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Les royalistes s'étaient mis en campagne. Fayence se rendit à Montaud; le marquis d'Oraison emporta Saint-Paul-la-Durance, que commandait Castellane Albiosc, et occupa Barjols, qui fut rendu sans combat par le capitaine Signoret. Villeneuve-Vaucluse abandonna Draguignan et Bargemon; plusieurs autres places, parmi lesquelles Ryans, Jouques, Grambois se rendirent sans résistance et reconnurent l'autorité du roi. Lesdiguières, de son côté, balaya toute la basse Provence depuis le Var jusqu'à Toulon. Il prit Vence, Grasse, le Muy, dont la garnison sortit avec les honneurs de la guerre après avoir soutenu un siége de huit jours; il s'empara d'Aups, de Ginasservis, de Cotignac, et redescendant vers la mer, il vint attaquer, le 3 juillet, la Cadière, village situé à quelques lieues de Toulon. La place se rendit après avoir essuyé 250 coups de canon; les habitants se rachetèrent du pillage en payant la somme de 15000 écus, plus 3000 écus pour l'artillerie, qui se payait toujours à part (1). Le Castellet, bourg situé non loin de là, fut emporté d'assaut et frappé de 3000 écus de contribution de guerre. Les Marseillais donnèrent 20000 écus d'or pour que Signes, la Ciotat, Ceyreste et Roquefort ne fussent pas assiégés et pillés (2). Le château d'Evenos, qui domine les abruptes et pittoresques gorges d'Ollioules,

(1) Le sieur de Cujes se porta caution pour cette rançon exorbitante. Dans les premières années du XVIIe siècle, M. de Cujes exerçait encore des poursuites contre la communauté pour obtenir le solde de sa caution. Le cinquième des fruits furent saisis pendant plusieurs années, et les frais, ainsi que les intérêts, portèrent la somme au double. Pour acquitter cette dette, la Cadière vendit ses bois, ses platrières et ses terres gastes. (Manuscrit appartenant à M. le chanoine Magloire Giraud, curé de Saint-Cyr.)

(2) Lesdiguières écrivait aux consuls de la Ciotat : « Je vous assure « que je prendroi telle escorte de guides que je m'y rendroi. Sy je n'ai << de vos nouvelles argentines demain ou à l'austre au plus tard, j'iroi « quenouille en main pour estre payé... » (Manuscrit de M. le chanoine Magloire Giraud.)

sut conserver seul, dans ses quartiers, le drapeau de la Ligue. Il était défendu par un capitaine nommé Isnard, natif d'Ollioules; ce vaillant soldat, qui cachait dans un corps presque difforme, car il était petit, osseux, boiteux, avec des poils roux et hérissés qui lui couvraient le visage, une âme haute et fière, résista pendant quatre jours à deux cents coups de canon, se défendant avec la plus grande bravoure unie à la plus grande intelligence. Lesdiguières désespérant de réduire la place leva le siége et remonta vers Ryans.

Il arrivait à peine dans ce bourg, quand il apprit, non sans un profond étonnement, que le duc d'Epernon était en route pour venir prendre le gouvernement de la province. Il fit appeler auprès de lui Vicoze, qui n'avait pas encore quitté le pays, lequel ne put lui dire autre chose : « Sinon que les décisions de la <«<cour estoient sujettes à revirement; mais qu'à son despart le << roy estoit bien décidé à ne pas donner au duc ses provisions << de gouverneur. » Lesdiguières ne tarda pas à s'apercevoir, du reste, que de nouveaux et graves événements se préparaient : les Gascons, qui depuis deux mois cherchaient à se faire oublier par un silence prudent et une grande modération dans leur conduite, reprirent des allures hautaines et recommencèrent à parler en maîtres, tandis que les Provençaux qui l'entouraient, devinrent tout-à-coup à son égard d'une réserve qui touchait à la froideur. Il résolut de rentrer en Dauphiné, que Nemours venait d'envahir après avoir pris Vienne; il se dirigea par Riez et les Mées vers Sisteron, et passa, vers le 15 juillet, la frontière avec ses troupes.

A peine Lesdiguières était-il parti que les ligueurs, à leur tour, prirent l'offensive. Le comte de Carcès, ayant sous ses ordres de Suze, Saint-Romans, de Croze, Villeneuve-Trans, reprit en quelques jours Peynier, Pourrières et Fuveau; Allamanon rencontra et battit la garnison du Puech; Gasqui, gouverneur.

du château de Brégançon, s'empara sur rade des îles d'Hyères de la galère de Toulon montée par les prisonniers d'Esparron et les mit en liberté.

Carcès résolut de tenter un coup de main sur Marseille où il avait de nombreuses intelligences. Il partit de Gardanne le 4 août, vers minuit, avec quinze cents arquebusiers et quatre cents cavaliers, précédé de Saint-Romans qui, avec deux cent cinquante soldats, avait l'ordre de prendre position dans un ravin connu sous le nom de clos Cépéde, situé à une portée d'arquebuse de la porte d'Aix. Arrivé à son poste sans avoir été aperçu, et en attendant le signal que les carcistes marseillais devaient faire à 9 heures du matin, « à laquelle heure chascun quittoit le corps de garde pour aller disner, » Saint-Romans fit procéder à la distribution de la poudre. Les sergents défoncèrent les barils de poudre apportés à dos de mulet, et, à la lueur des lanternes, car le jour n'était pas fait encore, ils commençèrent la distribution aux soldats rangés en cercle autour d'eux. Au XVIe siècle l'usage des cartouches était inconnu; chaque soldat était pourvu d'une bandoulière, bande en peau de buffle qu'on portait en écharpe de gauche à droite, et à laquelle pendait le fourniment, c'est-à-dire un certain nombre de petits étuis en cuir bouilli contenant chacun une charge de poudre. Une distribution de poudre nécessitait en réalité une manipulation toujours longue et souvent dangereuse, d'abord pour la ration à donner à chaque homme, et ensuite pour le remplissage du fourniment. L'opération commençait à peine, quand tout-à-coup par une imprudence d'un soldat qui tenait la lanterne, une explosion terrible eut lieu, qui se répéta autant de fois qu'il y avait de barils ouverts. Cinquante soldats environ furent tués, presque tous les autres, plus ou moins grièvement blessés, brûlés, frappés de cécité, prirent la fuite en poussant de lamentables cris de douleur et fuyant éperdus dans toutes les directions.

BULLETIN

2

Les détonations avaient jeté l'alarme dans le poste de la porte d'Aix. En quelques instants la population des quartiers voisins fut en armes. Casaulx monta à cheval et accourut. Il fit sortir de nombreuses compagnies pour battre la campagne; l'une d'elles, qui avait poussé une reconnaissance assez loin, aperçut les troupes de Carcès qui se retiraient précipitamment sur Gardanne par le chemin du Garbier; une autre, qui s'était dirigée vers le lieu de l'accident, ramena quarante mutilés, que Casaulx fit enfermer dans la tour de Saint-Jean, où ils moururent presque tous des suites de leurs affreuses blessures.

Les Marseillais donnèrent à cette tentative malheureuse des ligueurs le nom de Journée des brûlés.

Le duc de Savoie, quoiqu'il eût refusé de venir au secours des ligueurs, n'avait cependant pas renoncé à ses projets de conquête de la Provence; seulement il se réservait d'agir à sa convenance, à son heure, et dans son propre et unique intérêt. Il ôta le commandement des troupes qu'il avait encore dans le pays à Martinengue, qui avait toujours été battu, et le donna à Don Sanchez de Salines. Dans les premiers jours de juillet, il passa le Var sur un pont de bateaux avec trois mille hommes, pour s'emparer de quelques places voisines et se ménager ainsi une entrée toujours libre dans la province. Il prit le château de Cagnes, s'empara de Cannes et fit investir Grasse ; il se rabattit alors sur Antibes, faisant il guasto à la campagna, tagliando non pur le biade presso que maduro, ma gli arbori ancore et le vigne! (1) La garnison d'Antibes se composait de cinq cents soldats sous les ordres de du Bar et de La Canaux son frère. Le duc fit venir de Nice douze canons, qui furent débarqués le 27 juillet, et battit la porte Saint-Sébastien. Le

(1) Saccageant la campagne, coupant non seulement le blé qui était presque mûr, mais encore les arbres et les vignes.

31 juillet il emporta la ville neuve, et cinq jours après reçut à composition la garnison, qui s'était repliée dans la tour carrée, forteresse qui dominait la ville vieille et le port.

Charles-Emmanuel trouva dans la place deux gros canons de bronze, seize de fer, un fauconneau, et s'empara de deux galères. La ville vieille fut livrée au pillage; au dire de Papon, le butin que firent les troupes du duc pouvait être estimé à deux cent mille écus; Palma Cayet le porte à plus de trois cent mille, outre trente mille que les habitants furent obligés de payer pour racheter leurs maisons (1).

Charles-Emmanuel ayant quitté Antibes s'avança par Chateauneuf, entra à Grasse, qui lui ouvrit ses portes, et il était en route pour Castellanne, quand il apprit que Lesdiguières, qui venait de pénétrer dans les montagnes du Pragelas, s'était emparé de Pignerol, de Briqueras et de toutes les places de cette contrée, soulevant sur son passage ces populations vaudoises toujours frémissantes sous le joug des ducs de Savoie. Du fond des vallées aux sommets des régions des neiges éternelles, s'élevait en ce moment une immense prière adressée à la France, qui, malgré ses déchirements, apparaissait aux yeux des malheureux Vaudois comme un foyer prochain de liberté ! Lesdiguières s'était chargé de faire parvenir à Henri IV leurs vœux ardents, exprimés dans une supplique qu'on ne peut lire encore aujourd'hui sans être ému jusque dans les profondeurs de son âme :

(1) Les historiens ne sont pas d'accord sur la défense du château d'Antibes : Papon et les chroniqueurs italiens louent l'intrépidité de la garnison; Gaufridi parle à peine de ce siége, et dit : « que la prise d'Antibes ◄ coûta au duc moins de poudre que d'écus. » Bouche dit que du Bar se rendit moyennant neuf mille écus, et Louvet « que le fort se rendit après « la ville sans se faire tirer un coup de canon, »> ce qui est une erreur manifeste. Un historien de la ville de Nice, Louis Duranti, dit que du Bar se rendit malgré les instances de son frère, M. de Canaux.

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