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clarait aux chefs des partis jusqu'où elle pouvait s'engager. » Horace ne prend pas cette peine-là.

Plusieurs autres fins plaisantes et inattendues dans ses œuvres. La première des satires, par exemple, également dédiée à Mécène, se termine par ces deux vers:

Jam satis est: ne me Crispini scrinia lippi1
Compilasse putes, verbum non amplius addam.

Je lis dans l'argument philosophique du Lysis, une observation qui peut s'appliquer en grande partie à notre poëte. La voici : « ... A peine a-t-il entamé cette polémique nouvelle qu'il l'interrompt, et à dessein; le grand artiste, qui se joue toujours un peu et redoute avant tout l'apparence de la pédanterie, pour donner plus de naturel et de grâce à son ouvrage, n'est pas fâché de laisser croire que toute cette longue discussion n'est qu'un badinage sans aucune vue sérieuse et sans résultat positif. » (M. Cousin, IV.)

Quid vetat?

Ridentem dicere verum

Même tome, note du Ménexène.

(Sat. I, 1.)

« Le badinage est ici évident; mais on n'est pas assez pénétré de cette idée, que le sérieux dans Platon n'est jamais à la surface, et, dupe de l'apparence, on disserte gravement où il n'y a qu'à sourire... (jocularia, Satires, I, 1, 23)... Des critiques

1 Crispinus. Encore un stoïcien. - Lippus, un confrère!

...

Contemnas lippus inungi. (Ép. I, 29.)

Mais gardons-nous de prendre aussi trop au mot ce lippus.

ne savent pas voir le fin et le délicat de la manière de Platon. » Combien de fois celle d'Horace n'at-elle pas été méconnue!

Au lieu de la conclusion, demi-sérieuse et demibadine, ad summam, en voulez-vous une dogmatiquement formulée, lisez celle-ci de Cicéron. Quod si ita est, ut neque quisquam, nisi bonus vir et omnes boni, beati sint; quid philosophia magis colendum, aut quid est virtute divinius ? « Horace, dit Dacier à qui j'emprunte cette citation, finit cette épître comme Cicéron a fini le troisième livre de Finibus. » Non pas tout à fait de même, monsieur Dacier; mais à sa manière, en poëte.

III.

ÉPITRES II, XVII, XVIII.

SI.

ÉPITRE II. A LOLLIUS.

Ce même livre de Finibus, dont nous venons de citer les dernières lignes, offre, à son début, le dialogue qui suit (1o chapitre. Les deux premiers sont une préface à Brutus.)

L'auteur se rencontre avec Caton, dans la bibliothèque du jeune Lucullus, à Tusculum.

<< Voilà bien des trésors assemblés, Caton, et il faudra que notre jeune Lucullus les connaisse parfaitement un jour. J'ai son éducation fort à cœur, quoiqu'elle vous appartienne plus qu'à personne, et que ce soit à vous de le rendre digne de son père, de notre Cépion et de vous-même qui le touchez de si près... Vous faites bien, me dit Caton, de conserver chèrement la mémoire de deux hommes (l'aïeul et le père de Lucullus) qui vous ont recommandé leurs enfants par leurs testaments, et je suis charmé de voir que vous aimez le jeune Lucullus. Quant au soin de son éducation qui me regarde tout particulièrement, dites-vous, je m'en charge avec plaisir, mais il faut que vous le partagiez avec moi. Ce que je puis ajouter, c'est qu'il me paraît déjà donner beaucoup de marques d'une belle âme et d'un

noble esprit; mais vous voyez combien son âge est tendre. Je le vois bien, lui dis-je, et c'est aussi dans cet âge qu'il faut l'initier à ces études, et ouvrir son âme à ces sentiments qui le prépareront aux grandes choses qui l'attendent... » (Jam infici debet iis artibus, quas si, dum est tener, combiberit, ad majora veniet paratior1.)

Nous reconnaissons ici un usage touchant des Romains, lequel tenait du patronage et de la clientèle c'était que les jeunes gens d'élite fussent : confiés par leurs parents ou s'attachassent d'euxmêmes à d'illustres vieillards' qui se plaisaient à leur communiquer leur savoir et leur expérience. Ego, dit Caton de lui-même, Q. Maximum adolescens ita dilexi senem, ut æqualem. Erat enim in illo viro comitate condita gravitas... (De Senect., IV.) Cicéron, de même, avait été, dans sa jeunesse, le disciple assidu des deux Scévola. Ego a patre ita eram deductus ad Scævolam, sumpta virili toga, ut quoad possem et liceret, a senis latere nunquam discederem. Ilaque multa ab eo prudenter disputata, multa (etiam) breviter et commode dicta memoriæ mandabam, fierique studebam ejus prudentia doctior. Quo mortuo, me ad pontificem Scævolam contuli. (De Amic., 1.)

Cicéron, à son tour, devait être et fut de bonne heure avidement recherché par les jeunes nobles jaloux de s'instruire, — Cœlius, Curion, Crassus,

qui lui demandaient les secrets de l'éloquence, de la politique et de la philosophie. Sic ad se, dit

1 Traduction Régnier Desmarais. Collect. Nisard.

2

Audire et meliori credere... Ép. 1. — - Te melioribus offer. Ép. II.

Quintilien, Cœlium deductum a patre Cicero profitetur. Sic Pansam, Curtium, Dolabellam in morem præceptoris exercuit, quotidie dicens audiensque (XII). Du temps de Quintilien, qui fut animé lui-même, ainsi que Pline son ami, d'une si tendre sollicitude pour la jeunesse, la jeunesse n'avait plus la même déférence, le même culte pour l'âge mûr et pour la vieillesse. Quelques rares jeunes gens faisaient exception, tels que ce Junius Avitus, dont une lettre de Pline, vive et courte oraison funèbre, a déploré la mort prématurée. Ita me diligebat, ita verebatur, ut me formatore morum, me quasi magistro uteretur. (Me tanquam parentem, avait dit Cicéron du jeune Tullius Crassus, et observat et diligit.) Rarum hoc in adolescentibus nostris. Nam quotusquisque vel ætati alterius, vel auctoritati, ut minor, cedit? Statim sapiunt, statim sciunt omnia1: neminem verentur, imitantur neminem, atque ipsi sibi exempla sunt. Sed non Avitus (VIII, xxiii).

Pour revenir à notre poëte, nous croyons que, même à cette époque de décadence littéraire et morale, il aurait trouvé bien des Avitus. Sous le règne plus favorisé d'Auguste, il faisait les délices de chaque âge par le double charme de l'utile et de l'agréable empreints dans ses écrits. Heureux quiconque pouvait approcher de sa personne, jouir de sa société ! C'était pour la jeunesse, surtout, qu'il devait être l'objet d'un vif empressement.

1

Sachant tout, lisant tout, prompts à parler de tout,

Et qui contrediraient Voltaire sur le goût,
Montesquieu sur les lois, de Brogli sur la guerre,
Ou la jeune d'Egmont sur le talent de plaire.

(Rulhières, Les Disputes.)

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