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parlons pas des affranchies, de ces belles et voluptueuses courtisanes auxquelles Horace écrivit de si jolies odes dont quelques-unes sont de vraies épîtres, Phyllis, Tyndaris, etc. Nous voudrions, dans les épîtres proprement dites, en rencontrer une ou deux à des princesses de la famille d'Auguste, à Julie, par exemple, lorsque, jeune encore, elle préludait par une amabilité spirituelle et galante à ses prochaines amours, ou que ses amours n'avaient pas encore eu d'éclat scandaleux. Serions-nous charmés aussi d'une instruction gracieuse et délicate faite au point de vue des Romains et surtout du poëte, sur..... l'Éducation des filles (Virginibus canto), qui servirait de pendant aux épîtres à Lollius!... Candida Lollia, etc. Écrire à des princesses! bonne fortune qu'Horace aurait avidement saisie, que négligea Boileau1! Il en eut pourtant une belle occasion le jour où, dans la chapelle de Versailles, l'appela cette poétique' Henriette pour lui murmurer à l'oreille,

Soupire, étend les bras, ferme l'œil et s'endort.

Et sans parler des princesses, on regrette de ne jamais voir s'adresser qu'à des hommes un poëte épistolaire, contemporain des Sévigné, des La Fayette, des Maintenon, etc., avec lesquelles il était quelquefois en rapport.

2 Voir l'épître dédicatoire d'Andromaque à cette princesse.

V.

ÉPITRE VII. A MÉCÈNE.

Passons maintenant aux relations d'Horace avec Mécène. Elles furent, à peu de chose près, celles d'un égal avec son égal. Ne cherchons pas dans les odes et dans les satires les témoignages si connus de l'étroite amitié qui les unissait. Les épîtres seules en offriraient une preuve suffisante, principalement la septième, bien qu'elle nous montre un léger nuage survenu dans cette amitié, comme il s'en élève parfois entre les amis les plus dévoués. La cause même, qui l'avait suscité, ne laisse pas de prouver encore l'attachement de Mécène. Horace, parti seulement pour quelques jours, avait-il dit, prolongeait son absence, au grand déplaisir de Mécène, qui ne se pouvait passer de lui. Dans un moment d'humeur, accru sans doute par un redoublement de sa maladie, et par les malveillantes insinuations de ses parasites jaloux d'Horace, il avait, pour hâter son retour, usé d'instances exigeantes, qui sentaient plus le maître que l'ami. Peut-être lui était-il échappé des plaintes un peu trop vives, lesquelles ne manquèrent pas, comme toujours, de parvenir, avec des additions aggravantes, aux oreilles du poëte. Ces reproches, répandus dans le public, donnaient cours à des commentaires peu

charitables. Les uns criaient à l'ingratitude; d'autres se faisaient un malin plaisir d'observer qu'Horace était moins, après tout, l'ami de Mécène, qu'un homme de compagnie, pour ainsi dire, chargé de l'amuser, etc. De là cette épître vii, moins justificative que légèrement agressive, où le poëte, prenant le beau rôle, même sans trop de ménagements, fait quelque honte à son ami, redevenu grand seigneur à son égard, et lui ôte pour jamais la fantaisie de recommencer, c'est-à-dire de faire autre chose avec lui que l'ami.

Si nous avions des mémoires secrets de l'époque, ils nous apprendraient que Mécène répara publiquement ses torts en galant homme, en ami. Peutêtre même eurent-ils pour effet, sans qu'il osât en exprimer que des plaintes tout amicales, de multiplier et de prolonger les séjours d'Horace à la campagne.

Quoi qu'il en soit, cette épître honore le poëte. On aime à voir la liberté familière et railleuse de son langage, et comme il sait allier une reconnaissance affectueuse avec le sentiment de l'indépendance et de la dignité personnelle.

Voltaire se trouva un jour, relativement à Richelieu, dans une situation analogue. Tout flatteur et caressant qu'il était avec les grands seigneurs, particulièrement avec Richelieu « son héros, » comme il l'appelait souvent, sa liberté naturelle, pour peu qu'il fût offensé, montrait aussitôt la griffe, et, plus ou moins, vous égratignait. Il écrit à Thiriot :

« Je suis fort étonné de la colère de M. de Richelieu. Je l'estime trop pour croire qu'il puisse vous

avoir parlé avec un air de mécontement, comme si j'avais manqué à ce que je lui dois. Je ne lui dois. que de l'amitié et non pas de l'asservissement; et, s'il en exigeait, je ne lui devrais plus rien. Je viens de lui écrire (cette lettre, malheureusement, ne se trouve pas dans la correspondance), je ne vous conseille pas de le revoir, si vous vous attendez à recevoir de lui, en mon nom, des reproches qui auraient l'air d'une réprimande qu'il lui siérait très-mal de faire et à moi de souffrir. »

Dans l'épître d'Horace, l'ironie, le persiflage même, percent dès les premiers vers: Veniam... si concedes. Il met en avant sa santé1 (comme fit Voltaire dans mainte circonstance) pour rester à la campagne,

Quand la chaleur brûlante

Voit le prévôt funèbre aux panaches altiers
Lugubrement suivi de ses noirs estafiers.

Il aime d'ailleurs à s'en plaindre, ainsi que Balzac, autre célibataire : ce dernier plus souvent, parce qu'il souffrait davantage ou qu'il avait moins de distractions. Elle lui servait aussi de prétexte.

Voici de lui, à ce sujet, trois courts passages qui ne me paraissent pas indignes d'être rapprochés d'Horace :

<< J'ay veu des feuilles et des fleurs; j'ay veu des papillons et des hyrondelles qui nous annoncent le retour de la belle saison, et je m'en réjouis, mon cher monsieur, autant pour vous que pour moy. Nos lettres en seront moins plaintives et moins teintes de cette humeur noire qui accompagne le mal, et ceux qui ne le souffrent pas pour l'amour de Dieu.... » (Commencement d'une lettre à Conrart. III, vi.)

«

....

J'ay attrapé le soleil d'avril qui me donne de la force à mesure qu'il en prend.... »

α....

Il me semble que je me renouvelle à la seule odeur des vio

lettes.... D

Mais le bel esprit reparaît vite.

་....

Je les attends, ajoute-t-il, pour m'en servir à plus d'un usage et pour en faire des bouillons aussi bien que des bouquets.... (VI, XLII.) Voir aussi la suite de la première citation, et passim. Lettre à Me Desloges (VI, xx, etc., etc., etc.).

:

C'est maintenant la chaleur qui l'éloigne le froid produirait le même effet. En cas d'un hiver rigoureux à Rome, il s'en ira chercher la température adoucie des bords de la mer. Ad mare descendet. Chose à laquelle il n'eût peut-être pas songé sans les murmures de Mécène sur sa trop longue absence. Vates tuus, ton poëte bien-aimé. Trouve bon, par conséquent, qu'il se ménage. mots le représentent à peu près ainsi :

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Là, chaudement tapi dans une humble chambrette,
Auprès d'un brasero, ton délicat poëte,
Quand Borée au dehors déchaîne ses rigueurs,
Sommeille, rêve, écrit, ou lit de vieux auteurs.

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Deux

Nous voyons ailleurs (Sat., II, II), Horace passant les Saturnales (17-19 déc.) à sa campagne de Tibur. Si vacuum tepido cepisset villula tecto. Villula répond à contractus par opposition, sans doute, aux appartements spacieux de la ville où l'on n'avait pas cette tiède chaleur aimée d'Horace. La même satire le montre ayant emporté avec lui1 (contractusque leget) force provisions de lecture.

Quorsum pertinuit stipare Platona Menandro?
Eupolin, Archilocum, comites educere tantos?

Voilà (moins Archiloque, Eupolis, remplacés alors par d'autres) quels compagnons le devaient suivre au bord de la mer; dans quelle société charmante (et peut-être aussi parmi, quelque doux et discret ami) il devait attendre le printemps.

1 Ainsi faisait pour les Rochers Mme de Sévigné.

« ....

C'est un volume de Montaigne que je ne croyois pas avoir apporté. Ah! l'aimable homme! qu'il est de bonne compagnie! etc.... »

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