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struisent davantage, insinuent mieux, enfoncent mieux le précepte.

C'est une causerie familière et séduisante, où la leçon devient un charme, presque irrésistible.

Epistolarum genera duo (dit encore Cicéron) quæ me magnopere delectant: unum familiare et jocosum, alterum severum et grave. »

Ces deux genres délicatement fondus ensemble par Horace, n'en font chez lui qu'un seul. C'est par là que ses épîtres ont obtenu si grand succès de tout temps, chez toutes les nations, principalement la nôtre. Lyrique, satirique, épistolaire, il est toujours pour nous le plus français des poëtes latins. Mais il n'a nulle part mieux pratiqué que dans les épîtres son

Scribendi recte sapere est et principium et fons.

Or, cette rectitude, cette sagesse, ce bon sens, qualités éminemment françaises!

Le genre épistolaire lui-même, n'est-il pas aussi un genre français par excellence? Ce sermo pedestris, où pouvait-il être mieux le bienvenu que chez nous, si renommés pour exceller ou avoir excellé dans la conversation, dont l'épître tient tant?

Rappelons-nous, depuis les commencements de notre littérature, ce grand nombre d'écrivains épistolaires, en vers, en prose, quelques-uns à la fois dans ces deux formes. Rappelons-nous également un genre si rapproché de celui des lettres, nos mémoires confidentiels, dont plusieurs sont des chefsd'œuvre; nos contes eux-mêmes, où si volontiers intervient comme en une épître la personne du

conteur. Et, dans nos comédies de mœurs, mainte scène ne reproduit-elle pas (quelquefois jusqu'au défaut) le langage et le ton de l'épître? de l'épître d'Horace, quand c'est Molière.

Nous devions donc, nous surtout, apprécier un écrivain tel qu'Horace, chez qui nous retrouvons tant de nos qualités morales et littéraires, entre autres, pour n'en citer, dans ce dernier ordre, qu'une seule des plus habituelles, cette netteté, vernis de nos écrivains maîtres. Nous devions, lui plus qu'un autre, le lire, le relire et l'étudier. Aussi, dès la renaissance, avons-nous fait. Nul autre poëte de l'antiquité ne s'est plus infusé dans nos veines. Nous n'avons puisé nulle part autant qu'à cette source si pure, si limpide, à cette Digence, à cette Blandusie rafraîchissante. Nul autre, pendant que les imitations de certains poëtes anciens nous égaraient, nul autre n'a peut-être plus contribué, pour le fond et pour la forme, au perfectionnement de notre littérature, dans plusieurs genres. Nul enfin n'a été plus cité, n'a plus laissé de lui dans la mémoire, même des gens du monde, qui redeviennent, a-t-on dit, latins par lui et pour lui1.

:

Disons-le c'est comme un des ancêtres de notre littérature, ainsi que nous aurons sans cesse occasion de le faire voir dans cette série d'études sur chacune de ses épîtres.

1 J'ajoute ici Virgile, dont tant de vers manent alto corde reposti.

II.

ÉPITRE PREMIÈRE. A MÉCÈNE.

SI.

Horace, dans sa première épître, destinée, ce nous semble, à servir aux autres comme de préface et d'introduction, se montre sous un aspect des plus intéressants. On l'y voit sérieusement occupé du dessein de corriger ses défauts, et, quoiqu'il ne le dise pas, de perfectionner ses qualités; en un mot, de pratiquer, autant et du mieux qu'il pourra, potenter, la philosophie. Les épîtres, qui suivent celle-ci, ne la démentent point. Au contraire, elles se distinguent par une morale sage, pure, élevée, facile néanmoins et tout engageante. Cette morale, prêchée d'exemple avec une sympathie si persuasive, on sent qu'elle procure le bonheur. Elle vous convie à la suivre, pour le goûter. L'amour des richesses, maladie si commune dans tous les temps, lèpre des Romains, surtout à l'époque d'Horace (Fervet avaritia miseroque cupidine pectus? 33); l'ambition, la fausse gloire ou la vanité (Laudis amore tumes? 36); les voluptés déréglées, l'intempérance, l'inertie ou la fainéantise, la colère, l'envie (Invidus, iracundus, iners, vinosus, amator, 38); le mécontentement de soi-même et des autres, l'inconstance, l'ennui, le dégoût (passim 1re épître), telles sont, en général, les passions ou dispositions

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malfaisantes trouble de l'âme et de la vie qu'Horace attaque successivement, d'une façon variée, vive, dramatique, presque toujours enjouée, pour mettre en leur place les vertus contraires, et, par suite, le repos et la tranquillité dont il jouit. Donc, composée après les autres, cette première épître si charmante les annonce et les résume, pour ainsi dire, à l'avance, ainsi que fait, dans nos cours de Facultés, la première leçon, programme des suivantes.

C'est, dans l'histoire de notre poëte, une époque remarquable que celle de la composition des épîtres. Il nous y paraît à cet âge en quelque sorte climatérique, où bien des hommes, nés avec un fond de sagesse, cherchent à régler désormais leur vie par la raison 1. Tâche ici d'autant plus facile que, grâce à l'heureuse influence du naturel et de la première éducation, cette vie, même aux jours les plus fougueux de la jeunesse, consule Planco, ne s'est jamais trop écartée de la règle.

Non lusisse pudet, sed non incidere ludum. (Épit, 14.)

Nous voyons un des premiers génies de notre littérature, J.-J. Rousseau, après avoir, comme il dit, flotté de la sagesse à l'erreur, entreprendre, mais sans succès, au même âge qu'Horace (et peut

1 « La jeunesse est si aimable qu'il faudroit l'adorer, si l'âme et l'esprit étoient aussi parfaits que le corps; mais quand on n'est plus jeune, c'est alors qu'il faut se perfectionner, et tâcher de regagner, par les bonnes qualités, ce qu'on perd du côté des agréables. Il y a longtemps que j'ai fait ces réflexions, et, par cette raison, je veux tous les jours travailler à mon esprit, à mon âme, à mon cœur, à mes sentiments. » (Madame de Sévigné. Aux Rochers, 1671.)

2 Voy. les Rêveries, etc., 3o Promenade, une des plus intéressantes.

être à son imitation)', une réforme analogue dans sa conduite. Réforme plus extérieure qu'intime, quoi qu'il prétende. La règle, en effet, pouvait-elle longtemps diriger cette nature maladive, inquiète, bizarre, souvent égarée par l'orgueil et la vanité qu'il ne dépouilla jamais? Je ne sais quel vice de naissance, qu'aucune éducation n'avait tempéré, suit tout le cours de son existence et l'empoisonne. Et ce furent précisément les dernières années, calmes et sereines pour Horace, que Rousseau passa les plus errantes, les plus malheureuses, terminées enfin par la mort la moins philosophique, loin de ces montagnes natales, où l'on regrette qu'à l'exemple de Voltaire un étranger- qui leur dut la meilleure part de sa vie, l'auteur d'Émile n'ait pas su, plus heureux encore que son rival, le cœur apaisé, l'esprit sain, goûter au milieu d'une nature aimée la vieillesse d'un sage, comme après un jour mêlé d'orages un couchant doux et consolateur.

Horace, dont la destinée, au reste, avait été beaucoup moins troublée, voulut dignement achever et couronner sa carrière, comme poëte et comme homme non pas, comme homme, en vue de cette autre vie rémunératrice, où tendent les chrétiens, et qu'il ne paraît pas avoir beaucoup espérée; mais par suite de son attachement natif au Verum atque decens (qui pourrait être, en ajoutant le Placens, la devise de ses actions et de ses ouvrages), et pour

1 C'est d'Horace qu'il a emprunté l'épigraphe de son premier discours, ce Decipimur specie recti, dont il est, dans ce discours même, et dont il devait être bien souvent une preuve si vivante.

2 Le decens suffirait; car n'implique-t-il pas le placens? Gratiæ de

centes.

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