II. AU PASSEREAU DE LESBIE. PASSEREAU, délices de ma jeune maîtresse, compagnon de ses jeux, toi qu'elle cache dans son sein, toi qu'elle agace du doigt et dont elle provoque les ardentes morsures, lorsqu'elle s'efforce, par de joyeux ébats, de tromper l'ennui de mon absence; je me livrerais avec toi à de semblables jeux, s'ils pouvaient calmer l'ardeur qui me dévore, soulager les peines de mon âme. Ah! sans doute, ces jeux me seraient aussi doux que le fut, dit-on, pour la rapide Atalante, la conquête de la pomme d'or qui fit tomber enfin sa ceinture virginale. III. IL DÉPLORE LA MORT DU PASSEREAU. PLEUREZ, Grâces; pleurez, Amours; pleurez, vous tous, hommes aimables! il n'est plus, le passereau de mon amie, le passereau, délices de ma Lesbie! ce passereau qu'elle aimait plus que ses yeux! Il était si caressant! il connaissait sa maîtresse, comme une jeune fille connaît sa mère : aussi jamais il ne s'éloignait d'elle; mais, voltigeant sans cesse autour de Lesbie, il semblait l'appeler sans cesse par son gazouillement. Et maintenant i erre sur ces ténébreux rivages que l'on Sed circumsiliens modo huc, modo illuc, unde negant redire quemquam : IV. DEDICATIO PHASELI. PHASELUS ille, quem videtis, hospites, Opus foret volare, sive linteo. Et hoc negat minacis Adriatici Negare litus, insulasve Cycladas, Rhodumve nobilem, horridamve Thraciam, Propontida, trucemve Ponticum sinum; Ubi iste, post Phaselus, antea fuit : Comata silva nam Cytorio in jugo passe, dit-on, sans retour. Oh! soyez maudites, ténèbres funestes du Ténare, vous qui dévorez tout ce qui est beau; et il était si beau, le passereau que vous m'avez ravi! O forfait ! ô malheureux oiseau ! c'est pour toi que les beaux yeux de mon amie sont rouges, sont gonflés de larmes. IV. DÉDICACE D'UN VAISSEAU. AMIS, voyez-vous cet esquif? il fut, s'il faut l'en croire, le plus rapide des navires. Jamais nul vaisseau ne put le devancer à la course, soit que les voiles, soit que les rames le fissent voler sur les ondes. Il vous défie de le nier, rivages menaçans de l'Adriatique, Cyclades périlleuses, illustre Rhodes, Thrace inhospitalière, Propontide, et vous, rivages de l'Euxin, où naguère, forêt chevelue, il étendait ses rameaux : oui les sommets du Cytore ont souvent retenti du sifflement de son feuillage prophétique. Tout cela, dit-il, vous est connu, et vous pourriez l'attester encore, Amastris, et toi Cytore couronné de buis; car il s'élevait sur vos cimes chenues depuis l'origine du monde. Ses rames se plongèrent pour la première fois dans les ondes qui baignent votre base. C'est de là qu'à travers les vagues déchaînées, il a ramené son maître, soit que le vent soufflât du couchant Tuo stetisse dicit in cacumine, Sibi esse facta, quum veniret a mare V. AD LESBIAM. VIVAMUS; mea Lesbia, atque amemus, Rumoresque senum severiorum Omnes unius æstimemus assis. Soles occidere et redire possunt : ou de l'aurore, soit qu'Éole propice vînt frapper ses deux flancs à la fois. Pourtant, jamais on n'offrit pour lui de vœux aux dieux du rivage, depuis le jour où, parti de mers inconnues, il vint mouiller sur les rives de ce lac limpide. Tel il était jadis; et maintenant, vieilli dans le calme du port, il se met sous votre tutelle, couple chéri des nautonniers, Castor, et toi Pollux, frère de Castor. V. A LESBIE. VIVONS pour nous aimer, ô ma Lesbie! et moquonsnous des vains murmures de la vieillesse morose. Le jour peut finir et renaître; mais lorsqu'une fois s'est éteinte la flamme éphémère de notre vie, il nous faut tous dormir d'un sommeil éternel. Donne-moi donc mille baisers, ensuite cent, puis mille autres, puis cent autres, encore mille, encore cent; alors, après des milliers de baisers pris et rendus, brouillons-en si bien le compte, qu'ignoré de nous-mêmes comme des jaloux un si grand nombre de baisers ne puisse exciter leur envie. |