Billeder på siden
PDF
ePub

La poésie et la musique, si on en retranchoit tout ce qui ne tend point au vrai but, pourroient être employées très utilement à exciter dans l'ame des sentiments vifs et sublimes pour la vertu. Combien avons-nous d'ouvrages poétiques de l'écriture que les Hébreux chantoient, selon les apparences! Les cantiques ont été les premiers monuments qui ont conservé plus distinctement, avant l'écriture, la tradition des choses divines parmi les hommes. Nous avons vu combien la musique a été puissante parmi les peuples païens pour élever l'ame au-dessus des sentiments vulgaires. L'église a cru ne pouvoir consoler mieux ses enfants, que par le chant des louanges de Dieu. On ne peut donc abandonner ces arts, que l'Esprit de Dieu même a consacrés. Une musique et une poésie chrétiennes seroient le plus grand de tous les secours pour dégoûter des plaisirs profanes; mais, dans les faux préjugés où est notre nation, le goût de ces arts n'est guere sans danger. Il faut donc se hâter de faire sentir à une jeune fille qu'on voit fort sensible à de telles impressions, combien on peut trouver de charmes dans la musique sans sortir des sujets pieux. Si elle a de la voix et du génie pour les beautés de la musique, n'espérez pas de les lui faire toujours ignorer : la défense irriteroit la passion; il vaut mieux donner un cours réglé à ce torrent, que d'entreprendre de l'arrêter.

La peinture se tourne chez nous plus aisément au bien d'ailleurs elle a un privilege pour les femmes ;

:

sans elle leurs ouvrages ne peuvent être bien conduits. Je sais qu'elles pourroient se réduire à des travaux simples qui ne demanderoient aucun art; mais, dans le dessein qu'il me semble qu'on doit avoir d'occuper l'esprit en même temps que les mains des femmes de condition, je souhaiterois qu'elles fissent des ouvrages où l'art et l'industrie assaisonnassent le travail de quelque plaisir. De tels ouvrages ne peuvent avoir aucune vraie beauté, si la connoissance des regles du dessin ne les conduit: de là vient que presque tout ce qu'on voit maintenant dans les étoffes, dans les dentelles et dans les broderies, est d'un mauvais goût; tout y est confus, sans dessin, sans proportion. Ces choses passent pour belles, parcequ'elles coûtent beaucoup de travail à ceux qui les font, et d'argent à ceux qui les achetent; leur éclat éblouit ceux qui les voient de loin, ou qui ne s'y connoissent pas. Les femmes ont fait là-dessus des regles à leur mode; qui voudroit contester passeroit pour visionnaire. Elles pourroient néanmoins se détromper en consultant la peinture, et par-là se mettre ́ en état de faire, avec une médiocre dépense et un grand plaisir, des ouvrages d'une noble variété, et

TOME III.

S

d'une beauté qui seroit au-dessus des caprices irréguliers des modes.

Elles doivent également craindre et mépriser l'oisiveté. Qu'elles pensent que tous les premiers chrétiens, de quelque condition qu'ils fussent, travailloient, non pour s'amuser, mais pour faire du travail une occupation sérieuse, suivie et utile. L'ordre naturel, la pénitence imposée au premier homme, et en lui à toute sa postérité, celle dont l'homme nouveau, qui est Jésus-Christ, nous a laissé un si grand exemple, tout nous engage à une vie laborieuse, chacun,

en sa maniere.

On doit considérer pour l'éducation d'une jeune fille, sa condition, les lieux où elle doit passer sa vie, et la profession qu'elle embrassera selon les apparences. Prenez garde qu'elle ne conçoive des espérances au-dessus de son bien et de sa condition. Il n'y a guere de personnes à qui il n'en coûte cher pour avoir trop espéré ; ce qui auroit rendu heureux n'a plus rien que de dégoûtant, dès qu'on a envisagé un état plus haut. Si une fille doit vivre à la campagne, de bonne heure tournez son esprit aux occupations qu'elle doit y avoir, et ne lui laissez point goûter les amusements de la ville; montrez-lui les avantages d'une vie simple et active. Si elle est d'une condition médiocre de la ville, ne lui faites point

voir des gens de la cour; ce commerce ne serviroit qu'à lui faire prendre un air ridicule et disproportionné: renfermez-la dans les bornes de sa condition, et donnez-lui pour modeles les personnes qui y réussissent le mieux; formez son esprit pour les choses qu'elle doit faire toute sa vie ; apprenez-lui l'économie d'une maison bourgeoise, les soins qu'il faut avoir pour les revenus de la campagne, pour les rentes et pour les maisons qui sont les revenus de la ville, ce qui regarde l'éducation des enfants, et enfin le détail des autres occupations, d'affaires, ou de commerce dans lequel vous prévoyez qu'elle pourra entrer, quand elle sera mariée. Si au contraire elle se détermine à se faire religieuse sans y être poussée par ses parents, tournez dès ce moment toute son éducation vers l'état où elle aspire; faites-lui faire des épreuves sérieuses des forces de son esprit et de son corps, sans attendre le noviciat, qui est une espece d'engagement par rapport à l'honneur du monde; accoutumez-la au silence; exercez-la à obéir sur des choses contraires à son humeur et à ses habitudes; essayez peu à peu de voir de quoi elle est capable pour la regle qu'elle veut prendre; tâchez de l'accoutumer à une vie grossiere, sobre et laborieuse; montrez-lui en détail combien on est libre et heureux de savoir se passer des choses que la vanité et

la mollesse, ou même la bienséance du siecle, rendent nécessaires hors du cloître; en un mot, en lui faisant pratiquer la pauvreté, faites-lui en sentir le bonheur que Jésus-Christ nous a révélé. Enfin, n'oubliez rien pour ne laisser dans son cœur le goût d'aucune des vanités du monde, quand elle le quittera. Sans lui faire faire des expériences trop dangereuses, découvrez-lui les épines cachées sous les faux plaisirs que le monde donne; montrez-lui des gens qui y sont malheureux au milieu des plaisirs.

CHAPITRE XIII.

Des gouvernantes.

Je prévois que ce plan d'éducation pourra passer, dans l'esprit de beaucoup de gens, pour un projet chimérique. Il faudroit, dira-t-on, un discernement, une patience, un talent extraordinaire, pour l'exécuter. Où sont les gouvernantes capables de l'entendre? A plus forte raison, où sont celles qui peuvent le suivre ? Mais je prie de considérer attentivement que quand on entreprend un ouvrage sur la meilleure éducation qu'on peut donner aux enfants, ce n'est pas pour donner des regles imparfaites: on ne doit donc pas trouver mauvais qu'on vise au plus parfait

« ForrigeFortsæt »