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<< de l'envoyer en Provence pour y commander l'armée, pour << laquelle il propose de mener de bonnes troupes. Je n'ay point << encore, sur ce, pris de résolution, mais avant que vostre se<< crétaire parte elle se fera et vous en aurez par lui toutes cer<< taines nouvelles (1). » Mais bientôt le roi allait être obligé de subir les exigences du duc, car le maréchal d'Ornano après s'être avancé jusqu'à Tarascon, venait de rentrer précipitamment à Grenoble. D'Epernon informé de l'arrivée prochaine du maréchal en Provence, et soupçonnant qu'il avait reçu des instructions pour lui créer des embarras, en même temps qu'il serait un danger pour ses Gascons, avait envoyé un de ses gentilshommes nommé Peyrolles courir après lui. Peyrolles avait rejoint le maréchal à Tarascon; il sut si bien le convaincre qu'il était victime d'une machination ourdie à la Cour, qu'on ne l'envoyait en Provence que pour l'y laisser et avoir ainsi la possibilité de nommer Lesdiguières gouverneur du Dauphiné, que d'Ornano, qui n'aimait pas Lesdiguières, ne fut pas plus loin et revint sur ses pas.

Pendant que ces événements s'accomplissaient, la Provence restait en proie à l'anarchie et à la guerre civile. Vers le milieu du mois d'avril, mille ligueurs environ (2), sous les ordres de Chateauneuf et du chevalier d'Aiglun, prirent deux canons à Forcalqueiret et vinrent forcer un ancien couvent de Pignans que les royalistes avaient fortifié et armé. De Castillon, qui commandait à Brignoles, se hâta d'informer les garnisons voisines de cette agression, et demanda des renforts pour arrêter les en

(1) Lettres missives de HENRI IV, t. III, p. 630.

(2) Louvet dit que les ligueurs avaient 500 hommes. Fabrègues 1,200 fantassins et 100 chevaux. Nostradamus 1,000 arquebusiers et 40 maitres, Bouche 1,000 arquebusiers. Une relation du temps, que je citerai tout à l'heure, leur donne « mil à doze cents arquebuziers et cent cinquante << maistres >>.

nemis à leur retour. Du Virailh envoya quelques soldats de Saint-Maximin, Montaud fit partir cinquante cavaliers de Fréjus, et de Tourvès arriva avec un pareil nombre d'arquebusiers à cheval. Les troupes royales se réunirent à Carnoules, village situé à peu de distance de Pignans, au nombre de trois cents hommes dont cent cinquante cavaliers. Les ligueurs, après avoir forcé et pillé le couvent, évacuèrent Pignans le 26 avril et s'engagèrent dans la plaine qui sépare ce bourg de Carnoules. Castillon, quoique les ennemis fussent bien supérieurs en nombre, sortit du village et vint à leur rencontre. Le chevalier d'Aiglun, confiant dans le nombre de ses troupes, accepta le combat. La plaine étant coupée de nombreux fossés qui servaient de limites aux propriétés, il fut obligé, pour ne pas abandonner ses deux canons, de s'éloigner de son avant-garde déjà engagée avec l'ennemi, et de suivre la lisière d'un champ, pour venir retrouver un chemin étroit qui longeait une muraille derrière laquelle s'était embusqué le capitaine Lachapelle avec une compagnie. Celui-ci l'accueillit par un feu d'arquebuses qui mit en peu de temps le désordre dans ses rangs. En ce moment, Tourvès, qui avait vu le corps de d'Aiglun et de Chateauneuf s'éloigner de l'avant-garde, prit le galop et tomba sur ses derrières, pendant que Castillon l'enveloppait avec ses hommes déployés en tirailleurs. Les ligueurs ne résistèrent pas longtemps; l'épouvante gagna les soldats, qui lâchèrent pied en abandonnant leurs canons, et laissèrent plus de trois cents morts sur le terrain, parmi lesquels le chevalier d'Aiglun et Chateauneuf, qui avaient combattu vaillamment. Tourvès poursuivit les fuyards, mais ils se dispersèrent et parvinrent facilement à se cacher dans les forêts de châtaigniers. Castillon rentra quelques jours après à Brignoles ramenant les deux canons pris sur l'ennemi (1).

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Et sur le lieu fut tué environ cinq cens homes des dictes

Cependant le Parlement avait convoqué le 15 avril une assemblée générale des communautés de son parti à Aix, à l'effet de pourvoir aux affaires de la province : « Nous vous prions, di<< saient les procureurs du pays, députer aucuns d'entre vous << pour y venir adcister, afin que tous ensemblement puissions << trouver quelque bon remède pour délivrer ceste pauvre pro<< vince de tant de misères et de calamités qui l'affligent. » Les Etats se réunirent le 1er mai. L'assemblée fut peu nombreuse; la noblesse surtout fit défaut. De tristes appréhensions dominaient les députés. Le comte de Carcès visita Fabrègues et lui demanda des conseils. Celui-ci proposa la paix. Carcès objecta que ce serait trahir son parti, et qu'il ne pouvait faire la paix sans consulter le duc de Mayenne. Fabrègues proposa alors une trève. Carcès, qui voyait dans une trève un moyen de gagner du temps et d'attendre sans danger que les royalistes divisés entre plusieurs chefs séparassent leurs intérêts, accepta cette idée avec empressement. Fabrègues et lui la firent adopter par les Etats. L'évêque de Sisteron, le vicaire de l'évêque de Marseille, Oize, de Croze, La Fare, Sainte-Croix, Duperrier, Allamanon, Cucuron, l'assesseur Audibert, avec les consuls de

«< compaignies et grand nombre de blessés, et le reste mis en fuite et en « désordre; tellement que ledict sieur Castilhon gaigna sur les ennemis << neuf enseignes, trèze taborins de guerre, et un grand nombre d'ardes, « bagaiges et butin, et ce qu'est fort remarquable leur osta deux pièces « d'artilherie que lesdicts ennemis avoient prises à Forcalqueiret, et «ycelles a mené et conduit en la présente ville, en laquelle sont et seront << en perpétuelle mémoire; en quoy pouvons cognoistre le tout avoir esté << fait par la volonté divine; et laquelle défaicte et victoire a esté faicte << entre Pignans et Carnoles, près l'Observance, sans que des gens dudict « Castilhon en morut aulcun, et des chefs des dictes compaignies en << morurent monsieur d'Aiglun et noble Balthazard de Chasteauneuf, et le << capitaine Pierre Belletra et Anthoine Martin, de Signes. >> (Extrait du Liber mortuorum de Brignoles, avril 1592, tenu par BIGNON, sacristain. Manuscrit du greffe du tribunal de Brignoles).

Draguignan, d'Apt, de Barjols et d'Aups, furent nommés pour arrêter avec le Parlement royaliste les bases d'une suspension d'armes. De tous ces députés, Allamanon, premier consul d'Aix, était le seul désirant sincèrement la paix. Il était fatigué et voulait du repos. Au fond il était humilié d'avoir moins d'influence sous Carcès que sous la comtesse, et il avoua à Fabrègues que quoiqu'il eût tout à gagner à faire la guerre, il en souhaitait la fin, qu'il n'était plus ni ducal ni carciste, mais bon Provençal, et dans le cœur partisan de la comtesse, de Meyrargues et de Besaudun. Fabrègues, après quelques reproches sur ses palinodies politiques, le félicita vivement, disant que la paix serait plus facile à obtenir de Lesdiguières que du duc d'Epernon, « et que <«< si la noblesse s'unissoit avant son arrivée, avec l'appui de << Lesdiguières on se déferoit facilement des Gascons, qui se<<< roient foibles contre les trois armées réunies, et que si le roy « de Navarre se convertissoit, il ne falloit pas douter de le re<< connoitre et d'estre des premiers (1) ».

Sur ces entrefaites Lesdiguières était arrivé à Sisteron, le 2 mai, avec cinq cents maîtres, cinq cents arquebusiers à cheval et quinze cents hommes de pied. Il vint au Brusquet, du bailliage de Digne, prit le château de Beynes, où fut tué Poligny, gentilhomme dauphinois, emporta Bauduen et descendit jusqu'à Valensolle, à la rencontre des députés ligueurs que les Etats envoyaient à Sisteron pour traiter d'une trêve. Mais le Parlement royaliste ne voulait pas accéder à une trêve, et il avait chargé Lesdiguières de déclarer aux députés des Etats qu'il ne pouvait y avoir d'accommodements qu'après que les ligueurs de Provence auraient abandonné toute union avec les ligueurs de Paris et reconnu Henri IV. Lesdiguières trouva, en effet, à Valensolle, Allamanon, frère du premier consul, et Cucuron,

(1) Mémoires de FABRÉGUES.

qui lui furent présentés par le marquis d'Oraison et Saint-Cannat. Les députés avaient mission de ne traiter qu'avec le Parlement royaliste. Lesdiguières les dissuada de continuer leur route, les assurant «< qu'il avoit l'ordre de ne déposer les armes que si la << Ligue vouloit la paix; qu'il ne pouvoit être question d'une trêve, << mais bien d'une paix entière; que la première condition étoit la << reconnaissance de l'autorité royale, et que le jour où le pays se << soumettroit au roy, il se rendroit avec le marquis d'Oraison et « le président de Saint-André dans un lieu neutre pour traiter, et « qu'alors il n'y auroit pas trêve mais paix ». Lesdiguières ne traduisait que les ordres qui lui avaient été transmis par le Parlement royaliste. Henri IV fut vivement touché de cette marque d'attachement et de fidélité de ses magistrats provençaux, et dans une lettre qu'il écrivait le 22 juin à Artus de Prunier, il lui disait : « Je trouve que vous avez eu grande raison de vous opposer << à la trêve qu'on vouloit faire, dont je vous sçois bon gré. »

Les ligueurs jurèrent de ne jamais reconnaître un roi hérétique; ils défendirent sous peine de mort de faire aucune proposition de paix avec le roi de Navarre, et firent dresser des potences sur les principales places d'Aix, comme un sinistre avertissement à ceux qui montreraient de l'hésitation à continuer la guerre. Le 25 mai le Parlement envoya une députation à Nice, auprès du duc de Savoie. Les députés, au nom de la religion en péril, au nom du pays menacé des plus grands dangers, implorèrent de nouveau l'assistance du duc; CharlesEmmanuel resta sourd à leurs prières et se contenta de leur promettre quelques subsides. Déçus de leurs espérances de ce côté, en proie à des agitations fiévreuses qu'exaltaient leur faiblesse et leurs divisions, les ligueurs s'adressèrent alors au roi d'Espagne, au pape et au duc de Mayenne, cherchant partout des protecteurs et des vengeurs! mais ils ne purent obtenir que des conseils et de vagues promesses de secours.

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