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ce qui fait, sans doute, la véritable perfection du corps, sans parler des avantages que l'esprit en tire:

Cette mollesse et cette oisiveté étant jointes à l'ignorance, il en naît une sensibilité pernicieuse pour les divertissements et pour les spectacles; c'est même ce qui excite une curiosité indiscrete et insatiable.

Les personnes instruites et occupées à des choses sérieuses n'ont d'ordinaire qu'une curiosité médiocre: ce qu'elles savent leur donne du mépris pour beaucoup de choses qu'elles ignorent; elles voient l'inutilité et le ridicule de la plupart des choses que les petits esprits qui ne savent rien et qui n'ont rien à faire sont empressés d'apprendre.

Au contraire, les filles mal instruites et inappliquées ont une imagination toujours errante. Faute d'aliment solide, leur curiosité se tourne toute en ardeur vers les objets vains et dangereux. Celles qui ont de l'esprit s'érigent souvent en précieuses, et lisent tous les livres qui peuvent nourrir leur vanité; elles se passionnent pour des romans, pour des comédies, pour des récits d'aventures chimériques, où l'amour profane est mêlé. Elles se rendent l'esprit visionnaire, en s'accoutumant au langage magnifique des héros de romans: elles se gâtent même par pour le monde; car tous ces beaux sentiments en l'air, toutes ces passions généreuses, toutes ces aven

tures que l'auteur du roman a inventées pour le plai sir, n'ont aucun rapport avec les vrais motifs qui font agir dans le monde et qui décident des affaires, ni avec les mécomptes qu'on trouve dans tout ce qu'on entreprend.

Une pauvre fille, pleine du tendre et du merveilleux qui l'ont charmée dans ses lectures, est étonnée de ne trouver point dans le monde de vrais personnages qui ressemblent à ces héros : elle voudroit vivre comme ces princesses imaginaires qui sont dans les romans toujours charmantes, toujours adorées, toujours au-dessus de tous les besoins. Quel dégoût pour elle de descendre de l'héroïsme jusqu'au plus bas détail du ménage!

Quelques unes poussent leur curiosité encore plus loin, et se mêlent de décider sur la religion, quoiqu'elles n'en soient point capables. Mais celles qui n'ont point assez d'ouverture d'esprit pour ces curiosités, en ont d'autres qui leur sont proportionnées: elles veulent ardemment savoir ce qui se dit, ce qui se fait; une chanson, une nouvelle, une intrigue; re- · cevoir des lettres, lire celles que les autres reçoivent; elles veulent qu'on leur dise tout, et elles veulent aussi tout dire; elles sont vaines, et la vanité fait parler beaucoup; elles sont légeres, et la légèreté empêche les réflexions qui feroient souvent garder le silence.

CHAPITRE III.

Quels sont les premiers fondements de l'éducation.

POUR remédier à tous ces maux, c'est un grand avantage que de pouvoir commencer l'éducation des filles dès leur plus tendre enfance : ce premier âge, qu'on abandonne à des femmes indiscretes et quelquefois déréglées, est pourtant celui où se font les impressions les plus profondes, et qui, par conséquent, a un grand rapport à tout le reste de la vie.

Avant que les enfants sachent entièrement parler, on peut les préparer à l'instruction. On trouvera peutêtre que j'en dis trop : mais on n'a qu'à considérer ce que fait l'enfant qui ne parle pas encore; il apprend une langue qu'il parlera bientôt plus exactement que les savants ne sauroient parler les langues mortes qu'ils ont étudiées avec tant de travail dans l'âge le plus mûr. Mais qu'est-ce qu'apprendre une langue? Ce n'est pas seulement mettre dans sa mémoire un grand nombre de mots, c'est encore, dit saint Augustin, observer le sens de chacun de ces mots en particulier. L'enfant, dit-il, parmi ses cris et ses jeux, remarque de quel objet chaque parole est le signe : il le fait, tantôt en considérant les mouvements naturels des corps

qui touchent ou qui montrent les objets dont on parle, tantôt étant frappé par la fréquente répétition du même mot pour signifier le même objet. Il est vrai que le tempérament du cerveau des enfants leur donne une admirable facilité pour l'impression de toutes ces images: mais quelle attention d'esprit. ne faut-il pas pour les discerner, et pour les attacher chacune à son objet!

taire

Considérez encore combien, dès cet âge, les enfants cherchent ceux qui les flattent, et fuient ceux qui les contraignent; combien ils savent crier ou se pour avoir ce qu'ils souhaitent; combien ils ont déja d'artifice et de jalousie. J'ai vu, dit saint Augustin, un enfant jaloux : il ne savoit pas encore parler; et déja, avec un visage pâle et des yeux irrités, il regardoit l'enfant qui tettoit avec lui.

On peut donc compter que les enfants connoissent dès lors plus qu'on ne s'imagine d'ordinaire: ainsi vous pouvez leur donner, par des paroles qui seront aidées par des tons et des gestes, l'inclination d'être avec les personnes honnêtes et vertueuses qu'ils voient, plutôt qu'avec d'autres personnes déraisonnables qu'ils seroient en danger d'aimer : ainsi vous pouvez encore, par les différents airs de votre visage et par le ton de votre voix, leur représenter avec horreur les gens qu'ils ont vus en colere ou dans quelque

autre déréglement, et prendre les tons les plus doux avec le visage le plus serein pour leur représenter avec admiration ce qu'ils ont vu faire de sage et de modeste.

Je ne donne pas ces petites choses pour grandes: mais enfin ces dispositions éloignées sont des commencements qu'il ne faut pas négliger, et cette maniere de prévenir de loin les enfants a des suites insensibles qui facilitent l'éducation.

Si on doute encore du pouvoir que ces premiers préjugés de l'enfance ont sur les hommes, on n'a qu'à voir combien le souvenir des choses qu'on a aimées dans l'enfance est encore vif et touchant dans un âge avancé. Si, au lieu de donner aux enfants de vaines craintes des fantômes et des esprits, qui ne font qu'affoiblir, par de trop grands ébranlements, leur cerveau encore tendre; si, au lieu de les laisser suivre toutes les imaginations de leurs nourrices pour les choses qu'ils doivent aimer ou fuir, on s'attachoit à leur donner toujours une idée agréable du bien et une idée affreuse du mal : cette prévention leur faciliteroit beaucoup dans la suite la pratique de toutes les vertus. Au contraire on leur fait craindre un prêtre vêtu de noir, on ne leur parle de la mort que pour les effrayer, on leur raconte qué les morts reviennent la nuit sous des figures hideuses : tout cela

TOME III,

D

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