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Horace, sa recommandation terminée, passe aux nouvelles du jour, par une transition d'une forme plaisante:

Ne tamen ignores quo sit Romana loco res.

S'amuse-t-il à faire jouer de lui-même ces deux consonnances pareilles, ou n'est-ce pas plutôt une parodie, une allusion maligne, etc.?- La rime n'est jamais si marquée.

Pour Agrippa le Cantabre simplement, de même l'Arménien pour Néron. Quant à César, le poëte fait pour lui les choses plus grandement. C'est le roi des Parthes en personne qui s'abaisse et s'agenouille à ses pieds. Le maître ne devait-il pas avoir la plus belle part de l'éloge? A tout seigneur tout honneur. Voyez les odes sur Drusus et sur Tibère. Boileau, épître à Lamoignon, n'agit pas autrement à l'égard de Louis XIV et de son frère.

Quelle plénitude de richesses dans le court tableau qui finit l'épître !

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Résumons-la maintenant, pour remarquer chez Horace cet art de la composition qui préside même à de simples billets. Elle se peut diviser en trois parties I, 1-21. Charmant persiflage sur la trop grande économie d'Iccius. Horace n'épargne pas à ses amis ces reproches, le plus souvent moins sérieux que badins, de studium lucri. Virgile luimême, tout animus sine corpore qu'il nous paraît, n'y échappe point. Noter qu'ici ils devaient piquer d'honneur Iccius, et le disposer plus vivement à servir Pompéius, fût-ce même aux dépens de sa bourse, ce qu'il n'avait pas à craindre, Pompéius

étant fort riche. Manière adroite de recommander son monde indirectement. II, 21-25. Recommandation, directe cette fois, avec continuation des railleries précédentes. -III et dernière. Conclusion digne de l'exorde et du reste. Heureuses nouvelles qui doivent intéresser l'intendant d'Agrippa, surtout avare comme il était. Trois victoires. La paix (paix générale cette fois). Une année d'abondance (pleine moisson, pleine vinée). Donc, les propriétés rapporteront davantage. On payera mieux les rentes. Plus d'alarmes.

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(Ironique comme cette épître, l'ode (xxix, liv. I) adressée au même lccius. C'est ainsi que l'épître à Tibulle et celle à Torquatus ressemblent pour le ton aux odes qu'ils reçurent d'Horace.)

'Voltaire termine une de ses lettres par des nouvelles qui sont tout l'inverse de celle-ci :

« Si vous voulez des nouvelles de nos armées, le régiment de Champagne s'est battu comme un lion, et a été battu comme un chien. Si vous voulez des nouvelles de la marine, on nous prend nos vaisseaux tous les jours. Si vous aimez mieux des nouvelles de nos finances, nous n'avons pas le sou. »> (A d'Argence de Dirac.)

VII.

ÉPITRES IV, XV, V.

SI.

ÉPITRE IV: A TIBULLE.

Nous venons de voir les lettres de recommandation. Un genre de lettres presque aussi commun chez les Romains, c'étaient les lettres de consolation (epistolæ consolatoria). L'épître à Tibulle est de ce dernier genre, ainsi que l'ode au même, Albi, ne doleas. L'une et l'autre aussi diffèrent par le ton, badin, leste et dégagé, des lettres analogues qu'on lit dans Cicéron, lettres presque toutes longues, graves, politiques ou philosophiques, quelquesunes vrais traités consolatifs, consolationes1. La

1 Force rhétorique dans les lettres consolatives de Balzac. Comme à l'ordinaire aussi, quelques traits remarquables, entre autres :

.....

Vous m'advouërez que l'absence qui sépare ceux qui vivent de ceux qui ne vivent plus, est une chose trop courte pour mériter une longue plainte. » (XI, x, à Mme Desloges.)

On goûtait fort à Paris, dit-il lui-même (XI, xiv), sa nouvelle façon de consoler, et la méthode originale dont il se servait « pour traiter les malades illustres et appaiser leur douleur en la chatouillant. >>

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....

On s'adressait à lui pour avoir des consolations. Il rapporte à ce sujet une anecdote, la seule à peu près qui se trouve dans sa correspondance : Parce qu'il semble que j'ay eu quelque part à sa mort (d'un nommé du Vivier), je croy estre obligé de rendre quelque devoir à sa mémoire. Il m'escrivit par le messager de Blois à Paris, qu'il avoit perdu son Pere, et qu'il mourroit infailliblement si je ne le consolois de cette

lettre à T. Fadius commence ainsi : Etsi egomet, qui te consolari cupio, consolandus ipse sum. Celle à Titius, d'une manière semblable. Il n'en est pas ainsi d'Horace, dans l'épître; et, quant à l'ode, bien qu'il se trouve dans le même cas que Tibulle, c'est pour lui, avec son humeur, une situation plutôt piquante que douloureuse. Il console, dans cette ode, à la façon de Pan, dans la xo églogue : Ecquis erit modus? inquit; Amor non talia curat. Nec lacrymis crudelis Amor.... Non pas, comme fait ensuite Virgile, qui, par le discours qu'il prête à son ami, s'identifiant avec lui, pleure, pour ainsi dire, des mêmes larmes, se livre au même désespoir.

Ce tendre et sympathique Virgile, qui ressentait si vivement les maux de ses amis, reçut lui-même d'Horace une ode de consolation, mais sérieuse, sur la mort de leur ami commun, le poëte Quint. Varus. J'ai déjà parlé de cette ode, dont le cœur de Virgile ne dut pas être, je crois, tout à fait content. Ce præcipe lugubres sent la rhétorique, et je trouve

perte. Je fus paresseux, à mon ordinaire, et ne luy rendis pas à poinctnommé l'office qu'il exigeoit de moy. Pour luy, il me tint parole, et le messager suivant à qui je voulus donner ma response, me dit que celuy à qui je l'adressois n'estoit plus au Monde. Voilà une paresse bien fatale, et qui devroit faire peur aux gens qui m'escrivent de la sorte; car enfin je connois que je serai incorrigible. » (XX, XXVII.)

C'est à de pareilles mésaventures que s'exposent des écrivains comme Balzac et Malherbe, plus laborieux au contraire que paresseux. Tout le monde connaît l'histoire des stances au président de Verdun, arrivant pour le consoler de la mort de sa femme, quand il avait depuis longtemps convolé dans les bras d'une autre.

Consolateur non moins rhétoricien que Balzac, Malherbe rachetait sa rhétorique par des traits encore plus remarquables :

Mais elle étoit du monde, etc., etc.

la fin quelque peu sèche : Durum! sed levius, etc. Le poëte paraît prendre assez facilement son parti du malheur dont il cherche à consoler un ami. Je préfère, dans son genre, l'ode à Tibulle. Elle est charmante. Mais (pour le dire en passant), qu'on la suppose adressée à cet autre poëte élégiaque, Catulle, ce ton léger et badin n'eût guère satisfait le malheureux amant, qui demandait, avec une simplicité si touchante, pour soulager un peu son cœur déchiré, quelque chose de plus triste que les Larmes de Simonide.

Male est, Cornifici, tuo Catullo,

Male est....

Et magis magis in dies et horas.... (XXXVIII.)

De cette petite pièce, qui est comme un cri poignant de détresse, on pourrait rapprocher la XII élégie d'A. Chénier, une des plus émouvantes. Lui aussi, comme Catulle, n'ayant plus de maîtresse, il appelle ses amis pour le consoler :

Où sont donc mes amis? Objets chéris et doux!
Je souffre, ô mes amis ! Ciel! où donc êtes-vous?

C'est à la même élégie qu'appartiennent les deux vers Une âme où dans ses maux, etc. Citons encore celui-ci, qu'on dirait traduit des Larmes de Simonide :

De doux regards sur lui s'attendrir et pleurer.

Il semble qu'Horace, dans ses deux consolations à Tibulle, ait voulu suivre son précepte: In silvam ne ligna feras (γλαὺκ ̓ εἰς Αθηνας). C'est à peu près par

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