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Qui pourrait dire tous les autres fléaux de la vieillesse? Un vieillard lui-même parviendrait difficilement à les compter. On voit à sa suite les disputes, les mépris et souvent la violence, sans qu'il reste un seul ami qui lui porte secours. L'enfant même et la jeune fille rougissent de m'appeler désormais du moindre titre d'honneur. Ils rient de ma démarche, de mon air, de mon front qui tremble, et qui jadis les faisait trembler. Mes yeux aperçoivent à peine: mais ce spectacle ne peut leur échapper; car il doit redoubler et mon infortune et mon supplice. Heureux l'homme qui peut couler une vie tranquille, et terminer d'heureux jours par un prompt trépas! Il est dur pour l'infortuné de rappeler sa félicité passée. Plus on fut élevé, plus la chute en devient affreuse.

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EN dilecta mihi nimium formosa Lycoris,
Cum qua mens eadem, res fuit una mihi
Post multos quibus indivisi viximus annos,
Respuit amplexus, heu! stupefacta meos.
Jamque alios juvenes, aliosque requirit amores :
Me vocat imbellem decrepitumque senem ;
Nec meminisse valet transactæ gaudia vitæ,
Nec quod me potius reddidit ipsa senem.
Imo etiam causas ingrata ac perfida fingit,

Ut spretus vitio judicer esse meo.

HÆC me præteriens quum dudum forte videret,
Exspuit, obductis vestibus ora tegens.
Hunc, inquit, dilexi? hic me complexus amavit?
Huic ego sæpe, nefas, oscula blanda dedi?
Nauseat, et priscum vomitu ceu fundat amorem,

Imponit capiti plurima dira meo.

HEU! quid longa dies nunc affert ? ut sibi quisquam
Quondam dilectum prodere turpe putet?
Nonne fuit melius tali me tempore fungi,

Quo nulli merito despiciendus eram ;

Quam, postquam periit quidquid fuit ante decoris,

ÉLÉGIE II.

LA voilà, cette Lycoris, cette beauté que j'ai tant chérie, cette femme à qui j'ai tout donné, ma fortune et mon cœur! Après avoir vécu tant d'années dans l'union la plus intime, hélas! elle repousse avec étonnement mes caresses; elle cherche d'autres jeunes gens et d'autres amours; elle me reproche ma faiblesse et ma décrépitude, sans vouloir se rappeler les jours heureux que nous avons coulés ensemble, et que ma vieillesse elle-même est plutôt son ouvrage. L'ingrate! il faut à sa perfidie des prétextes pour imputer à ma propre faute ses injustes mépris.

Il y a long-temps déjà qu'elle m'aperçut en passant, et qu'avec un geste de dédain elle ramena sa robe devant son visage. Quoi! dit-elle, j'ai pu l'aimer? Il m'a serré amoureusement dans ses bras? je lui ai prodigué souvent les plus douces caresses? Son cœur se soulève, et, comme pour extirper son ancien amour, elle vomit et entasse sur ma tête les malédictions les plus cruelles.

Hélas! voilà donc les fruits de la vieillesse? On regarde comme une honte d'avouer l'amour qu'on éprouva jadis. N'eût-il pas mieux valu mourir, quand rien en moi ne pouvait justifier un dédain, que de vivre accablé sous des reproches mérités, après avoir perdu tout ce qui faisait autrefois ma gloire? Elle n'est plus, cette lon

Exstinctum meritis vivere criminibus?

Jam nihil est totum quod viximus : omnia secum Tempus præteriens horaque summa trahit. Atque ea, dum nivei circumdant tempora cani, Et jam cæruleus inficit ora color,

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Præstat adhuc, nimiumque sibi speciosa videtur,
Atque annos mecum despicit illa suos.
Et fateor, primæ retinet monumenta figuræ
Atque inter cineres condita flamma manet.
Ut video, pulchris etiam vos parcitis, anni;
Nec veteris formæ gratia tota perit.
Relliquiis veterum juvenes pascuntur amorum,
Et si quid nunc est, quod fuit ante, placet.
Ante oculos statuunt primævi temporis actus,
Atque in præteritum luxuriantur opus.
At quia nos totus membrorum deserit usus,

Nullos amplexus, quo: remoretur, habet.
Sed miseris solus superest post omnia luctus.

Quot bona tunc habu, tot modo damna fleo. ERGO velut pecudum præsentia sola manebunt? Nil de transactis, quod memoretur, erit? Quum fugiunt et bruta novos animalia campos, Et repetunt celeres pascua nota greges;

Sub

qua decubuit requiescens diligit umbram Taurus, et amissum quærit ovile pecus; Dulcius in solitis cantat philomela rubetis,

gue jeunesse! Le temps entraîne tout dans sa course, et la dernière heure s'avance. Déjà des cheveux blancs ombragent ma tête de leurs flocons, et une teinte livide souille mes traits. Elle cependant brille encore, ne se voit que trop belle, et veut en me fuyant oublier aussi ses années. Je l'avoue; elle conserve toujours les marques de son ancienne beauté. C'est une flamme qui vit toujours, mais cachée sous la cendre: car l'âge même, je le vois, épargne les attraits d'une femme, et ne détruit pas entièrement ce qui charmait autrefois en elle. La jeunesse glane encore les restes des anciens amours; elle recherche dans les femmes ce qui a pu échapper à l'âge; elle prête la vie au souvenir de leurs jeunes années, et leur passé jette encore pour elle un vernis séducteur. Mais nous, quand nous avons perdu entièrement l'usage de nos membres, il n'est plus rien qui appelle une dernière caresse, et le deuil nous reste seul dans notre infortune. Autant j'ai eu jadis de qualités, autant aujourd'hui je dois pleurer de pertes.

Ainsi l'homme n'a pour lui que le présent, comme de vils troupeaux? Le passé ne transmettra jamais rien à la mémoire? Cependant l'animal privé de raison fuit de nouvelles prairies pour regagner au plus vite ses anciens pâturages; le taureau aime l'ombrage sous lequel il s'est reposé déjà, et la brebis regrette le bercail qu'elle a perdu; le rossignol fait entendre des chants plus doux sous les buissons qui lui servent d'asile, et l'animal le

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