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partie. Laissons les fantaisistes de tous les temps grossir les proportions des choses et transposer les théories en dehors de l'organisation. Il y a une autre école où les questions ne s'élèvent qu'à la hauteur du sens commun; c'est la bonne, je vous le jure. » Le sens commun ne suffit pas, il faut le bon sens médical, qui est un raisonnement fondé sur l'expérience, ou, comme s'exprime un auteur hippocratique, une démonstration d'œuvre, car, ajoute cet auteur, une construction scientifique qui n'a pour elle que la probabilité est glissante et faillible.

Ce sont ces mêmes principes que M. Valette, chirurgien de Lyon, s'efforce de défendre dans une brochure qui a pour titre De la méthode à suivre dans l'étude et l'enseignement de la clinique. Les arguments ne sont pas tous d'égale force, et parfois l'auteur outrepasse le but; mais là n'est pas la question. M. Valette veut que le raisonnement procède de l'observation et de l'expérience; il ne sépare ni l'organisme des organes ni les organes de l'organisme, et c'est cela dont je me plais à le louer. M. Valette appartient à l'école de M. Rostan, le maître d'une partie de la génération médicale actuelle. L'organicisme croit que la vie n'est pas un principe surajouté dans les êtres animés, pas plus dans l'homme que dans les animaux ou dans les plantes, un principe indépendant de la matière organisée. «Il reconnaît dans l'organisation, c'est-à-dire dans une certaine disposition moléculaire donnée à la

nature par le Créateur, la puissance de naître, de se développer, de se reproduire, et dans cette succession, dans ces phases de développement, d'acquérir toutes les qualités qu'on a attribuées au principe vital ou à la force vitale. » L'organicisme ne nie pas l'âme, mais il ne s'en sert pas pour expliquer la vie ce n'est pas une doctrine philosophique, mais une doctrine biologique; je ne lui reprocherai donc pas d'être une doctrine matérialiste ou athée; M. Rostan l'en a défendue par plusieurs arguments, dont quelques-uns paraissent décisifs1. Je la blâmerai seulement d'être restée un peu trop étrangère au mouvement qui pousse la médecine vers toutes sortes de recherches de physiologie générale et spéciale, vers l'expérimentation raisonnée, vers l'application des sciences chimiques et physiques aux problèmes médicaux, vers l'étude de la médecine comparée, mouvement qui a étendu le domaine de l'anatomie pathologique des organes aux tissus, des tissus aux liquides et jusqu'aux éléments organiques. Tout cela constitue une médecine positive qui devrait être particulièrement du goût des organiciens, si elle semble trop hypothétique ou trop matérielle pour ceux qui voudraient mettre dans les sciences les idées au-dessus des faits, ou du moins les idées avant les faits.

1. De l'Organicisme, précédé de réflexions sur l'incrédulité en matière de médecine, et suivi de commentaires et d'aphorismes; troisième édition. Paris, 1864.

Je ne me suis ni ennuyé ni fatigué à parcourir les ouvrages dogmatiques sur lesquels j'ai essayé de porter un jugement, et qui m'ont fourni l'occasion de discuter quelques points de philosophie médicale; mais, il faut bien que je l'avoue, c'est avec un plaisir plus vif et avec non moins de profit que je viens de lire quelques volumes intitulés Leçons ou Conférences de médecine clinique, et entre tous, la Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu de Paris, par M. Trousseau. Quelle animation, quel mouvement et quel amour de l'art dans ces leçons improvisées au sortir d'une longue et pénible visite d'hôpital ! Quelle éloquence entraînante et persuasive dans la description si simple, mais si vraie des misères humaines! Les médecins me comprendront quand j'appellerai un jour de fête et de débauche le jour de loisir qu'on peut consacrer à la lecturé de pareils livres; et si les gens du monde s'étonnaient d'un tel délassement, je leur répondrais aussitôt, avec M. Trousseau : « Il semble étrange aux gens du monde d'entendre les médecins parler du charme qui accompagne l'étude de notre art; l'étude des lettres, de la peinture, de la musique ne donne pas de jouissances plus vives que celles de la médecine, et celui-là doit renoncer à notre profession qui n'y trouve pas dès le début un attrait presque irrésistible. » Cet attrait d'artiste n'est sans doute pas le seul que trouve et que recherche M. Trousseau ; quoique dans sa clinique les élans du cœur n'égalent

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pas les élans de l'enthousiasme médical, cependant le triste spectacle qu'il a chaque jour sous les yeux ne le laisse pas indifférent. Un médecin qui aime autant la médecine doit aussi aimer les malades; j'en découvre une preuve indirecte dans un passage où M. Trousseau n'a pas de paroles assez énergiques pour flétrir les médecins stupides ou malhonnêtes qui expérimenteraient sur l'homme dans le seul dessein de constater le résultat de leur expérimentation, ou qui abuseraient de la position dépendante des malades dans les hôpitaux pour satisfaire une coupable et vaine curiosité.

Je ne puis suivre ici l'éminent professeur dans ses belles leçons sur toutes les espèces de maladies qui viennent de passer successivement sous mes yeux, et dont l'image est présente à mon esprit comme si j'avais assisté moi-même à l'examen du malade; je me bornerai à extraire de la première leçon de M. Trousseau un passage où l'auteur marque, par un exemple frappant, combien est grande la distance qui sépare le vrai médecin de l'empirique; ces considérations ne sauraient être rappelées trop souvent au public, car le public trouve toujours des motifs d'éloge pour l'empirique et des motifs de blâme pour les médecins :

« Quand la comtesse del Chinchon envoya à Rome et à Madrid la poudre miraculeuse qui l'avait guérie de la fièvre, elle ne faisait qu'un acte d'empirisme;

mais, reçue et essayée par Torti et par Sydenham, l'écorce du Pérou devint un remède administré suivant des règles, suivant une méthode qu'il n'appartenait qu'à de grands médecins de déterminer. Ainsi, lors même qu'un remède ne s'applique qu'à une maladie spéciale, lorsque nulle théorie, nulle induction ne conduit à l'essayer, lorsqu'il semble être par conséquent du domaine exclusif de l'empirisme, le médecin peut encore intervenir avec son intelligence et instituer une médication avec un seul médicament.

<< Il ne systématisera pas, il ne pourra même pas essayer la plus petite théorie, mais il appréciera l'opportunité de l'usage du remède, son influence dans le cas spécial, la durée de cette influence; il règlera les doses, le retour de l'application de ces mêmes doses; il cherchera le moyen de rendre le remède plus inoffensif; il étudiera, dans les conditions accessoires de la maladie, s'il n'existe pas d'autres indications que l'expérience lui a déjà appris à apprécier et à remplir ; il verra que l'anémie, qui accompagne l'empoisonnement par les miasmes des marais, obéit avec une certaine facilité aux mêmes remèdes qui réussissent si bien dans la chlorose, et le fer deviendra, entre les mains du médecin un adjuvent utile inconnu à l'empirique. L'empirique peut guérir un accès de fièvre; au médecin il appartient de guérir la fièvre; au médecin il appartient de faire un diagnostic impossible à l'empirique. Savoir qu'un malade a chaque jour un paroxysme fébrile en commençant par du frisson et suivi de chaleur et de sueur, c'est là une notion d'une vulgarité extrême, ce n'est pas un diagnostic; mais savoir que ce paroxysme n'est pas lié à une phlegmasie cachée, à une suppuration profonde, à une disposition toute spéciale du

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