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efforts. L'intérêt des sociétés exige que les recherches soient dirigées vers le maximum de produits intellectuels, résultat qu'on n'obtiendrait jamais, si l'on ne s'attachait point exclusivement à ce qui peut réussir.

Parmi les ouvrages destinés à l'instruction populaire, il y en a très-peu dont les auteurs aient suivi cette direction. La plupart de ces écrivains se sont adressés à l'imagination; ils ont traité l'homme du peuple comme un enfant, sans considérer qu'il est de son âge dès qu'il se met à l'étude, et qu'il se présente à ses instituteurs avec une raison exercée, mais qui n'a pu embrasser qu'un trop petit nombre d'objets, et une expérience dont il faut tenir compte dans les leçons qu'on prétend lui donner. L'auteur a craint d'être au-dessus de la portée de ses lecteurs; il s'est efforcé de descendre, et il est tombé trop bas. Il avait pourtant sous les yeux un excellent modèle, la Science du bonhomme Richard: mais, pour composer de tels ouvrages, il faut un FRANKLIN. Ce grand citoyen connaissait le peuple; il ne dédaignait pas de lui parler avec la dignité de la raison.

Sans insister davantage sur la nécessité d'une Statistique intellectuelle, supposons que ce travail préliminaire est terminé, et que l'on n'a plus à craindre de se tromper sur la population qu'il s'agit d'instruire, non plus que sur les connaissances dont elle doit faire l'acquisition. Il est tems de s'occuper des moyens d'instruction, et de nouvelles difficultés vont se faire sentir; le zèle des associations patriotiques les surmontera. Il faudra des livres; mais suffiront-ils ? S'il faut y joindre un enseignement, sous quelle forme conviendra-t-il de l'offrir? La seconde question est subordonnée à la première, et ne peut être résolue que lorsque les livres seront faits et mis à l'épreuve. C'est donc par la composition des livres

que les sociétés d'instruction devaient commencer, et c'est aussi ce qu'elles ont fait. Mais elles ne peuvent plus s'abuser aujourd'hui sur l'inefficacité des concours pour obtenir des compositions de quelque mérite, qui répondent à leurs vues et à leur généreux dévoûment. Les écrivains capables de conceptions aussi philosophiques attendent qu'on vienne les chercher, et ne vont pas grossir la foule dans une audience commune.

Il est de la plus haute importance que les livres populaires soient non-seulement bons, mais excellens. Seuls, ils ont le pouvoir de pénétrer partout, aux champs comme à la ville. Les capitales peuvent avoir des athénées; les cités populeuses auraient des musées, des sociétés de lecture, si elles en obtenaient la permission: l'instruction environne, assiége le citadin, au lieu que l'homme des champs ne peut consulter que ses livres ou quelques voisins. C'est donc principalement à ses besoins qu'il s'agit de pourvoir; et parmi ces besoins, on ne manquera point de mettre en première ligne ceux de l'homme et du citoyen, sans négliger ceux du cultivateur, propriétaire, ou fermier, ou simple manœuvre.

Parmi les écrits destinés à rendre l'instruction véritablement populaire, quelle place est assignée aux recueils périodiques? Cette question, que l'on a déjà discutée plus d'une fois, et regardée comme résolue en faveur de l'une de nos plus importantes publications mensuelles, provoquera des méditations encore plus attentives. On demandera si un journal rédigé avec le talent le plus remarquable, secondé par les recherches les plus actives, ne s'adresse point au savoir, afin de le tenir au courant de toutes les découvertes, et s'il est destiné à porter les connaissances vulgaires aux lieux où elles seront reçues comme des nouveautés ? On n'oubliera pas non plus

d'examiner si les souscriptions, l'entrave des abonnemens, la nécessité de faire d'avance quelques sacrifices toujours pénibles aux hommes qu'alimente un travail journalier, ne restreignent point l'utilité de ces publications, en les concentrant dans la classe aisée. Les Revues de toute espèce auront leur part dans cet examen et dans les conséquences qu'il doit amener. On établira peutêtre une comparaison peu équitable entre les entreprises littéraires et scientifiques fondées sur des abonnemens, et la munificence des Sociétés philantropiques formées pour la propagation des connaissances usuelles: on dira que celles-ci envoient directement leurs livres aux lieux de travail, à l'humble demeure de l'ouvrier, à la chaumière du cultivateur. Les observateurs impartiaux ajouteront que dans certains cas, et principalement lorsqu'il est question de découvertes, de connaissances peu répandues, et dont l'expérience n'a pas encore indiqué le meilleur emploi, l'interposition de la classe aisée peut être très-utile; qu'il convient à tous égards de l'inviter à recevoir le dépôt de ces matières ébauchées, dont la nature et la pureté doivent être constatées avant qu'elles soient livrées à la circulation. Dans cette classe, les besoins de l'intelligence sont plus impérieux et plus divers; il faut à sa pensée plus d'alimens et d'exercice: qu'elle ne retire donc point à la classe laborieuse son utile patronage, sa puissante influence sur la répartition des richesses intellectuelles; plus elle possédera, plus elle usera de ses trésors avec une judicieuse libéralité, et prendra soin que personne ne manque du nécessaire. Les ouvrages périodiques furent destinés aux gens de lettres, aux savans et aux riches, et ne sont pas un moyen direct de porter les connaissances à la nombreuse population qui travaille beaucoup et lit peu. Ils vont à

la recherche des sources, s'efforcent de les rendre plus abondantes, dirigent leur écoulement vers un réservoir commun; il faut un autre travail pour distribuer les eaux en raison des besoins, et les conduire jusqu'aux lieux qu'elles fertiliseront : cette œuvre d'équité, de sagesse et de dévoûment, est réservée aux associations formées pour la propagation des connaissances usuelles.

Parmi les réunions philantropiques dont ce noble but est le lien fédéral, l'attention doit se porter principalement sur la Société anglaise présidée par M. BROUGHAM. Elle a donné à ces mots connaissances usuelles le sens le plus étendu qu'ils puissent admettre, au lieu de le restreindre aux besoins des ateliers et de l'économie domestique. Si la France veut entrer aussi dans cette carrière, elle ne se bornera point sans doute à imiter la Grande-Bretagne : elle s'imposera l'obligation de faire mieux, puisqu'elle aura commencé plus tard; elle voudra que ses ouvrages populaires méritent et obtiennent les honneurs de la traduction dans toutes les langues; même en anglais; elle provoquera des recherches et fera des essais sur les diverses méthodes d'enseignement; elle recueillera sur les établissemens d'instruction publique les faits qui peuvent éclairer la législation, et préparer une organisation plus avantageuse, ou des améliorations désirées depuis long-tems. Les beaux-arts, considérés comme moyen de perfectionnement moral, occuperont une place importante dans les travaux de cette Société; car il sera question de les répandre de plus en plus, ainsi que les connaissances qu'ils supposent : cette sorte d'instruction est beaucoup trop rare en France; et si l'on parvenait à la rendre populaire, elle contribuerait peut-être à corriger quelques-uns des vices qu'on nous reproche. Ces premiers travaux occuperaient long-tems la So

T. XXXVIII. - Avril 1828.

ciété; et jusqu'à ce qu'ils fussent heureusement terminés, ils absorberaient peut-être son attention. On regretterait cependant qu'un aussi long intervalle lui fît perdre de vue d'autres objets d'un intérêt universel, et que, forcée de se consacrer tout entière à la France, elle ne pût faire assez pour toute la république des lettres. Puisqu'on a reconnu les immenses avantages d'une coopération bien concertée, pourquoi différer d'établir partout l'organisation des forces intellectuelles, leur application la plus efficace, les directions de mouvemens qui font éviter les chocs, épargnent le tems, augmentent l'effet? Tout cela manque encore à la république des lettres, peut-être même à chacune de ses divisions territoriales: si l'on parvenait à l'organiser, ce serait alors que l'esprit humain s'étonnerait lui-même de la grandeur de ses œuvres. Mais, de tous les résultats qu'on obtiendrait par cette voie, dans le tems le plus court, le plus désirable est, sans contredit, l'accélération des progrès intellectuels dans tous les lieux et dans toutes les classes de la société. Il est impossible de prévoir ce que deviendrait la race humaine après qu'elle aurait subi cette épreuve : mais on ne peut douter qu'elle ne fût plus loin des vices, et plus près du bonheur. On a dit que le spectacle de l'homme vertueux aux prises avec la fortune n'était pas indigne des regards de la Divinité : prendrait-elle moins d'intérêt aux assemblées des représentans des connaissances humaines, venus de toutes les contrées du globe pour délibérer en commun sur les moyens de développer tous les germes de félicité que la main du créateur a répandus sur la terre, de cultiver ces plantes précieuses jusqu'à l'époque où elles seront chargées de fruits abondans? Dans le tableau que présenteraient ces assemblées, il n'y aurait d'autres contrastes que celui de la diversité

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