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C'est un des caractères de la science aujourd'hui: quand un travailleur s'est absorbé dans quelque humble tâche personnelle et a dû se séparer du courant, il s'aperçoit à la reprise de contact que la science a marché ; et c'est pour lui à la fois une satisfaction de courir après elle et une humiliation de s'essouffler à la rejoindre. Cette réflexion s'applique bien au progrès de la philologie romane. Elle a lancé des chemins nouveaux dans tant de directions qu'il ne serait pas superflu d'en dresser une carte. Mais notre ambition ne va point jusque là. Nous nous contenterons de glaner dans le champ de la philologie romane en France, en laissant même de côté la critique littéraire, comme un domaine à part qui touche à l'esthétique. La philologie française a pris dans ces derniers temps des visages divers : nous voudrions donner aux travailleurs distraits par d'autres études, au public désireux de s'orienter, une idée de cette variété et quelque envie de préliber sa part de cette richesse. Nous choisirons quelques œuvres typiques, dont chacune représente une des faces de cette activité linguistique.

On savait tout, jadis, quand on s'était assimilé les trois volumes de la Grammaire de Diez. On se contentait d'observer les cinq ou six langues principales de la Romanie. Aujourd'hui les savants étudient les plus humbles dialectes. On a pris davantage conscience de l'objet, du but et des méthodes. La linguistique n'a pas seulement suscité des descripteurs laborieux volontairement cantonnés dans la recherche et l'exposé énumératif des phénomènes, - travail toujours nécessaire et jamais achevé, base de toute étude plus profonde, mais elle a suscité aussi

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R. PH. H.

— 48.

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des chercheurs, dont l'objectif est l'évolution des phénomènes et leur explication, et des penseurs qui nous apportent sur les questions primordiales le fruit de leurs méditations.

I

C'est par les théories qu'il faudrait commencer, et par la plus générale. Il se fait par malheur que la plus générale ne donnera pas une idée avantageuse de la solidité des philologues.

Un livre qui vient de sortir des presses nous annonce que le mystère des origines du langage est découvert! (1) L'heureux inventeur, M. Charles Callet, est un littérateur dont les journaux ont exalté les Contes anciens (1904). C'est un autre « conte ancien » qu'il nous sert ici en qualité de « paléolinguiste ». A quel degré il est indépendant des écoles, on peut en juger par cette phrase qui clôt le volume (p. 96): « La science du langage, qui n'était jusqu'à ce jour qu'une hypogée fumeuse, que le royaume du caprice, de l'incohérence, de l'inexplicable... ou du miracle, va devenir logique et lumineuse »! Il paraît de temps en temps de ces élucubrations de pythonisse pour l'esbattement des naturels de l'hypogée. Le nouvel inspiré commence par prêter aux philologues des idées qu'ils n'ont jamais eues, à savoir «que chaque groupe humain se serait forgé péniblement un idiome particulier, sans lien aucun avec les parlers des autres groupes », qu'il n'y a « rien de commun entre les familles de langues dont les grammaires diffèrent, ni racines, ni dérivés, ni lois de formation », que « les mots n'auraient pas d'histoire », que «< sortis du chaos, ils ne seraient que le produit du caprice, de la convention» (p. 5). C'est à peu près le contrepied des principes de la grammaire comparée! M. Callet, lui, a pu « remonter jusqu'à la bouche même de l'Hominien »; il a vu son langage « dominé par la Nécessité », et il a « vu couler, lumineux, tragique, fatal, le large fleuve des vocables »! (p. 6). Vous croyiez qu'il fallait assigner un certain rôle à l'onomatopée dans cette création?

(1) Charles CALLET, Le mystère du langage: les sons primitifs et leurs évolutions. Paris, Maisonneuve, 1926.

apprenez donc que les éléments primordiaux du langage sont nés des positions que prennent les lèvres du primitif dans la défense et dans l'attaque. Ces éléments sont 10 «ceux caractérisés par la sonorité M, écho d'un meuglement primitif »> ; 2o«< ceux caractérisés par la sifflante S (et F), écho apparent d'une autre voix d'espèce, le sifflement »; 3° « les éléments grognés...» (p. 7). Là dessus l'auteur étudie un simulacre de langue qu'il appelle la langue Ny, « prodigieusement opulente >> (p. 29). «Tous les vocables qui renferment le germe N s'expliquent par Ndent + salive et eau, etc. » (p. 29). Puis il passe à la langue du sifflement, à celle du grognement, à celle du meuglement; et il n'a pas de peine à trouver dans les dictionnaires des idiomes polynésiens, africains et autres des listes nombreuses de mots contenant à l'initiale, au milieu ou à la finale cet s, cet n, ce meu significatifs. S'il avait exploité davantage les langues indo-européennes, qu'il juge abâtardies, il aurait pu nous livrer de belles étymologies et pulvériser les philologues sur leur propre terrain.

Profondément indigne de supporter les lumières de la paléolinguistique, je retourne à ces philologues officiels et me replonge dans la fumeuse hypogée,

II

L'ouvrage le plus représentatif de cette philosophie du langage qui essaie de fixer sérieusement le but et la méthode nous paraît être le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure (1). Mais de Saussure est un « auteur difficile » et, au début de cette revue, il ne sera pas superflu de présenter une analyse de ses vues originales et profondes. En parler comme si elles étaient universellement connues, ce serait, croyons-nous, disserter dans le noir. Résumons les donc, comme nous les comprenons, sans nous astreindre à ne rien laisser échapper des

(1) Publié d'après les cahiers d'étudiants par Charles Bally, Albert Sechehaye et Albert Riedlinger. Paris, Payot, 1ere édit. en 1915, 2e en 1922.

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