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ne faut pas que la critique aille à la légère dans ce petit joculus, et blâme étourdiment. Le jeu de mots continue de plus belle jusqu'à la fin, qui couronne parfaitement ce badinage, plus piquant, je le répète, pour les contemporains qui l'entendaient mieux que nous: Vade, vale, cave. Ne croit-on pas ouïr les cris répétés et les coups de fouet d'un ânier poussant un âne rétif? — ou, dans un genre plus relevé, les recommandations inquiètes et pressantes du Soleil à Phaeton qui va conduire son char?

Mandata frangas. Expression charmante pour lui dire une dernière fois combien son message est délicat. Il lui demande, ce message, les mêmes précautions attentives que la vaisselle fine ou le verre, à celui qui les porte :

-

Et l'autre,

c'est-à-dire, un coursier à longues oreilles,

Se faisant prier,

Portait, comme on dit, les bouteilles.

Quelque chose d'analogue à ce mandata frangas, dans la Laitière au pot cassé.... sa fortune ainsi répandue. (Ibi omnis effusus labor.)

-

P. S. Le même M. Lemaire dit, dans son Analy sis, à la fin de cette épître, qu'il n'en dira rien, quæ nonnisi jocus est, subito a poeta chartæ illitus. Subito! Credat Judæus Apella! Autant pourrionsnous en dire de quelques autres opinions ou interprétations, qui ne sont pas de lui. Voici comme on explique 1° Sic positum, 12. « Vous déposerez votre paquet et vous le garderez (jusqu'à ce qu'Au

:

guste vous le demande). » 2o Oratus multa prece, etc. << Assailli de beaucoup de prières (c'est-à-dire, quelques instances que l'on fasse auprès de toi pour savoir ce que tu portes), continue tes efforts, c'està-dire ta marche; va toujours où je t'ai dit1. »

Horace aurait bien dû faire, avec toute la grâce modeste qu'il y pouvait mettre, une épître-épilogue à ses commentateurs, traducteurs, etc. Les bonnes vérités qu'il nous aurait dites, sous forme de recommandations! Ne titubes, mandataque frangas. Que devient-elle entre nos mains, instruments de dommage, cette fine et délicate porcelaine? En quel état la retrouverait-il? Plus ou moins fêlée, ressoudée, dédorée, décolorée, gâtée, etc. toujours néanmoins d'un grand prix, toujours merveilleuse. Les traducteurs et commentateurs sont bien souvent à l'auteur ce qu'aux paroles de Cléonte est la parodie de Covielle.-« La divine Plessis.... elle me contrefait de sorte qu'elle me fait toujours le même plaisir que si je me voyais dans un miroir qui me fît ridicule. » (Mme de Sévigné, II, 558.)

'« Ne quæras admirationem et exspectationem vulgi movere, sed a me toties rogatus, tace. (Lemaire.)

Le sujet me poussant, j'aurais pu dire, par plaisanterie, surtout au sujet d'explications pareilles, Credat Judæus Asella, n'eût été la crainte de paraître injurieux, et s'il ne s'agissait pas d'hommes bien autrement instruits que moi, chétif, et pour lesquels j'éprouve une grande estime et de la reconnaissance, particulièrement M. Lemaire, dont les travaux sur Horace m'ont été fort utiles. Il n'est pas étonnant que dans une telle quantité de notes, généralement bonnes, il en ait fait ou admis de plus ou moins contestables, etc..

SII.

ÉPITRE XIX. A MÉCÈNE.

Applicables aux commentateurs, les paroles de Mme de Sévigné sur Me Plessis, le seraient encore davantage aux imitateurs :

O imitatores, servum pecus,

s'écrie Horace, et tout le monde après lui. Cette flétrissante exclamation, les critiques de toutes les langues l'ont empruntée, pour l'imprimer à perpétuité sur le front des imitateurs serviles, comme le stigmate qui punissait à Rome les esclaves.

Horace leur en voulait d'autant plus à ces plagiaires ineptes, que, pour justifier leurs plagiats, ils le traitaient lui-même aveuglément ou par mauvaise foi d'imitateur. L'épître xix a pour objet de confondre cette imputation, ainsi que d'autres, comme nous le verrons, chemin faisant.

On donne pour date à cette épître satirique l'an de Rome 739. Age d'Horace, cinquante ans. Suivant nous, elle est probablement une des premières épîtres. On pourrait même la considérer, avec l'épître à Scæva, comme faisant transition d'un genre à l'autre. Peut-être sont-elles toutes deux à peu près de la même époque, l'une répondant aux détracteurs politiques d'Horace, l'autre, à ses détracteurs littéraires. Le poëte, dans ses autres épîtres, ne s'occupe plus d'eux nulle part. C'est que les uns et les autres, accoutumés à la nouvelle position qu'il s'était faite, ne l'attaquaient plus, ou l'attaquaient

trop rarement, trop faiblement, pour qu'il eût encore besoin de leur riposter.

La mention de Timagène, de Codrus, surtout de Caton, semble aussi indiquer une date bien antérieure à l'année 739.

Cet éloge, en termes grandioses, de Caton, dont le nom répété termine, et, pour ainsi dire, couronne les deux vers 13 et 14, ne serait-il pas à l'adresse des républicains, pour leur montrer qu'Horace n'avait pas répudié, auprès de l'empereur, tout souvenir du passé; qu'il osait louer l'oncle de Brutus, l'implacable adversaire de César1 devant son fils adoptif et son héritier; enfin dignement célébrer le plus glorieux représentant de la république? Mais cet éloge, il pouvait jusqu'à certain point, dans les premiers temps surtout, blesser Auguste. De là, comme adoucissement, cette flatterie indirecte, si délicate, ce miel que sert adroitement le poëte aux oreilles de Jupiter, c'est-à-dire d'Auguste lui-même (v. 43). Ainsi procède-t-il ailleurs, Od. xII du liv. I. Si, dans cette imposante galerie de dieux et des héros de Rome, figure le noble trépas de Caton, César pouvait-il en vouloir au poëte qui représente si magnifiquement la race Julienne,

Micat inter omnes

Julium Sidus, velut inter ignes

Luna minores;

qui fait d'Auguste le second de Jupiter? Ainsi procède l'ami d'Horace, Virgile, dans un passage analogue de son Énéide, la description du bouclier

Et contre qui César avait fait l'anti Caton.

d'Énée (vIII, 670.... patriumque aperitur vertice sidus, 681). L'épigramme contre Timagène n'étaitelle pas, elle aussi, pour Auguste, un adoucissement immédiat de la louange précédente? A des poëtes, tels que le nôtre, on ne risque pas de prêter trop d'intentions. Ce rapprochement de deux personnages, si différents l'un de l'autre, rabaisse encore Timagène. Or, ce n'est pas longtemps après la disgrâce de ce favori qu'Horace aurait lancé ce trait contre lui, réveillant ainsi mal à propos le souvenir des railleries piquantes dont il poursuivait l'empereur et sa famille.

En même temps que l'adroit courtisan, nous reconnaissons aussi dans cette épître l'ami. Ce trait, qui blesse Timagène, blesse davantage encore son imitateur Iarbas, lequel est, suivant des scoliastes', le Codrus même de l'églogue vii, un méchant poëte, un autre Bavius, un serpent littéraire, qui crevait de dépit et d'envie. Le rupit d'Horace signifie probablement à peu près la même chose que le rumpuntur de Virgile, et renferme les mêmes allusions malignes. Quant au proxima Phœbi du premier couplet, c'est une ironie railleuse, une plaisante hyperbole pour rendre l'hyperbolique présomption du versificateur (tumultus, 20; dans l'églogue v, certet Phoebum superare canendo).

Mais d'où vient ce nom d'Iarbas! Il rappelle, dit-on, l'origine africaine de ce Codrus. Codrus était, je crois, ainsi désigné, non pas seulement à

Vet. Schol. «< Facete posuit Iarbitam pro: Maurum, nam et Iarbas æmulus erat Æneæ, hic larbita Maurus fuit Codrus, etc., etc. » (Édit. Lemaire.)

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