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Tu me souris, et je te fais

Une révérence décente.

Les compliments ne sont pas longs.
-Bonjour, monsieur. - Bonjour, madame.
-Voulez-vous ?... De toute mon âme.
Tu prends mon bras, et nous partons. »

Cette pièce, d'une certaine affectation de sentiment, mais très piquante comme expression, faisait l'admiration de Palissot. Depuis le sonnet adressé à la princesse Cranie contre son ingrate de fièvre (modèle évident de cette charmante pièce) nous n'avons rien lu de plus ingénieux; et sans la crainte d'être soupçonné d'adulation, nous ajouterions que la nouvelle Épitre nous paralt infiniment supérieure à l'ancien Sonnet 1. »

Les épitres et les poésies fugitives de Vigée, et particulièrement les pièces adressées à Ducis et à Legouvé, offrent un mélange intéressant de grâce et de malice, de goût et de facilité.

1 Palissot, Mémoires sur la Littérature, Vigée.

2 Voir son recueil de Poésies, 1813, 5′ édit., grand in-18. On trouverait aussi beaucoup de vers de lui dans l'Almanach des Muses dont il dirigea la rédaction depuis la mort de Sautreau de Marsy, arrivée en 1789, jusqu'à sa propre mort, en 1820.

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Viennet, qui s'est exercé en tant de genres, a écrit quelques Epitres remarquables. Sa pièce A mes quatre-vingts ans renferme des détails charmants de grâce et de naturel. La spirituelle franchise du poète laisse voir, dès le début de cette composition, un sentiment de satisfaction personnelle très net et très piquant :

« O mes quatre-vingts ans! je vous avais prévus;
Mais je ne vous dis pas: Soyez les bienvenus.
Sans doute, et j'en rends grâce à la bonté céleste,
Je vous porte gaiment et d'un air assez leste.
Mon front sous votre poids n'a pas encor fléchi,
Et mes rares cheveux ont à peine blanchi.
Dans les courses qu'à pied me prescrit l'hygiène,
Mes pas n'ont pas besoin qu'un bâton les soutienne.
D'un fossé de cinq pieds ma prestesse se rit;

Et, dût certain Zoile en crever de dépit,

Les vers que fait jaillir ma verve octogénaire

Au public qui m'entend n'ont pas l'air de déplaire. »

On lit aussi avec un vif intérêt l'épitre Sur les mots nouveaux, où l'auteur a fait ressortir, en des vers corrects et faciles, les néologismes les moins harmonieux de la langue littéraire, philosophique, politique et industrielle.

Viennet, dans ses Epitres, a beaucoup imité Boileau.

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LOYSON (CHARLES)

1791-1820

DELOY (JEAN-BAPTISTE-AIMÉE)

1791-1834

Charles Loyson, dans sa courte carrière, s'occupa de journalisme et de poésie. Rédacteur des Archives philosophiques, politiques et littéraires, que dirigeaient Royer-Collard et Guizot, ses amitiés et la nature de son esprit le rangeaient parmi les doctrinaires. Forcé de soutenir contre Benjamin Constant et ses disciples d'assez vives polémiques, il sut garder toujours, avec des adversaires violents, la plus grande modération. On éprouve encore quelque intérêt à lire : Guerre à qui la cherche, Seconde campagne de guerre à qui la cherche, Lettre à M. Benjamin Constant, l'un des rédacteurs de la Minerve.

Charles Loyson se reposait de ces luttes politiques dans le culte des Muses. Ses Épitres et Élégies furent très remarquées à leur apparition. Malgré l'insuffisance des rimes et l'abus des images mythologiques, les Epitres, d'une forme rigoureusement classique, offrent un grand nombre de vers agréables, liés avec goût et facilité. La pièce A RoyerCollard, entre autres, donne avec beaucoup de franchise et de naturel d'excellents préceptes sur le véritable bonheur, sur la folie des humains à chercher ici-bas une félicité parfaite. Un court passage de l'Épitre à Cousin montrera toute la délicatesse et la douceur d'esprit du poète :

« Oh! qui me donnera, près d'une humble vallée,
Loin du chemin public, dans les bois reculée,
Une maison rustique au penchant d'un coteau;
Quelques prés, un bocage, un limpide ruisseau,
Et des moissons assez de quoi nourrir leur maître !
Alors, si près de moi, dans mon réduit champêtre,
Une épouse unissant la grâce à la raison,
Charme ma solitude et règle ma maison;

Si le soir, près du feu, je puis voir mon vieux père
Caresser mes enfants dans les bras de ma mère ;
Enfin, lorsque, parfois daignant me visiter,
Témoin de mon bonheur, tu viendras l'augmenter,
Si ma table, sans luxe abondamment pourvue,
Ne craint point d'un ami l'arrivée imprévue,

Sachons aux lois du sort arranger notre humeur.
Patience ici-bas fait moitié du bonheur,

Et nul avec raison ne se plaint de la vie,

A qui de moins heureux peuvent porter envie. »

Ses Élégies ont un accent de douce tristesse, de mélancolie résignée, qui laissent dans l'âme une impression de mol attendrissement : ainsi la touchante élégie, le Lit de mort, dont le sujet et le ton rappellent les meilleurs vers de Millevoye. Le poète, languissant, malade, annonce à ceux qui l'entourent sa mort prochaine :

« Cessez de me flatter d'une espérance vaine,
Cessez, ô mes amis, de me cacher vos pleurs!
La sentence est portée; oui, ma mort est certaine,
Et je ne vivrai plus bientôt que dans vos cœurs !

Pour la dernière fois j'ai vu briller l'aurore,
Pour la dernière fois ce beau soleil m'a lui;
Votre ami, succombant au mal qui le dévore,
Sur le déclin du jour va s'éteindre avec lui. »

Un an plus tard, cette prévision funèbre était réalisée. Le poète avait vu fuir ses rêves de gloire, de bonheur et de paix. Seule, la mort ne l'avait pas trompé.

Charles Loyson a célébré dans ses Élégies les sentiments de la famille et l'amour du foyer :

<< Dieu! qu'on dort mollement daus le lit de ses pères ! »

Il a chanté les gracieux souvenirs des jours d'enfance, le souffle vivifiant de l'air natal et les radieuses espérances d'une nouvelle et dernière patrie. Les mêmes aspirations spiritualistes élèvent toutes ses compositions.

Charles Loyson, dit Sainte-Beuve 1, est l'intermédiaire entre Millevoye et Lamartine.

Un autre poète, mort en 1834, DE LOY, en écrivant : Cueillons, cueillons la rose au printemps de la vie; Oui, l'Anio murmure encore, devait marquer une nouvelle transition, celle des premières élégies en vers libres aux premières pièces rythmées des Méditations: le Lac, le Soir, l'Automne et l'Isolement.

1 Portraits littéraires, t. II.

POÈTES DU XIX SIÈCLE.

- II.

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POMMIER (AMÉDÉE)

-Né en 1804 —

Les Colifchets ou Jeux de rimes d'Amédée Pommier sont l'œuvre la plus étrangement fantaisiste, au point de vue du rythme, qui fut jamais écrite. Déjà l'auteur des Crineries et Deties de ceur avait dit, dans un élan de naïveté fanfaronne:

« Je fais avec le vers deveau mon hochet
Ce que Paganini faisait de son archet.»

Il ne lui manque, en ce nouveau recueil, pour justifier cette prétention, qu'un peu plus d'âme et d'harmonie.

Le livre s'ouvre par une Épitre apologétique. La première impression est fâcheuse. On est désagréablement surpris d'entendre le poète vanter d'abord son habileté et jeter à des critiques supposés cette bravade fanfarone : « qu'ils en fissent autant1. » Cet écrivain d'un mérite incontestable a eu le tort de laisser trop fréquemment voir le sentiment qu'il avait de lui-même, d'offrir trop de place au moi dans ses écrits, et de prendre en ses vers un soin trop vif de son apothéose. Les Colfichets sont un défi constant à la langue, aux mots, aux rimes. Aucune difficulté, aucun obstacle n'a arrêté le poète dans sa témérité d'expressions. Il a écrit des pièces uniques, où les curiosités les plus extraordinaires du rythme ont été dépassées : tapage étourdissant de rimes revenant pressées, sonores et régulières, dans un cadre restreint jusqu'aux dernières limites du possible; assemblage inoui de pièces :antastiques où la poésie se dessine, se taille physiquement et géométriquement, où l'inspiration peut, sans rien perdre de son souffle, se répandre, pendant douze pages, en vers monosyllabiques 3.

Amédée Pommier, dans quelques pièces d'une certaine étendue, a fait rendre à l'expression tout ce qu'elle pouvait tenir; mais cette perfection même devait avoir son désavantage et sa monotonie.

Le procédé favori du poète est l'enumération, procédé commode pour triompher des entraves du rythme, car il « ne suppose qu'une imagination acharnée à la recherche des mots, une grande patience et une i génieuse dextérité à manier le vers *. »

C'est ainsi qu'en louant la fontaine de Jouvence il passera en revue,

1 Voir Vapereau, Année littéraire, p. 32.

La Pyramide.

Blaise et Rose.

Francisque Sarcey, Les Artistes en rythme.

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