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Austère, âpre, morose, ou servilement obséquieuse? Entre ces deux excès, elle tiendra le milieuf.

La parfaite vertu fuit toute extrémité. (Le Misanthrope.) Le courtisan ne doit pas ressembler à la courtisane éhontée, mais à la matrone, digne et grave, bien que sachant au besoin, comme celle de l'Art Poétique, ou la Lycimnia de Mécène, folâtrer, badiner, même danser.

Ce début continue l'apologie commencée dans la précédente épître.

Deux portraits vivement peints, le flatteur et le bourru ! L'humeur âpre et contredisante de certains hommes, la pouvait-on mieux représenter que par ce vers?

Asperitas agrestis et inconcinna gravisque 2.

L'un, sous l'air de vouloir garder sa liberté,
Vous prend une farouche et sauvage âpreté.

Dans le vers d'Horace, on croit sentir les piquants.
Nous voyons, un peu plus bas, le même homme

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1 « La vertu est une habitude de se déterminer, conformément au milieu convenable à notre nature, par l'effet d'une raison exacte et telle qu'on la trouve dans tout homme sensé. Ce milieu se rencontre entre deux vices, l'un par exeès, et l'autre par défaut. » (Aristote, Morale, II, vi, Thurot).... « C'est une affaire que de devenir vertueux; car, en tout genre, tenir le juste milieu est une tâche difficile. » (Id. vin).

Voir au chapitre vi ce que dit Aristote de l'homme ɛùtρáñɛλoç, c'est-àdire sachant se tenir à distance égale de la rusticité, asperitas agrestis, et de la bouffonnerie. Horace, évidemment, avait présentes à l'esprit ces distinctions du philosophe en écrivant les premiers vers de son épître. C'est même ce mot evτpáñedos qui lui aura rappelé le souvenir et suggéré l'anecdote d'Eutrapelus (vers 31, etc.).

Le chardon importun hérissa les guérets.

(Boileau, ép. IV.)

De sottises armé, disputer sur un fil'.

L'autre ! alter in obsequium, etc. Remarquer la différence des expressions. L'une âpre et rude et hérissée, pour ainsi dire; l'autre aussi coulante que l'humeur du personnage, un Philinte renforcé, tandis que alter rixatur rappelle Alceste le misanthrope.

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(Sc. 1.)

Morbleu, vil complaisant, vous loueż des sottises.... .... Et si, par un malheur, j'en avais fait autant, Je m'irais, de regret, pendre tout à l'instant. Quel est donc ce cas pendable de Philinte? Il vient d'embrasser un homme dont il ne sait pas le nom. -Nous trouvons ailleurs, même pièce, une autre exagération analogue au pretium ætas altera sordet.

- Mais........- Non, madame, non, quand j'en devrais mourir, Vous avez des plaisirs que je ne puis souffrir. (III, v.) Ces deux monosyllabes, ut non, ut non, se répondant d'une fin de vers à l'autre, n'est-ce pas comme une sorte d'aboiement répété, acriter elatrem? Elatrem! Il semble que ce soit un cynique qui qualifie ainsi son propre langage. Et tous ces-r multipliés! (alter rixatur, et acriter elatrem) lettre canine, dit

1

Castor sciat an Dolichos plus?

Voyez-les s'emporter sur les moindres sujets,

Sans cesse répliquant sans répondre jamais.
« Je ne céderais pas au prix d'une couronne....
Je sens.... le sentiment ne consulte personne....
Et le roi serait là.... je verrais là le feu....
Messieurs, la vérité mise une fois en jeu,
Il ne m'importe point de plaire ou de déplaire.... »
C'est bien dit : mais pourquoi cette morale austère ?
Hélas! c'est pour juger de quelques nouveaux airs,
Ou des deux Poinsinets lequel fait mieux les vers.

(Rulbières, Les Disputes.)

Perse. Cette même consonne, elle ajoute à la rude énergie des paroles d'Alceste.

Maintenant, écoutons Philinte.

Je suis déjà charmé de ce petit morceau....

Ah! qu'en termes galants ces choses-là sont mises!...
La chute en est jolie, amoureuse, admirable!...

(I, u.)

Cette chute, qu'il relève avec emphase, voilà bien le cadentia tollit. Mais Alceste:

La peste de ta chute! empoisonneur au diable!

En eusses-tu fait une à te casser le nez!...

Je soutiendrai toujours, morbleu! qu'ils sont mauvais,

Et qu'un homme est pendable après les avoir faits. (III, vn.)

Pour revenir au flatteur latin, dont Philinte, homme estimable après tout, ne reproduit qu'un côté, notons ce trait : imi derisor lecti. Flagorneur des grands, et moqueur des petits qu'on leur immole, c'est la règle. Et la suite, nutum divitis horret, cette attention craintive et religieuse aux moindres gestes, aux moindres mots du riche, cette espèce d'idolâtrie jouée, n'en retrouverions-nous pas, quelque part, dans notre théâtre, la mise en action?

Autre peinture dramatique aussi ! Ce grand qui voit de mauvais œil et qui réprimande dans son compagnon tous les vices que lui-même se permet et s'arroge, comme un privilége de sa position, voulant (vult, au commencement du vers le parler bref du commandement), tel qu'une tendre mère, mère écrevisse, par exemple, qu'on aille droit quand il y va tortu. Au fait, n'a-t-il pas quelque raison? Vous êtes pauvre, il est riche.

<< La plus grande folie, ah! pour moi ce n'est rien.
Mais toi! toi mon rival avec si peu de bien!
Un simple compagnon ne doit pas, s'il est sage,
D'une toge à longs plis se permettre l'usage. »

Ce travers, cum divitibus certare, Horace (Sat., II, III) se le faisait plaisamment reprocher à lui-même par Damasippe.

Edificas, hoc est, longos imitaris, ab imo
Ad summum totus moduli bipedalis.

Réprésentation pittoresque du parvula res. Le poëte tire volontiers ses similitudes de circonstances relatives à sa personne. Damasippe, au surplus, pouvait bien être ici l'écho de quelque grand fier et jaloux. Comment! ce petit Horace,

Lui qui n'est tout au plus que fils d'un affranchi'!

singer les grands! obtenir de Mécène ou d'Auguste une faveur qui n'est due qu'à nous !....

2

An quodcunque facit Mæcenas, te quoque verum est
Tanto dissimilem et tanto certare minorem?

Mécène, assurément, n'était pas homme à se prévaloir auprès d'Horace de la supériorité que lui donnaient son rang, sa fortune, etc. Mais, enfin, Mécène lui-même, tout Mécène qu'il était, et avec un homme tel qu'Horace, son meilleur ami, non pas son comes, laissait quelquefois percer, échapper sa grandeur. Il avait de ces moments fâcheux, qui pouvaient être plus fréquents et plus désagréa

Libertino patre natus.

(Est-il dans la vérité des choses que....? Convient-il que tu paraisses ce que tu n'es pas ?)

bles pour le jeune Lollius dans le commerce d'un grand, tout autre à beaucoup d'égards que Mécène. Voilà ce qu'Horace voudrait lui sauver.

Dans l'épître, à laquelle je viens de faire allusion, figure, à l'adresse de Mécène lui-même, un certain riche, Philippus, faisant du bien qu'il soupçonne devoir tourner à mal, et cela, pour trouver de quoi rire et se divertir. Non moins perfide était, dans ses présents, pour ainsi dire, empoisonnés, cet autre riche, Eutrapelus, qu'Horace rappelle à son jeune ami. Celui qu'il voulait perdre' en recevait des vêtements de prix.

Ces précieux habits, il les prend.... aussi vite
D'autres desseins avec rien dès lors ne limite
Ses désirs, son espoir : il dort tout le matin,
A la chaste vertu préfère une catin,

Repaît l'usure.... Un jour3, ou Thrace ou domestique,
Traînant d'un maraîcher la haridelle étique.

Quelles dures conditions! Vivre parmi les vices les plus contagieux, et n'en rien contracter! Sagesse exemplaire, s'il plaît au patron qui n'est pas sage! Et puis, une discrétion presque surhumaine! Les grands vous honorent-ils du moindre secret, n'en rien trahir, nonobstant l'ivresse ou la colère qui

Ne pas prendre, ici encore, trop à la lettre.

2 Dormiet in lucem. Posces ante diem librum cum lumine.... Une des recommandations faites à Lollius (ép. 11).

Ad imum. Placé d'une façon pittoresque au bout du vers. En dernier lieu, déchu qu'il est de ses richesses, de ses grandeurs imaginaires,

Notre homme n'ayant plus ni crédit ni ressource,

quand il en est comme à la lie du vin qui l'’enivrait, au bas, pour ainsi dire, de cette vie extravagante et dépensière qu'il a menée. Nous disons: Il est au bas, lorsque la fortune ou la vie échappent à quelqu'un.

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