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Un enfant qui suit sa trace,
(Son frère, si je l'en crois)
Presse pour remplir sa tasse
Des raisins entre ses doigts.
Tandis qu'à mes yeux la belle
Chante et danse à ses chansons,
L'enfant, caché derrière elle,
Mêle au vin d'affreux poisons.

Noris prend la tasse pleine,
Y goûte, et vient me l'offrir;
Ah! dis-je, la ruse est vaine :
Je sais qu'on en peut mourir.
Tu le veux, enchanteresse;
Je bois, dussé-je en ce jour
Du vin expier l'ivresse
Par l'ivresse de l'amour.

Mon délire fut extrême;
Mais aussi qu'il dura peu!
Ce n'est plus Noris que j'aime,
Et Noris s'en fait un jeu.
De ces ardeurs infidèles

Ce qui reste, c'est qu'enfin,

Depuis, à l'amour des belles
J'ai mêlé le goût du vin.

VOYAGE AU PAYS DE COCAGNE.

AIR Contredanse de la Rosière.

ou : L'ombre s'évapore.

AH! vers une rive
Où sans peine on vive,
Qui m'aime me suive!
Voyageons gaîment.
Ivre de Champagne,
Je bats la campagne,
Et vois de Cocagne
Le pays charmant.

Terre chérie,

Sois ma patrie;

Qu'ici je rie

Du sort inconstant.

Pour moi tout change;

Bonheur étrange!

Je bois et mange

Sans un sou comptant.

Mon appétit s'ouvre, Et mon œil découvre Les portes d'un Louvre En tourte arrondi.

J'y vois de gros gardes,
Cuirassés de bardes,

Portant hallebardes
De sucre candi.

Bon Dieu! que j'aime
Ce doux systême!

Les canons même

De sucre sont faits.
Belles sculptures,
Riches peintures
En confitures

Ornent les buffets.

Pierrots et Paillasses,

Beaux esprits cocasses, Charment sur les places Le peuple ébahi,

Pour qui cent fontaines, Au lieu d'eaux mal-saines, Versent, toujours pleines, Le Beaune et l'Aï.

Des gens enfournent,
D'autres défournent;
Aux broches tournent
Veau, bœuf et mouton.
Des lois de table
L'ordre équitable
De tout coupable
Fait un marmiton.

Dans un palais j'entre,
Et je m'assieds entre
Des grands dont le ventre
Se porte un défi;

Je trouve en ce monde,
Où la graisse abonde,

Vénus toute ronde
Et l'Amour bouffi.

Nul front sinistre,
Propos de cuistre,

Airs de ministre

N'y sont point permis.
La table est mise,

La chère exquise;

Que l'on se grise, Trinquons, mes amis !

Mais parlons d'affaires.
Beautés peu sévères,
Qu'au doux bruit des verres
D'un dessert friand,

On chante et l'on dise

Quelque gaillardise

Qui nous scandalise

En nous égayant.

Quand le vin tape
L'époux qu'on drappe,
Que sur la nappe
Il s'endort à point,
De femme aimable
Mère intraitable,
Ah! sous la table,
Ne regardez point.

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