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réduite à n'oser rien entreprendre contre eux avec l'empereur ni avec l'Angleterre. On le voit par l'exemple de ce qui arrive aujourd'hui. Le roi d'Espagne n'est point encore paisible possesseur de ses couronnes. Ses ennemis ont un prétexte plausible pour se liguer contre lui. Il y a en Angleterre un roi qui est tout ensemble maître absolu de la Hollande, ennemi juré de la maison de France, et accrédité pour animer une puissante ligue. Voilà des choses qu'on ne verra jamais rassemblées. Cependant les Hollandois tremblent, et sont au désespoir d'être contraints à rompre la paix : jugez s'ils oseront vous faire la guerre, quand le roi d'Angleterre sera mort, et que toute l'Europe aura reconnu le roi d'Espagne, Quand vous tiendrez la Hollande en respect, il n'y aura rien dans l'Europe qui ose vous traverser; car la Hollande est la ressource essentielle de toutes les ligues qui peuvent se former contre vous. Il est donc capital de conserver la barriere entre les mains du roi d'Espagne ; d'ailleurs elle lui appartient légitimement. Enfin, rien ne vous réduit à la céder. Demeurez sur la pure défensive par des troupes wallonnes et suisses dans le Pays-Bas; tournez toutes vos forces vers l'Italie pour y accabler les Impériaux. N'obligez point vos ennemis à augmenter leurs troupes en augmentant les vôtres; et n'augmentez les.

vôtres qu'à mesure que vous saurez qu'ils font certainement des augmentations assez grandes pour vous jeter dans cette absolue nécessité. Vos levées seront toujours plus promptes que les leurs. Si on vous attaque dans les Pays-Bas, attaquez alors à votre tour avec la derniere vigueur et sans ménagement. En ce cas-là, il faudra bien prendre garde de ne donner point de combat sans en tirer aussitôt le fruit par quelque solide conquête, et sans tâcher de déshonorer le roi d'Angleterre aux yeux de tous ses alliés, en le poussant à bout après l'avoir battu. Enfin, il faut convaincre au plutôt les étrangers que nous sommes tout le contraire de ce qu'ils s'imaginent. Ils prétendent maintenant que nous sommes timides et sans vigueur, mais toujours ambitieux, ne pouvant nous résoudre à rendre la barriere et la voulant garder pour nous, ne sachant ni faire la guerre, ni conclure une paix sincere et constante. Il faut montrer tout au contraire que nous savons, quoique très supérieurs, nous abstenir de commencer la guerre ; que nous savons ôter tous les sujets d'ombrage; que nous savons décider vigoureusement l'affaire d'Italie; et que nous ne serons pas moins redoutables dans les PaysBas, si on nous force à y attaquer nos ennemis; que nous ne céderons jamais un pouce de terre; que nous .voulons tout pour l'Espagne, et rien sous aucun pré

TOME III.

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texte pour nous. Ce parti est le plus noble, le plus propre à combler le roi de gloire, le plus juste, le plus chrétien, le plus sûr, le plus capable de mettre toutes les puissances neutres dans vos intérêts, le plus convenable pour procurer une bonne paix. Si on se laisse entamer pour des cessions de pays, on nous menera de proche en proche jusqu'aux partis les plus honteux : nous aurons perdu tout le mérite de soutenir avec vigueur et désintéressement un parti juste.

Au reste, quand j'ai parlé de donner de l'argent aux puissances neutres et d'en donner même avec profusion, je n'ai pas prétendu qu'il fallût le faire qu'à la derniere extrémité. Je sais qu'on peut tomber de ce côté-là dans trois inconvénients terribles. 1°. Èl né sort déja que trop d'argent du royaume; les saignées promptes épuisent bien plus que celles qui se font peu-à-peu; de l'argent envoyé en Suede, au fond de l'Allemagne, etc. ne revient pas de même comme celui de nos armées voisines de nos frontieres. 2°. Les princes qu'on paie en donnent l'exemple à d'autres qui veulent aussi être payés; faute de quoi, ils se détachent: et on ne peut les payer tous. 3°. Plus on les paie; plus ils veulent faire durer la guerre pour faire durer leurs profits; et vous demeurez ruiné. Il faut donc ne donner qu'à ceux d'entre les princes qui

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décident, et qui font la loi aux autres; il ne faut leur donner que dans un grand secret; il ne faut leur donner que quand on ne peut plus les retenir par aucune autre considération d'espérance ou de crainte, enfin quand vous voyez démonstrativement qu'une grosse somme que vous donnerez achevera d'emporter si absolument la balance, que l'empereur et le roi d'Angleterre seront dans une entiere impuissance de faire la guerre, parcequ'alors vous ne donnez que pour un temps très court, et que la paix, infailliblement prochaine, finira cette dépense. J'ai oublié de dire. qu'il faut tirer parti du roi d'Espagne autant qu'on pourra, et faire par lui, pour lui faire honneur, tout ce qu'il y aura de plus solide. Il faut que ce soit lui. qui décide, et non pas le roi notre maître qui paroisse décider; encore même faut-il instruire tellement le roi d'Espagne, qu'il sache persuader son conseil, et lui faire adopter les résolutions par des manieres douces, engageantes, par des bienfaits, et par des raisons d'intérêt véritable de la monarchie. Pour les réformes à faire modérément et peu-à-peu, il faut se servir toujours de l'intérêt général du peuple contre l'avidité odieuse de quelques particuliers; encore même faut-il tâcher de consoler les particuliers par quelque adoucissement.

SECOND MÉMOIRE. "

Je ne connois pas assez toute l'étendue des affaires générales pour me mêler de juger des périls et des ressources de la France, ni par conséquent pour savoir jusqu'où l'on devroit aller pour acheter la paix.

Peut-être que le changement fait dans le ministere remédiera à nos maux. Peut-être que le renouvellement des monnoies fera supprimer les billets de monnoie, et rétablira le crédit. Peut-être qu'une abondante moisson viendra, après la stérilité, faciliter la subsistance de nos troupes. Peut-être qu'un général d'armée relevera la discipline militaire, et rabaissera par quelque victoire la fierté des ennemis.

Pour juger des partis à prendre, il faudroit embrasser dans un examen général toutes les différentes parties du gouvernement, tout l'argent du royaume, toutes les dettes du roi, les causes de la chûte du crédit, les sources du commerce, l'état des revenus royaux, le nombre des peuples non nécessaire au labourage et aux arts dont on ne peut pas se passer,

(1) Ce mémoire paroît avoir été écrit vers 1710, et envoyé, ainsi que le premier et les suivants, à M. le duc de Chevreuse, pour être remis à M. le duc de Bourgogne, et le diriger dans le conseil

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