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L'un va trop lentement, l'autre court avec feu :
Moi, le pas bien réglé, je garde le milieu.

SII.

ÉPITRE XVII. A SCEVA.

Maintenant laissons un peu Lollius, que nous retrouverons plus tard, ses études terminées, et sur le point de s'attacher comme compagnon, comes, à quelque prince (nous ne savons lequel) de la famille d'Auguste. Voyons un autre jeune homme, à qui, plusieurs années auparavant, Horace adressait aussi des conseils, précisément sur le même sujet qu'il traite dans la seconde épître à Lollius, la manière de se conduire avec les grands.

Nous avons déjà signalé ce début charmant, plein d'aisance et de simplicité. Genre La Fontaine et Voltaire. Ainsi devait écrire ou causer cet Aristippe, le héros, pour ainsi dire, et l'inspirateur de cette épître', comme de l'autre, Homère.

Maxime Lolli, disait le poëte à Lollius. Ici, sans accompagnement d'épithète ou de qualification, Scæva tout seul, mot par lui-même significatif : Gaucher, ce qui ne l'empêche pas de sibi consulere. Jeu de mots discret, visible à peine, comme la plupart de ceux d'Horace. -Disce docendus... Anti

'C'est principalement une de celles qui ont motivé le

Nunc in Aristippi, etc., etc.

de l'épître préliminaire.

Ce docendus appuie notre opinion (voir plus bas, page 95), que l'épitre à Scæva précéda de beaucoup la xvino à Lollius.

Balzac dit la même chose à son Hydaspe (voir plus haut, page 76. jeune homme de vingt ans.

thèse semblable dans notre phrase: Avoir pour maître un écolier. Amiculus (ailleurs Sabellus), jeu de mots lui-même en même temps que terme de tendresse, ajoute au gracieux enjouement de ce préambule. Si nous ne craignions de trop insister, nous remarquerions encore la modestie badine de si quid à la fin du vers, etc., etc. Ce commencement rappelle d'ailleurs, pour le fond, les paroles d'Horace à l'aîné des Pisons, dans l'Art Poétique :

O major juvenum, quamvis et voce paterna.

Fingeris ad rectum, et per te sapis, hoc tibi dictum
Tolle memor.

Horace établit trois manières de passer sa vie : 1° dans la solitude et l'obscurité de la campagne, comme il fit plus tard le plus souvent qu'il pouvait, et comme il souhaitait problablement déjà de le faire; 2° dans le commerce des grands, comme il faisait alors; 3° dans le commerce du peuple ou de la populace, comme avaient fait, avant le règne d'Auguste, tant de Romains.

Si le repos t'est cher, et que toute l'année
Tu veuilles sommeiller la grasse matinée;
Si tu hais la poussière, et le fracas des chars,
Le tintamarre affreux des cabarets criards,
Demeure à Férentine ou bien dans un village.
Les riches n'ont pas seuls toute joie en partage.
Heureux qui loin du monde a dérobé ses pas,
Et dont nul ne connut la vie et le trépas!

(Bienheureux a vécu celui-là dont le sort
Cacha discrètement la naissance et la mort.)

Qu'heureux est le mortel qui, du monde ignoré,

Vit content de lui-même en un coin retiré! (Boileau, ép. vi.}

Cette supposition site grata quies, peut être aussi

regardée comme une sorte de comparaison.

Ne

sens-tu des grandes villes, c'est-à-dire de Rome, que les embarras la poussière, le roulement continu des chars, etc. désires-tu couler jours paisibles et nuits tranquilles, va, mon ami, à Férentine. Ainsi, quant à la vie auprès des grands, ne te soucies-tu pas d'acheter ses avantages au prix des inconvénients qu'elle entraîne, reste dans une humble condition.

Mais convient-il de s'attacher aux grands? Oui, si c'est pour être utile aux tiens. La Bruyère est du même avis. «Il y a, dit-il, une philosophie qui nous élève au-dessus de l'ambition et de la fortune, qui nous égale..., que dis-je? qui nous place plus haut que les riches, que les grands et que les puissants; qui nous fait négliger les postes et ceux qui les procurent; qui nous exempte de désirer, de demander, de prier, de solliciter, d'importuner; et qui nous sauve même l'émotion et l'excessive joie d'être exaucés. Il y a (Écoutez!) une autre philosophie qui nous soumet et nous assujettit à toutes ces choses en faveur de nos proches ou de nos amis : c'est la meilleure. » (Des Jugements.)

Celle même d'Horace, excepté pourtant qu'elle interdit ces sollicitations importunes auxquelles s'assujettirait le philosophe français.

Oui, continue le poëte, si l'on veut acquérir, et c'est le cas dans lequel il se trouvait alors, plus de bien-être, ce que nous appelons aujourd'hui le confortable (siccus, etc.)'. Les objections qu'un tel prin

Accedes siccus ad unctum.

Heureuse opposition qui représente vivement, par leurs effets bien distincts, l'opulence et la pauvreté. Pauper et dives, quelle diffé

cipe pouvait soulever, Horace les prévient par un double exemple, habilement choisi. D'Aristippe, philosophe élégant et de bon goût, il rapproche Diogène le cynique, ignoble courtisan du petit peuple. La grossièreté du personnage, son impuissance à plaire, expliquent son antipathie pour les grands et les paroles de blâme qu'il lance contre Aristippe. Lequel des deux prendre pour modèle? Le choix ne saurait être douteux. Horace entend, cela va sans dire, que l'ami des grands sera comme le brillant épicurien1 (son modèle à lui-même, surtout dans la première moitié de sa vie, et lors de la composition de cette épître), pouvant, non moins qu'Aristippe, après avoir vécu parmi les grandeurs et les délices, s'accommoder, le cas échéant, d'une humble condition, porter l'habit de l'indigence, endurer les privations, etc.

Je considère cette épître à Scæva comme une apologie indirecte d'Horace se personnifiant jusqu'à certain point dans Aristippe; comme une censure dédaigneuse de ses ennemis ou détracteurs, qui le poursuivaient de railleries mordantes, par jalousie d'une fortune, à laquelle ils ne pouvaient pas atteindre.

Nunc quia sum tibi, Mæcenas, convictor; at olim

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Quod mihi pareret legio romana tribuno. (Sat., I, vi.) La plupart étaient probablement de vieux républi

rence! Unctus désigne à la fois les essences qui parfument le riche (nitidique capilli, ép. XIV); les mets succulents qui le nourrissent, les bons vins qui l'abreuvent, et par suite la brillante figure dont il reluit. Me pinguem et nitidum bene curata cute vises (ép. IV). · Siccus. Tout le contraire. Je demande grâce pour l'anachronisme.

cains hargneux, criant contre Horace, sous prétexte qu'il flagornait, en plat courtisan, Mécène ou Auguste, et qui ne voulaient pas se souvenir des bassesses qu'ils avaient faites pour complaire à la populace du Forum, et capter ses faveurs. Ils rappelaient sans doute, au sujet des rapports d'Horace avec l'empereur, Aristippe chez Denys, et le poëte acceptant, comme un titre d'honneur, cette assimilation, dont pouvait leur avoir donné l'idée son penchant pour le cyrénaïque, faisait du courtisan philosophe un brillant éloge qui le justifiait lui-même.

Ce n'était pas une louange exagérée pour le besoin de la cause. Cicéron, dans le traité des Devoirs, adressé à son fils, un de ses derniers ouvrages moraux, et qui doit renfermer l'expression la plus vraie de ses opinions et de ses sentiments, semble mettre Aristippe sur la même ligne que Socrate, et qualifie de grands et divins les services qu'il a rendus. Mais quant aux cyniques, il les rejette absolument... Nec quemquam hoc errore duci oportet, ut, si quid Socrates aut Aristippus contra morem consuetudinemque civilem fecerint locutive sint, idem sibi arbitretur licere. Magnis illi et divinis bonis hanc licentiam assequebantur. Cynicorum vero ratio tota est ejicienda: est enim inimica verecundiæ, sine qua nihil rectum esse potest, nihil honestum (I, XLI).

Ne prenons pas non plus à la lettre toutes les paroles d'Aristippe, rapportées par Horace, ou du moins l'application qu'il paraît s'en faire. Scurror ego: concession tout ironique. Aristippe, ainsi qu'il a fait pour regibus uti (13-14), reprend l'expression même, employée par Diogène, sans lui donner, bien

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