invention d'un esprit dont les idées ne s'élèvent point au-dessus du lieu commun, ont fait de lui un véritable maître, un modèle inimitable et sans cesse imité, un écrivain justeinent loué par les critiques de tous les temps et de tous les pays, dont les jugements unanimes sont contenus en substance dans le vers connu de Boileau

Amour dictait les vers que soupirait Tibulle.

EXTRAITS DE TIBULLE

ÉLÉGIE I (Éd. L. Müller, I, 1).

Tibulle répond à Messala, qui l'a invité à l'accompagner dans une expédition militaire en faisant valoir sans doute les avantages qu'il pourrait en retirer pour sa fortune. Une vie simple et tranquille dans sa modeste campagne lui suffit; ce qui le retient, c'est l'amour de Délia, auprès de qui il voudrait vivre et mourir. Les derniers mots résument la pensée qui sert de début et qui est présente dans toute l'élégie à d'autres les combats et la recherche de la richesse !

Ce poème, simplement et régulièrement composé, d'une marche naturelle et facile, est remarquable par la grâce des détails dans le tableau de la vie champêtre, et par une sincère émotion dans la peinture des sentiments du poète. Il a été plus d'une fois imité dans le détail. Il faut lire surtout la paraphrase de Lebrun, Élégies, I, II:

Ah! qu'un autre se plaise à grossir son trésor,

et l'imitation de Laharpe :

Qu'un autre, poursuivant la gloire et la fortunc...

Divitias alius fulvo sibi congerat auro1,
Et teneat culti jugera multa2 soli,

1. Auro, abl. de moyen.

2. Mulla. Var. Magna.

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