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res qui lui furent confiées, mais il n'en continua pas moins de cultiver les belles-lettres. Il se mit en relation avec les membres de la Société des sciences, arts et belles-lettres du Var, et sollicita l'honneur de partager leurs travaux. Sa demande était accompagnée d'un discours en vers, sur le bonheur que procure l'étude dans toutes les situations de la vie. Le rapporteur de la commission chargé d'examiner cette œuvre, en rendit un compte favorable (1), et proposa de nommer M. Thouron membre titulaire, malgré son jeune âge (il n'avait que vingt-quatre ans). Il fut, en effet, élu à l'unanimité, le 5 novembre 1818.

Appelé peu de jours après aux fonctions de secrétaire, M. Thouron devint un auxiliaire précieux pour les membres du bureau, auxquels il inspira un peu de cette activité et de ce feu sacré dont les Sociétés littéraires sont trop souvent dépourvues. Chaque année, il faisait connaître, dans une séance publique, les travaux accomplis par ses collègues, et rendait hommage à leur zèle avec un tact très-délicat. Ces comptes-rendus étaient un stimulant utile pour les sociétaires et le public lui-même en écoutait

la lecture avec intérêt.

Ces heureux débuts dans une compagnie savante, composée de l'élite de la population toulonnaise, le titre d'ancien élève de

demeura avec lui pendant trois ans ; il ne donna sa démission qu'en 1821. M. Thouron fut nommé avoué par ordonnance royale du 10 janvier 1821.

(1) Cette commission était composée de MM. Pons, Charles Sénès et Bessayrie, rapporteur.

l'École normale, et le talent de parole que le jeune avocat avait déjà montré, attirèrent l'attention sur lui. La municipalité le pria de prononcer l'oraison funèbre du colonel Morin, maire de Toulon, qui venait de mourir. Il accepta cette mission et la remplit avec une parfaite convenance. Le lendemain, 20 septembre 1819, M. Charles Saurin, remplissant par intérim les fonctions de maire, en lui adressant les remercîments du corps municipal, lui disait : « Le murmure approbatif qui s'est fait entendre dans la salle, après votre discours, a dû vous faire connaître que vous vous étiez élevé à la hauteur de votre mission. Je vous en félicite et je me réjouis de ce que le barreau de notre ville s'est augmenté d'un sujet dont les premiers pas dans le champ de l'éloquence sont marqués par des succès dignes d'un avocat distingué. >>

A cette époque, les avoués, licenciés en droit, pouvaient plaider. Ce ne fut que beaucoup plus tard, que le législateur crut devoir séparer les deux professions d'avocat et d'avoué. M. Thouron, qui avait déjà acquis au barreau une certaine réputation, fut désigné, en 1822, pour défendre les nommés Julien Chaffarod et Joseph Constantin, accusés d'avoir participé à un complot dirigé contre la sûreté de l'État par Vallé, Caron et quelques autres conspirateurs.

Ce complot avait été organisé, à Marseille, par le chef de bataillon Caron et, dans notre ville, par le capitaine Vallé. L'acte d'accusation résume ainsi les projets des conspirateurs.

« Le jour de l'exécution étant arrivé, les soldats des corps

de-garde de la préfecture de Marseille et de la division militaire, devaient être pris parmi les soldats du bataillon Caron. Les conjurés se seraient rendus en troupes composées de vingt personnes chez le préfet et chez le général; les sentinelles gagnées d'avance auraient gardé le silence le plus profond. On aurait présenté aux deux fonctionnaires des ordres à signer et s'ils s'y étaient refusés, on se serait défait d'eux ; alors le mouvement aurait éclaté et les conjurés se flattaient de se rendre facilement maîtres de la ville, secondés surtout par une partie de la garnison, sur laquelle on comptait quoique sans fondement. Une fois Marseille révolutionné on aurait marché en avant.

« Ce projet était insensé et l'exécution en était impossible dans une ville aussi dévouée au roi, et dans une province qui se serait soulevée d'indignation contre les auteurs d'une entreprise aussi criminelle. Trop audacieux pour renoncer à leur projet, les conjurés sentaient néanmoins qu'ils avaient besoin de nouvelles forces pour se maintenir, alors même qu'ils auraient obtenu le succès éphémère dont ils se flattaient témérairement. Vallé pensa alors à entraîner dans le complot les principales villes du midi, et Toulon fut la première où il tenta d'ourdir les mêmes trames qu'à Marseille.

<< Vallé arrive à Toulon, le 7 janvier (1); il y cherche les of

(1) Fidèle-Armand Vallé, natif d'Arras, ancien capitaine de cavalerie, était âgé de trente-sept ans. Voici son signalement : « Taille de 1 mètre 75

ficiers de l'ancienne garde; on lui désigne le capitaine Sicard; il l'engage à déjeuner dans une guinguette avec les sieurs David et Birlandiez qui avaient servi dans le même corps. A peine étaient-ils installés dans une chambre de la guinguette, que Vallé, prenant un air mystérieux et regardant si personne n'écoutait, leur demanda comment était l'esprit public à Toulon, quelles étaient les dispositions des troupes qui gardaient les forts, et comment pensaient les chefs? il ajouta qu'il était question d'une vaste conspiration en France, dont les ramifications s'étendaient du nord jusqu'au midi; que cette conspiration éclaterait dans trois ou quatre jours; que le projet était de réarborer le drapeau tricolore; que tout allait changer de face et qu'il présumait qu'à Strasbourg le mouvement avait déjà eu lieu. >>

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Le capitaine Sicard et les deux autres militaires, après s'être rapidement concertés, déclarèrent à Vallé qu'ils n'entendaient nullement l'aider dans ses projets criminels et qu'ils allaient, au contraire, le livrer à l'autorité. Ils se jetèrent, en effet, sur lui, et l'entraînèrent à la mairie et de là chez le procureur du roi.

On trouva sur Vallé, entre autres papiers compromettants, la liste de quelques conjurés, au nombre desquels figuraient Julien Chaffarod et Joseph Constantin. « Spinola, Salomon, Renaud,

centimètres, cheveux et sourcils blonds, front découvert, barbe blonde, yeux bleu clair, nez ordinaire, bouche un peu grande, menton rond, visage ovale, un peu marqué de la petite vérole, ayant une verrue à côté de l'œil droit et une cicatrice au pouce droit, provenant d'un coup de feu. »

Chaffarod et Constantin, dit l'acte d'accusation, sont les hommes qui paraissent, par la procédure, avoir agi de concert avec Vallé et l'avoir secondé, autant qu'il était en eux, dans l'exécution de ses projets criminels. »

Cette affaire, comme on le pense bien, fit grand bruit, et souleva une vive émotion dans le parti libéral, qui faisait cause commune, en ce temps-là, avec le parti napoléonien. « Le but de l'association, lisons-nous dans la formule du serment que prêtaient les conjurés, est de conquérir et de maintenir la liberté. » La Cour d'assises se réunit extraordinairement à Toulon, vers la fin du mois de mai 1822, pour juger Vallé et ses complices. Vallé éloquemment défendu par M. Marroin, fut néanmoins condamné à mort (1). Chaffarod et Constantin, dont la participation au complot n'était prouvée que par leurs relations d'amitié avec quelques-uns des conjurés, furent acquittés. Leur jeune avocat les avait d'ailleurs défendus avec beaucoup d'habileté.

Encouragé par ce succès, M. Thouron plaida encore quelques causes, mais il renonça, peu de temps après, aux luttes du barreau, pour ne s'occuper que de son cabinet d'avoué. Les rares loisirs que lui laissaient ses devoirs professionnels appartenaient naturellement à la littérature. La publication de son premier poëme provençal: Lou naufragé de la Méduso, remonte à cette époque (1824).

L'idiôme provençal, que nous n'entendons plus que dans la

(1) Il fut exécuté à Toulon le 10 juin 1822.

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