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de la France, chose pernicieuse et insupportable, ils ne peuvent se servir de Perpignan et de Baïonne, qu'en y allant par mer. Or s'ils veulent passer par mer en-Espagne, ils pourront autant y aborder par Barcelone que par nos ports de France. S'ils ne veulent que des places de sûreté jusqu'à l'exécution de la promesse d'abandonner le roi d'Espagne, il faudroit mettre ces places en dépôt dans les mains de quelque puissance neutre, comme les Suisses, et non dans celles de nos ennemis; encore même faudroitil faire mettre par écrit que le roi ne seroit nullement responsable sur ces places mises en dépôt, de ce que des soldats et des officiers françois pourroient, malgré toutes les défenses de sa majesté, passer en Espagne. Mais, à parler exactement, il faut avouer que rien ne peut lever toutes les difficultés de nos ennemis et finir l'éminent péril de la France, que le prompt retour du roi d'Espagne, qui est certainement dans les mains du roi, quoi qu'on en puisse dire, pourvu que sa majesté ne lui laisse aucune espérance d'un secours secret, et qu'il lui déclare, par un homme qui sache parler förtement, que s'il refuse avec obstination de revenir, sa majesté enverra des troupes pour l'enlever aux armées des ennemis. On n'aura jamais besoin d'exécuter cette déclaration, si on la fait avec toute la force dont elle a besoin.

VII.

Enfin si on continue la guerre, quand même les ennemis remporteroient de grands avantages, le roi ne devroit pas, ce me semble, s'éloigner de Paris. Je ne voudrois pas qu'il s'y renfermât, si les ennemis venoient, par exemple, jusqu'à Senlis; encore faudroit-il alors qu'il y eût des princes de la maison royale qui soutinssent la ville et qu'on s'y retranchât. Si la capitale, où sont l'argent, le commerce, le crédit, et toutes les ressources, étoit abandonnée, tout seroit perdu. Les provinces n'ont plus ni hommes aguerris, ni argent, ni places capables d'arrêter les ennemis; tout est affamé et au désespoir. Plus le roi s'éloigneroit de Paris, plus il se mettroit au milieu des provinces pleines de huguenots dont il a tout à craindre : les bords de la Loire et le Poitou en sont pleins. Il n'y auroit que le courage du roi qui pût soutenir celui de la nation. Les ennemis iroient aussi facilement de Paris à Orléans, à Bourges, etc. et jusqu'aux Pyrénées, que de Béthune ou d'Aire à Paris : tout tomberoit devant eux. Malgré la misere et la stérilité, ils trouveroient à vivre partout en passant. Les huguenots et beaucoup de gens affamés se joindroient d'abord à eux. Paris étant abandonné, il faudroit un miracle pour sauver la France: les Allemands et les Anglois voudroient s'y établir.

C'est pour cette raison que je souhaiterois qu'on fit tomber tout d'un coup cette affreuse guerre par un prompt retour du roi d'Espagne. Le roi n'a qu'à le bien vouloir pour l'obtenir. Il me semble que nous sommes fort heureux de ce que nos ennemis n'ont pas voulu accepter nos offres en se réservant le dessein de se servir des places que nous leur aurions cédées pour entrer en France dès qu'il y auroit eu un nombre considérable de François passés en Espagne : car il y a tout lieu de croire que ce cas seroit arrivé infailliblement, et qu'ils auroient eu un beau prétexte d'entrer tout-à-coup dans le royaume. Le retour du roi d'Espagne peut seul couper la racine du mal.

REMARQUES

Sur les raisons des ennemis, rapportées en quatre articles dans le mémoire.

I.

Les raisons ici alléguées contre Philippe V sont très fortes; mais, sans les examiner en détail, une seule considération semble les détruire toutes.

On sait que les royaumes sont, ou électifs dont le roi n'est qu'usufrutier à vie, ou patrimoniaux dont le roi dispose comme il veut, ou enfin successifs

dont le roi a toujours pour successeur nécessaire son plus proche héritier descendant du premier roi, la ligne directe préférée et le droit d'aînesse gardé, soit mâle seulement, soit fille à défaut de mâle : et c'est ce dernier usage qu'on voit établi en Espagne depuis mille ans; car Philippe V descend en ligne directe des deux premiers rois qui, réfugiés en différents lieux des montagnes du nord, commencerent à reconquérir en même temps l'Espagne sur les Maures vers 717, et dont les familles se réunirent ensuite par mariage en une seule qui a toujours régné depuis.

Voilà donc un usage de dix siecles qui forme tout ensemble une loi et une possession inviolable en faveur des descendants de ces premiers rois tant qu'il y en aura. C'est une espece de substitution graduelle et perpétuelle contre laquelle aucun testament ni renonciation ne peut prescrire, que nul des substitués n'a le pouvoir de changer, et que la nation même qui s'est soumise à cette famille ou descendants n'a plus droit d'infirmer, mais seulement de juger si les conditions ordonnées par la loi pour la succession sont remplies.

Par cette raison, dira-t-on, Louis dauphin, et, après lui, Louis duc de Bourgogne, devoient être rois d'Espagne : il est vrai; mais comme il est permis à un roi d'abdiquer sa couronne, à plus forte raison ces deux

princes pouvoient-ils céder personnellement celle d'Espagne qu'ils n'avoient pas encore.

Si l'on répond qu'ils ne pouvoient céder que leur droit personnel, et non pas celui de leurs futurs descendants, qui sont venus depuis, la réplique paroît décisive.

Quand la succession d'un royaume est ouverte, il faut un roi pour le gouverner. C'est pour en avoir perpétuellement que la nation a choisi une famille ou descendance entiere; et c'est pour l'avoir sans interruption ni délai à la mort de chacun, que la succession a été fixée par l'aînesse, qui décide sur le champ, rien n'étant plus pernicieux aux états que les interregnes. Si donc celui qui doit succéder selon la lọi refuse, la couronne passe à son fils; et s'il n'y en a point, elle passe nécessairement à son frere ; car la nation n'attend point alors un fils du premier, qui ne viendra peut-être jamais. Ainsi, quand, après la prise de possession de la couronne par le frere puîné, l'aîné, qui a refusé, vient à avoir des enfants, ils ne peuvent rien prétendre à la couronne cédée par leur pere; 1o. parceque n'étant point existants dans le temps de la cession, ils ne sont susceptibles d'aucun droit; 2°. parcequ'ils n'ont pu en acquérir depuis par leur naissance, puisque le seul prince qui pourroit le leur transmettre n'en avoit plus lui-même quand

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