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Et le dormir suave au bord d'une fontaine,

prope rivum somnus in herba, d'où s'éveillait la poésie, vive et brillante, comme après le sommeil de midi, la chanson d'un oiseau.

C'est bien sa Muse à lui, qui ne saurait marcher sur le pavé des rues, inter strepitus... Elle fuit les villes, amat nemus et fugit urbes :

Sur les pavés poudreux d'un bruyant carrefour
Les poétiques fleurs n'ont jamais vu le jour;

il les va demander à leur sol natal, les y cueillir fraîches et veloutées. Au retour de mai, comme la cigale qui s'égaye, il court partout sous les ombrages,

Chantant Zéphyr, les Nymphes, les bocages, Et les fleurs du printemps, et leurs riches couleurs, Et mes belles amours, plus belles que les fleurs. L'amour! Il ne féconde pas moins que la nature son génie. C'est en amoureux surtout, comme Gallus ou Virgile, qu'il la voit. Les antres frais, les asiles verts de Palès recèlent pour lui les baisers des Amours. Ces prairies appellent Lycoris :

Une rose au matin sourit comme sa bouche.

Ce cœur aimant communique à la nature, autre objet de sa tendresse, une molle langueur, une morbidezza voluptueuse, pareille à ces brumes transparentes qui voilent les belles journées de l'été, comme pour en accroître l'enchantement et la séduction. Il voit aussi la nature, d'après les souvenirs antiques dont il est pénétré, telle que la voyaient Homère, Virgile, Horace, Fénelon.

S III.

C'est de même, assez souvent, une nature amoureuse, si je puis ainsi dire, que nous offre Lamartine (dont la pensée depuis quelque temps ne me quitte plus), empreinte, non de cette morbidezza d'André Chénier, mais d'un charme élyséen de volupté, encore plus séducteur, comme, par exemple, dans les Préludes, dans cette nuit enchanteresse d'Ischia, etc.; ce n'est point, à part quelque reste de mythologie', et malgré ces souvenirs d'Élysée bien appropriés d'abord au pays napolitain, ce n'est point une nature païenne, grecque ou latine, circonscrite dans une vue plus ou moins resserrée, soit un paysage ou site gracieux que l'homme anime, soit une perspective lointaine, mais cependant bornée, servant à quelque scène de fond ou d'encadrement qui la relève; quelquefois moins encore, rien qu'un aspect fugitif, une image isolée, tableaux admirables, dans leur brièveté, par un fini qui manque trop souvent à Lamartine, par un effet pittoresque, ou moral, des plus saisissants. Ces tableaux, nous les retrouvons tous dans le chantre des Méditations et des Harmonies, mais combien développés, agrandis, transfigurés par l'imagination, par une mélancolie plus profonde, par la religion, souvent par un enthousiasme, une adoration de la nature, qui va jusqu'au panthéisme!

Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme, et la force d'aimer?

Thétis, Phébé, Vénus, le Léthé, les dieux, etc., etc.

Comparez, pour voir la différence, aux vallées Thessaliennes ou Tarentines d'Horace le Vallon de Lamartine; la Source dans les bois à Blandusie, si charmante d'ailleurs, si mélodieuse; au plaintif Itys le rossignol, cette voix mystérieuse de la solitude et de la nuit, cette harmonieuse merveille dont s'enivrent l'homme et les anges. Comparez encore aux astres radieux, mais taciturnes, témoins indifférents de nos douleurs ou de nos joies, ces astres flambeaux du temple universel, ces étoiles de qui l'âme sympathise avec la nôtre fleurs du ciel lesquelles ont peut-être brillé quelques jours iciBas sous les traits d'une beauté ravie à notre amour, et qui semble nous rappeler à elle. C'est donc, chez Lamartine, sans multiplier des rapprochements1 qui se présentent d'eux-mêmes à la mémoire, c'est donc à la fois la nature, et beaucoup plus que la nature d'Horace; c'est la nature, telle que la dépeignaient Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand', telle et parfois plus ravissante, la nature entière dans son immensité,

Terrasque tractusque maris cœlumque profundum,

avec ses magnificences et ses grâces, ses splendeurs et ses harmonies, suivant les diverses époques de l'année, les heures du jour et de la nuit, suivant les dispositions intimes de celui qui la con

'Les deux poëtes aiment à parler de la lune. Mais la Phébé d'Horace peut assurément soutenir la comparaison avec la Phébé de Lamartine. Rappelons-nous l'imminente luna.... l'inter ignes luna minores, le nocturno renidet mari...., etc., etc., Nox erat, etc.

2 Plus tard, Mme George Sand qui les égale souvent. On trouve aussi dans M. de Lamennais quelques heureux tableaux de la nature.

temple extasié, -une nature rayonnante de lumières et d'ombres, de formes et de couleurs divines; embaumée de parfums; toute pleine d'amoureux frémissements, de murmures d'eaux et de brises, de gazouillements et de ramages enchantés, de bruits vagues, mélancoliques, sublimes, mais surtout d'hymnes reconnaissantes célébrant la merveille de la création, comme aux pieds du Créateur, le roi de l'univers, charmé lui-même, on le croirait, de voir se réfléchir son œuvre dans les chants et dans les accords de cette lyre inspirée, qu'un ange semble avoir transmise au poëte, plus harmonieuse et plus puissante pour nous que la harpe même de David.

Si, relativement à la manière dont Horace et Lamartine envisagent la nature, nous voulions, par une double similitude, les mettre en parallèle, Horace lui-même nous la fournirait.

Il nous rappellerait, lui, son abeille Tiburtine, voletant de fleur en fleur, sous un beau ciel, dans un paysage délicieux, avec un bourdonnement sonore exprimant la joie du travail et du bonheur : Lamartine, le cygne1 poétique des anciens et de l'ode sur Pindare,

Multa Dircæum levat aura cycnum,

qui s'élance du firmament, où nos regards le suivent et quelquefois le perdent, à des plages diver

'Le poëte lui-même se compare au cygne, dont en général il use un peu trop souvent; entre autres, Dernier Regret (Harm., IV, 10), depuis Voyez dans son bassin...., jusqu'à cet étrange hémistiche: Ainsi quand je partis.

sement belles, qu'il salue de chants harmonieux, tantôt attristés par des pensées de mort, tantôt, et le plus souvent, exaltés par la perspective radieuse de l'immortalité.

Maintenant, que pourrions-nous citer de Lamartine, sans trop nous écarter de notre point de départ, l'esquisse du petit domaine d'Horace? Ce serait, dans la description de Milly, pour choisir entre ses poésies celles qui peuvent le mieux se rapprocher des épîtres latines, le passage débutant ainsi :

Il est.

une montagne aride,

Qui ne porte en ses flancs ni bois ni flot limpide....

La longueur de cette description nous empêche de la rapporter. L'auteur, composant non pas une épître, mais une Harmonie, et ne traitant pas d'autre sujet que la terre natale, se complaît à la décrire avec une effusion lyrique de souvenirs et de sentiments, qui nécessitait un grand nombre de vers. Ces vers sont généralement si remplis, et presque tous d'un intérêt si vif, si touchant, qu'on ne saurait être tenté de leur appliquer le loquaciter.

Quand la voix du passé résonnait dans son âme,

dit-il ailleurs d'Ossian,

.... Ses accents, pareils au murmure des ondes,
Coulaient à flots pressés de ses lèvres fécondes.

Ainsi peut-on dire de Lamartine lui-même.

Du reste, si cette terre de Milly ressemble, pour

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