Billeder på siden
PDF
ePub

Telle fut la pensée de Napoléon, lorsqu'il convoqua son grand sanhedrin, en 1807. Cette assemblée, jugée si sévèrement par M. Chiarini, avait pour mandat de mettre autant que possible la population israélite de la France en harmonie avec le reste des Français. Elle ne régla que l'état relatif de la société juive; elle ne s'occupa ni de la Misna, ni de la Gemara; elle ne fit point traduire le Talmud; elle ne prêcha pas la réforme; elle fit mieux, elle donna aux juifs français une organisation civile, préférable à celle des juifs de quelque époque et de quelque pays que ce soit. Grâce à sa sagesse, une restauration du judaïsme en France pourra s'opérer un jour. Ni nous ni nos enfans ne le verrons luire ce jour; mais enfin il arrivera, si, comme je l'espère, nos concitoyens israélites ne se lassent pas de marcher dans les voies d'améliorations ouvertes par le grand sanhedrin.

Après avoir considéré la traduction du Talmud comme élément d'une réforme religieuse, M. Chiarini examine les services qu'elle pourrait rendre à l'histoire, à la chronologie et à la littérature; en ramenant la question à des termes plus simples, en renonçant à un vain espoir, M. Chiarini obtiendrait les suffrages de tous les amis des lettres. Le Talmud est un monument des écarts de l'esprit humain; sous ce rapport, il a droit à une mention dans l'histoire des religions et daus celle de la philosophie. Mais faudra-t-il traduire intégralement un ouvrage eu 12 volumes in-folio, qui de l'aveu commun ne se recommande que par l'excès de sa bizarrerie et de son absurdité? Songez au tems, au savoir, aux frais qu'exigera la publication d'une version du Talmud, et aut mince profit qu'en tirerait la littérature. Quels sont les écrivains qui la liront dans un but historique ou littéraire ? Quelques consciencieux érudits, ou quelques curieux. Mais les premiers savent l'hébreu, et ne sont pas gens à s'en rapporter à la parole d'autrui. Quant aux seconds, les écrits des deux Buxtorff, de Bartolocci, de Wolff, d'Einsenmenger, de Basnage, de Rossi et de tant d'autres, satisferont leur curiosité passagère. Je ne vois donc point, même dans ce cas, des motifs suffisans pour entreprendre l'immense travail dont il est question.

Je ne veux pas prétendre toutefois qu'il soit impossible de composer aujourd'hui un ouvrage curieux sur le Talmud. Le savant, versé dans la connaissance de l'hébreu rabbinique et de la philosophie juive, qui ferait un extrait simple et méthodique du Talmud, qui choisirait tout ce que ce code contient de relatif à l'histoire, qui mettrait en lumière et expliquerait quelques-uns des symboles intéressans que l'on y trouve, pourrait offrir au public un volume digne d'être reçu avec faveur, et qui compléterait les notions déjà acquises sur l'état des écoles philosophiques de l'Asie dans les premiers tems de notre ère. L'Operis Talmudici brevis recensio de Jean BUXTORFF est un ouvrage conçu dans cette idée, mais qui ne peut passer que pour une esquisse: le refaire sur une base plus large serait une chose utile. Voilà, à mon avis, tout ce que la littérature demande à l'orientaliste qui veut rendre ses travaux sur le Talmud profitables au monde savant.

Si je n'avais pas attaqué l'entreprise de M. Chiarini dans son principe, je me serais permis de critiquer le parti qu'il a pris de traduire le Talmud en français, la langue latine me paraissant sous tous les rapports plus convenable. Je lui aurais fait observer que la langue française n'est pas très-répandue parmi les rabbins, et qu'il est douteux qu'on l'écrive correctement en Pologne, où la version est censée devoir paraître.

Je ne terminerai pas cet article sans m'excuser près de M. l'abbé Chiarini du grand nombre d'objections que je viens de diriger contre son projet. J'ai cru servir ses intérêts eu lui montrant ce qui me paraît être la vérité. Ce n'est pas sans une véritable peine que l'on voit un homme doué de rares connaissances, et animé de l'amour sincère de l'humanité, se jeter dans une entreprise qui ne doit pas être terminée, ou qui, si jamais elle parvenait à sa fin, n'indemniserait point par d'heureux résultats les efforts d'une vie qui pourrait se consumer dans des travaux moins pénibles et plus utiles. Je sais que mes doutes ne décideront pas M. Chiarini à abandonner le projet qu'il a conçu. On ne renonce pas à de flatteuses illusions parce qu'une voix isolée et inconnue s'est élevée contre elles; mais

qu'il veuille bien se rappeler ce qu'à regret je lui prédis: en admettant qu'il termine sa traduction, il ne trouvera ni dans les gouvernemens, ni dans les particuliers, assez d'encouragemens pour pouvoir la mettre au jour. Puisse-t-il ne pas se préparer des regrets pour un tems où ils seraient inutiles!

Arthur BEUGNOT.

་་་་་་་་

NOTICE sur les SOCIÉTÉS SAVANTES ET LITTÉRAIRES

DU DANEMARK.

Quand un gouvernement s'attache à faire tout ce qui dépend de lui pour répandre des connaissances utiles parmi les diverses classes de la société; quand il met en œuvre les moyens nécessaires pour donner une instruction élémentaire à tous les individus de la nation, et de plus hautes connaissances à tous ceux qui peuvent les recevoir, même aux jeunes gens qui dans des rangs inférieurs se distinguent par la prééminence de leurs facultés intellectuelles, on n'est pas étonné de voir que, sous un tel gouvernement, un grand nombre de personnes, des savans, des hommes de lettres et de simples amateurs de toute espèce de savoir, forment des associations pour seconder les vues de l'administration, pour accélérer les progrès des sciences et surtout leurs applications, et pour contribuer au bonheur de la patrie, au bien-être des citoyens en particulier, et du genre humain, considéré comme une seule famille.

Telle est, en effet, sous le point de vue de la culture de l'esprit humain,'la situation présente du Danemark.

Il y a déjà un siècle que le gouvernement a commencé à veiller avec soin aux études qui ont pour objet les sciences et les belles lettres; et depuis quarante trois ans, le souverain actuel, d'abord comme prince royal et ensuite comme roi, a fait tout ce qui était possible en faveur de l'instruction des classes inférieures. Son désir de répandre les lumières dans toute la nation, sa sollicitude constante à cet égard, sa persévérance à suivre la

voie qui devait conduire à ce noble but, ses sacrifices, ses travaux particuliers, sa bienfaisance éclairée, ont placé le Danemark, sous le rapport de l'instruction générale, dans une situation plus favorable que la plupart des autres pays.

Les moyens employés pour obtenir ces résultats éminemment utiles, les préjugés qu'il a fallu détruire, les obstacles de tout genre qu'on a surmontés, pourront fournir la matière d'un autre mémoire. Nous nous boruerons ici à signaler les nombreuses réunions savantes et littéraires qui contribuent à seconder les vues libérales du monarque pour la propagation de l'instruction.

I. SOCIÉTÉ ROYALE DES SCIENCES. (Det kongelige danske Videnskabernes Selskab.) — Cette Société a été fondée, en 1743, sous le titre de Société des amis des sciences. Elle s'honore d'avoir compté parmi ses membres des savans du premier ordre ; il suffit de nommer H. Gram, M. Völdcke et E. Pontoppidon ; et, à une époque plus rapprochée de nous, l'historien Suhm, l'astronome Bugge, le mathématicien Degen, les savans Hjelmstjerne, Luxdorf, Kofod Anker, Guldberg, Lövenorn, et tant d'autres dont la mémoire sera toujours chère aux sciences et à la patrie.

La Société a publié un recueil des mémoires lus dans ses séances ordinaires; ils sont classés par séries, ainsi qu'il suit. -Première série, 12 vol. in-4°, 1743-1779;-2°, 5 vol. in 4° 1780-1799; -3o, 6 vol. in-4o, 1800-1812.-On a commencé une quatrième série, subdivisée en deux sections: 1o des sciences mathématiques et physiques ; 2o des sciences historiques et philosophiques. La Société a publié deux volumes pour chacune de ces deux séries. Ce mode de subdivision se rapporte aux quatre classes dont elle se compose, et dont chacune a ses attributions: 1° sciences mathématiques; 2o sciences physiques; 3° sciences historiques; -4° sciences philoso phiques.

Chaque classe décerne annuellement des prix aux meilleurs mémoires sur des sujets indiqués par un programine.

Le roi a confié l'exécution de deux grands ouvrages à la

Société, qui a nommé dans son sein deux commissions pour s'en occuper, savoir: a.Cartes particulières du royaume.—Ces cartes sont projetées sur l'échelle de deux pouces décimaux par mille danois ou 4000 toises, par conséquent 17120,000 de l'étendue réelle. Il ne reste plus que trois cartes à faire pour terminer l'ouvrage. — b. Dictionnaire danois. —Quatre volumes, qui comprennent les lettres 4-0, ont été publiés; le quatrième volume a paru l'année dernière.

Le roi fournit les fonds des prix annuels que distribue chacune des quatre classes, et subvient pareillement à toutes les dépenses que demandent les travaux confiés aux soins de la Société.

Le ministre d'état comte de SCHIMMELMANN en est le président, et le professeur OERSTED, le secrétaire.

II. SOCIÉTÉ ROYALE POUR L'HISTOIRE ET LA LANGUE DE LA PATRIE. · (Det kongelige danske Selskab for Fœdrelondets His torie og Sprog).

Cette Société date de 1744. Le fondateur est le fameux savant et antiquaire Langebek. Le but de l'institution était de chercher, d'examiner et de publier les documens historiques. qui existent dans les archives publiques et dans les bibliothèques particulières, et de les éclaircir par des observations et des commentaires fondés sur une critique saine et sévère.

On a publié, sous le titre de Magasin danois ( danske Magasin), en 6 vol. in-4°, les travaux de cette Société, de 1745 à 1752.

Des circonstances inattendues avaient fait suspendre pendant 40 ans cette intéressante publication. Après cette longue interruption une résolution du roi chargea le trésor de l'état de payer les dépenses de la publication des travaux de la Société. Le zèle se réveilla, et quatre volumes parurent bientôt sous le titre de Nouveau Magasin danois (Ny danske Magazin), qui comprend les années 1794-1827.

Une Société généalogique, établie en 1778, s'est réunic à la Société royale en 1810. Les deux Sociétés réunies suivent avec activité le premier plan de notre savant Langebek, et l'on

T. XXXVIII.

· Avril 1828.

3

« ForrigeFortsæt »