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de me trouver d'accord. «C'est, dit-il, la tâche la plus élevée de l'hygiène morale d'expliquer le pouvoir de l'éducation sur les forces obscures de la nature physique et de montrer quelle influence salutaire la culture intellectuelle exerce sur la santé des individus, des masses, de l'humanité tout entière. Pour le philosophe qui s'adonne à des recherches profondes sur l'essence de l'homme, il n'existe peut-être pas de phénomène plus remarquable que la puissance donnée à l'idée abstraite d'agir sur l'organisme par l'intermédiaire de ce qu'on peut appeler le sentiment intellectuel. »

Si j'ai été le rapporteur fidèle et l'interprète exact des faits les mieux constatés dans la science, il résultera de cet examen critique que l'esprit et le corps, pour vivre en bonne intelligence et maintenir des relations nécessaires, doivent, en se faisant de mutuelles concessions, ne pas empiéter par la violence sur leurs droits respectifs; que l'exercice régulier de la pensée, poussé même à un degré assez énergique, nè produit à lui seul (c'est-à-dire sans le secours des causes organiques antécédentes, sans influences atmosphériques ou sans pernicieux accessoires) aucune affection caractérisée ni du cerveau ni d'un autre organe, affection qu'on puisse légitimement regarder comme étant le privilége des hommes livrés aux travaux sérieux et continus de l'esprit :

Pallida mors æquo pulsat pede pauperum tabernas
Regumque turres...

Tout ce qu'on est en droit d'affirmer des gens de

lettres, c'est qu'ils ont le sort commun des personnes qui mènent une vie sédentaire; alors ce n'est plus comme savants, mais en qualité de buralistes qu'ils sont sujets aux indispositions plus ou moins graves que nous avons fait connaître dans les pages qui précèdent. Encore ne leur est-il pas aussi facile d'être malades qu'ils veulent bien se l'imaginer; qu'ils sachent se contenter de l'état valétudinaire, c'est presque une garantie contre les maladies, du moins contre les maladies aiguës.

Et franchement, quand on parcourt les tables de mortalité dressées par Casper ou par Brigham, quand on voit tant et de si illustres savants de tout ordre et de toute condition, mais de vrais savants, mourir entre soixante-neuf et quatre-vingt-dix-neuf ans, on doit souhaiter pour soi et pour les siens cette maladie chronique de l'étude, qui procure en cette vie les plus nobles jouissances, et qui, après de longs jours, assure par delà le tombeau une place dans la mémoire des hommes.

HYGIÈNE DES MALADES

Quelques personnes de beaucoup de charité et de beaucoup d'esprit ont pensé qu'il serait bon de traduire en français un ouvrage de miss Nightingale dont voici le titre Notes on nursing; what it is, and what it is not', et qui a eu, soit en Angleterre, soit en Amérique, plusieurs éditions tirées à un grand nombre d'exemplaires. Elles m'ont fait l'honneur de me consulter sur l'opportunité d'une telle publication; comme je suis d'avis qu'il serait difficile de mettre un meilleur livre aux mains des gens du monde et même sous les yeux des médecins, j'ai fort approuvé le projet qui m'était soumis, j'ai même accepté volontiers la tâche de surveiller l'impression de ce petit volume et de parler du livre et de l'auteur dans le Journal des Débats.

Le nom de miss Nightingale, déjà populaire en Angleterre, s'est répandu dans le monde civilisé depuis le

1. Des soins à donner aux malades: ce qu'il faut faire, ce qu'il faut éviter; traduction française. Paris, 1862, librairie Didier.

jour où cette noble femme, n'écoutant que son amour du prochain, s'est mise à la suite de l'armée anglaise pour organiser et diriger en Crimée le service des ambulances. Miss Nightingale a un grand sens pratique, une rare puissance d'organisation, une longue expérience des malades; elle les aime, elle compatit à leurs maux, non pas précisément avec cette tendresse de cœur qu'on trouve si souvent chez nos Dames ou chez nos Sœurs de charité, mais avec ce sentiment grave et un peu froid, avec cette espèce de solennité que tout Anglais apporte dans l'accomplissement d'un devoir. Il semble que chez nos voisins la philanthropie ne laisse que peu de place à la charité, et que la préoccupation des détails ralentisse les élans de la commisération; la poésie est exclue de la chambre d'un malade; on n'y doit rencontrer que la triste réalité ; les soins l'emportent de beaucoup sur les consolations. Ce n'est pas un reproche que j'adresse à miss Nightingale; c'est un fait physiologique que je signale, une dissemblance que je reconnais entre le caractère des Anglais et celui des Français. Le point important pour un Anglais, c'est de guérir correctement et promptement, tuto et cito; on n'a pas de temps à perdre; le Français ajoute le jucunde; il a besoin que la pilule soit dorée; il veut être traité en petite-maîtresse et en enfant gâté; il exige qu'on prenne souci de son imagination autant que de son corps; il n'aime pas les visages sévères; l'idée d'une mort sans gloire et précédée de souffrances sans compensations lui est insupportable; il ne veut pas et ne sait pas être malade, ou plutôt il est malade à sa façon, avec toutes sortes de caprices, de

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petites misères, de susceptibilité nerveuse, je dirais presque de coquetterie. L'Anglais et le Français affrontent la maladie comme ils vont au feu le premier avec cette fermeté qui relève presque uniquement de la notion du devoir, le second avec cette ardeur chevaleresque qui veut être applaudie, et, s'il est possible, récompensée. Le Français malade aime qu'on l'encourage à souffrir et qu'on le distraie des angoisses de la mort; l'Anglais y met plus de fierté, plus de sombre résignation.

Ainsi ce ne sont pas des douceurs que miss Nightingale veut qu'on prodigue aux malades, ce sont des soins éclairés, méthodiquement administrés et minutieux qu'elle exige des gardes, des amis ou des parents. Ce n'est pas chose très-gaie ni même très-commode d'être gouverné suivant les préceptes de notre auteur, du moins c'est chose en général fort sensée et presque toujours profitable.

Après avoir lu avec toute l'attention qu'ils méritent les conseils donnés par une femme du monde pour la direction des malades, j'ai rassemblé les divers ouvrages écrits récemment par des médecins et qui se rapportent de loin ou de près au sujet que miss Nightingale vient de traiter; le nombre et l'importance de ces ouvrages prouvent que les circonstances m'ont bien servi, et que la traduction publiée par M. Didier ne pouvait venir dans un temps plus opportun, puisque de tous côtés on s'occupe de l'hygiène des malades et de l'organisation des hôpitaux.

Parmi les ouvrages où l'hygiène des malades est

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