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Jean Huet, évêque de Toulon pendant trente ans, Surintendant des finances du roi René, et Premier Président de la Cour des comptes de Provence, est un personnage à peu près inconnu à tous ceux qui ont dressé la liste des évêques de Toulon, et à ceux qui ont écrit l'histoire des prélats de notre province ou de la France en général. Soit que les recherches qu'ont dû faire ces auteurs aient été incomplètes, soit qu'ils n'aient pas eu la chance de mettre la main sur les nombreux documents, encore existants, qui nous font connaître son épiscopat et les charges importantes qu'il a remplies, ils ont unanimement ignoré et l'époque où il a siégé, et le nom qu'il portait, et les fonctions qui lui furent confiées.

Nous pourrions citer plusieurs catalogues épiscopaux où il ne figure pas; les autres l'enregistrent sous son seul prénom de Jean. Comme on pourra s'en convaincre au bas de la page (1),

p. 84.

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(1) ANT. DU BLANC, prévôt de Toulon. Officium B. Cypriani. Paris, 1635; - Joannes sextus, episcopus Tolonensis, anno 1478, fecit excambium Castri novi, seu sanctæ Margaretæ, cum castro S. Crucis, diœcesis Regiensis, ex actis ejusdem permutationis.

Gallia Christiana, t. I, colon. 752. XLV. Johannes VI; (en mar

toute son histoire, dans les écrivains les mieux renseignés et les plus explicites, se borne à un échange de biens, que l'on fixe à une date fautive. Jusqu'à ce jour, deux choses seulement sont acquises sur son compte : l'existence, dans la seconde moitié du xve siècle, d'un évêque de Toulon nommé Jean, et un contrat peu important, passé par lui à une époque qu'on ne peut préciser. C'est tout ce qu'on en sait.

Nous venons essayer de dire le reste, et de suppléer au silence des historiens au moyen de textes nouveaux et de pièces authentiques qui n'ont pas été encore employées. Nous éclaircirons ainsi aux trois quarts la vie de ce prélat, et s'il reste quelques points inexpliqués, il faudra désormais peu d'efforts pour y porter une lumière complète.

Ces éclaircissements nous semblent d'autant plus opportuns que la lumière est loin de se faire à ce sujet et de se dégager de l'erreur. Jusqu'ici, nous l'avons dit, le nom de Huet ne figurait sur aucun des catalogues d'évêques. Un savant bénédictin

ge: 1467.) Hic præsul, ex pacto excambii cum Honorato de Castellana domino de Intercastris, commutavit Castrum novum, seu S. Margaritæ, pro castro S. Crucis, diœcesis Rejensis; quòd castrum S. Margaritæ constructum esset in littore maris, et prædonum incursionibus pateret. Act. Toloni in platea ecclesiæ cathedralis, an 1487, (en marge, al. 1478) die 28 septembris. Sed contra permutationem hanc, eodem anno, 2 octobris, contestatus est Johannes de Glandeves, dominus de Garda.

DUTEMPS. Le Clergé de France, t. I, 1774, p. 371. XLVI. Jean VII, évêque en 1478, fit avec Honorat de Castellane, seigneur d'Entrecasteaux, l'échange de Châteauneuf, ou de la terre de Sainte-Marguerite, pour celle de Sainte-Croix, au diocèse de Riez, par acte passé le 28 septembre 1487; mais Jean de Glandevès, seigneur de la Garde, protesta contre cet échange le 2 octobre de la même année.

PAPON. Hist. gén. de Provence, t. I, 1777, p. 376. 1487. Jean VI fit un échange de quelques terres avec Honoré de Castellane, le 28 septembre 1487.

vient de l'y introduire pour la première fois, en rééditant tout récemment le premier volume du Gallia Christiana, et en face de Johannes, que portait l'ancienne édition, on peut lire dans la nouvelle ce supplément mis en marge: [HUET, vel LE BIGRE] (1). Malheureusement, au moment même où le vrai nom de notre prélat se faisait enfin jour, il était accolé, comme on le voit, à un autre nom qui n'est pas le sien, de manière à laisser le lecteur dans une incertitude non moins grande que celle où il était précédemment. Comment faire en effet pour savoir s'il faut lire Jean Huet, ou Jean le Bigre? Qui donnera la solution de cette énigme ? Nous devons donc le déclarer très-nettement : plus d'une centaine d'actes concernant Huet ont passé sous nos yeux; dans aucun ne figure le nom de Lebigre, ou tout autre s'en rapprochant; et ce mot est à retrancher, sans hésitation, du nouveau Gallia Christiana, où il ne devrait pas avoir pris place.

Voici probablement la cause de cette erreur. Dans un des volumes du Gallia, et à un endroit où l'on n'est pas tenté d'aller les chercher (2), on voit tout à coup surgir deux évêques de Toulon, jusqu'à présent inconnus, qui auraient été successivement abbés de S. Léonard de Ferrières, au diocèse de Chartres. Charles de S. Gelais, episcopus Tolonensis, y paraît entre 1476 et 1480, et après lui Jean le Bigre, episcopus Tolonensis, de 1487 à 1490. Le premier est impossible comme évêque de Toulon, à ces dates; et des actes authentiques, au nom de Jean Huet, l'excluent formellement. La date assignée au second est précisément l'époque où Huet disparaît, et laisse vacant l'évêché de

(1) Gallia Christ., t. I. Paris. Palmé, 1871, col. 752. (2) Gallia Christ., t. VIII, col. 1270.

Toulon. Jean Lebigre a-t-il succédé à Huet? Serait-ce le même que Jean Mixon que la plupart des historiens lui donnent pour successeur? Ce sont là des questions que nous ne sommes pas à même de résoudre en ce moment. Mais ce qui n'est pas douteux c'est que Huet et Lebigre n'ont rien de commun, et ne peuvent pas être donnés comme un seul et même personnage.

JEAN

HUET

ÉVÊQUE DE TOULON

La patrie et les premières années de Jean Huet sont très-peu connues; car, bien qu'il ait passé en Provence la plus grande partie de sa vie, il n'était point Provençal. Il fut un de ces nombreux étrangers que le roi René amena avec lui, de Naples, de Lorraine et d'Anjou, et qui, l'ayant suivi dans la mauvaise fortune, reçurent de lui d'amples dédommagements, en échange de ce qu'ils avaient abandonné pour lui demeurer fidèles. Aux grands seigneurs, le bon roi distribua des châteaux et des terres; aux ecclésiastiques, les plus riches bénéfices de ses États. Les évêchés, les abbayes et les meilleures prébendes leur furent presque exclusivement réservés; et c'est pour cela, que la prélature provençale, à cette époque, nous offre une si grande quantité de noms, dont les désinences insolites nous apprennent l'origine. Tels furent, pour ne parler que des plus connus, Olivier de Pennart, archevêque d'Aix, Jean du Bellay, évêque de Fréjus, Nicolas de Brancas, Jean Alardeau, et Augier d'Anglure, successivement évêques de Marseille.

Tel fut aussi Jean Huet, évêque de Toulon. S'il n'est pas possible de dire avec une entière certitude quelle fut sa patrie, du

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