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rable parodie, un chef-d'œuvre. C'est probablement de Boileau, devenu maître à son tour, que Racine', d'ailleurs familier, simple, aisé, naturel, tenait cette habitude de la période qui s'en vient ralentir ou refroidir quelques-unes de ses belles scènes et de ses tirades les plus touchantes; cette dignité, cette pompe factice mêlée aux charmantes douceurs de ses vers, quelquefois, aux plus véhéments éclats des passions. Je m'assure que cette poésie-là, déclamée et chantée au théâtre, ou lue ore rotundo, plaisait fort à l'oreille superbe de Louis, tandis qu'il goûtait peu La Fontaine. La Fontaine ! dont Auguste aurait fait le même cas que d'Horace. Félicitons-nous de cette défaveur qui permit au bonhomme de rester entièrement ce qu'il était. Félicitons-nous, de plus, que par son âge il n'ait pas été soumis à la discipline du législateur de notre Parnasse, comme on appelait Boileau. Si l'aimable poëte y pouvait acquérir plus de dignité, de correction, que de grâces il y eût perdues! Mainte plume y serait restée, et des meilleures. Son éducation poétique, lors de la grande influence du satirique, était déjà faite. Il l'admirait, mais sans détriment pour son originalité. Le vase était imbibé, de quelle divine odeur, nous le savons! L'étoffe avait pris son pli, qui la rendait plus attrayante. L'oracle de Boileau, Patru, que La Fontaine proclamait dans la préface de ses fables « un des maîtres de notre éloquence, » ne parvint

La comédie des Plaideurs et certaines de ses lettres (je n'excepte pas celles à son fils) indiquent ce qu'il aurait pu faire dans l'épître, s'il l'eût traitée.

pas non plus, heureusement, à brider, à retenir cette fantaisie libre et charmante qui poussait le poëte sur les traces des Térence, des Horace et de nos vieux écrivains nationaux, versificateurs et prosateurs naïfs, prim'sautiers, qu'il atteignit et dépassa.

XI.

ÉPITRES XIII, XIX.

SI.

ÉPITRE XIII. A VINIUS ASELLA.

Encore une épître qui se rattache à la campagne, non pas seulement par le point du départ, elle aurait cela de commun avec presque toutes les autres,

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mais par la condition du personnage, à qui elle est adressée, et par un léger aperçu de mœurs rustiques. Ce personnage, quel est-il? Probablement un des cinq bons pères, dont parle Horace au Villicus; ou quelqu'un des voisins qui riaient de sa gaucherie, lorsqu'il s'avisait de manier la bêche; ou bien, quelque autre brave campagnard, un peu dans le genre, - soit du rusticus Ofella, qu'Horace enfant avait connu, mais un Ofella d'une Minerve encore moins avancée, crassiore Minerva; — soit du compère Cervius, le charmant conteur, avec cette différence toutefois que notre homme était plus fort pour écouter que pour débiter lui-même ces jolies fables, ornement de la table du poëte au dessert, entremets piquant des légumes, -le Rat de ville et le Rat de champs, le Cerf et le Cheval, les Deux Pigeons, et sans nul doute aussi, des Anes de toute espèce, entre autres l'Ane imprudent ami. Le brave Sabin n'allait pas souvent à Rome, et surtout, il n'avait mis de sa vie le pied dans un palais. Un beau

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jour, il annonce solennellement, comme une grande nouvelle, un voyage prochain dans la capitale, et demande à toutes ses connaissances leurs commissions. Horace le charge de remettre à Auguste un recueil de ses poésies. Cela souriait au poëte, ces délicates odes, ces chansonnettes, etc., Lydie, Chloé, Néère, portées et présentées au monarque par un vieux Sabin du bon vieux temps, qui s'appelait Asella. Ledit Asella, pour sa part, n'était peut-être pas fâché d'aborder le maître du monde. Quelle importance il en devait acquérir, au retour, près des siens! — Il vous a parlé, grand-père, il vous a parlé ! Mais comment faire pour l'approcher, rustique et gauche, comme Asella sentait bien qu'il était? Hic opus, hic labor. - Horace et ses amis y pourvurent: ils l'exercèrent, et tant bien que mal le dressèrent à la chose. A peine il fut instruit autant qu'il pouvait l'être, il partit, mais assez défiant et peu sûr de lui-même. Horace crut donc nécessaire de lui répéter encore, dans une petite épître, des instructions tant de fois données, profitant peut-être, pour les envoyer, d'une occasion quelconque, avant la présentation de son ambassadeur à l'empereur. Peut-être même avait-il eu l'idée plaisante de lui remettre au départ cette épître, afin qu'il la lût et relût, chemin faisant, qu'il se pénétrât bien de l'importance et de la difficulté de sa mission. Peut-être encore le bonhomme d'Asella, naturellement rétif d'esprit et de mémoire, l'avait-il prié de lui coucher par écrit, en guise de memento, d'agenda, une partie au moins, un résumé des leçons et des avis qu'il avait reçus. Peut-être, enfin,

conjecture fort probable, ce petit badinage, dont la gaucherie campagnarde du personnage, et particulièrement son nom, donnèrent l'idée au poëte, ne fut-il jamais connu de celui qui le portait, non plus que l'épître ad Villicum n'alla point à son adresse. Ce devait être auprès d'Auguste comme un passeport ingénieux, ayant pour objet de ménager aux poésies envoyées un accueil encore plus favorable. Hilaritas benevolentiam conciliat ei per quem excitata est. Un des axiomes posés en principe par Cicéron, grand rieur comme on sait, au commencement de ce traité du rire qu'il a mis, soit dit sans calembour, dans la bouche d'un ancêtre d'Auguste, Julius César (De l'Orateur, II, LVIII).

Quoi qu'il en soit de nos peut-être, nous considérerons l'épître comme ayant été connue du porteur. Une chose pour nous bien certaine, c'est qu'Horace n'a pas eu le moins du monde intention de le ridiculiser. Léger persiflage sans malignité, railleries inoffensives, dans le genre de celles qu'il s'adresse parfois à lui-même ou à ses meilleurs amis, et qu'ils lui rendaient avec le même enjouement, peut-être Asella, tout comme un autre, pour les choses de sa compétence, lorsque Horace s'en voulait mêler, ridendus et ipse.

L'épître débute plaisamment :

Ut proficiscentem docui te sæpe diuque.

En sa qualité d'Asella, Vinius avait la tête dure. Ce grand mot proficiscentem semble nous montrer le départ arrêté par le renouvellement des instructions sur lesquelles Horace croit avoir besoin

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