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sera ni poudreux, ni en danger de se briser, lorsqu'on le mettra dans sa place immédiatement après s'en être servi. L'esprit d'exactitude qui fait ranger fait aussi nettoyer. Joignez à ces avantages celui d'ôter par cette habitude aux domestiques l'esprit de paresse et de confusion. De plus, c'est beaucoup que de leur rendre le service prompt et facile, et de s'ôter à soi-même la tentation de s'impatienter souvent par les retardements qui viennent des choses dérangées qu'on a peine à trouver. Mais en même temps évitez l'excès de la politesse et de la propreté. La propreté, quand elle est modérée, est une vertu; mais quand on suit trop son goût, on la tourne en petitesse d'esprit. Le bon goût rejette la délicatesse excessive il traite les petites choses de petites, et n'en est point blessé. Moquez-vous donc, devant les enfants, des colifichets dont certaines femmes sont si passionnées, et qui leur font faire insensiblement des dépenses si indiscretes. Accoutumez-les à une propreté simple et facile à pratiquer : montrez-leur la meilleure maniere de faire les choses; mais montrez-leur encore davantage à s'en passer. Dites-leur combien il y a de petitesse d'esprit et de bassesse à gronder pour un potage mal assaisonné, pour un rideau mal plissé, pour une chaise trop haute ou trop basse.

Il est sans doute d'un bien meilleur esprit d'être volontairement grossier, c'est-à-dire facile, que d'être délicat sur des choses si peu importantes. Cette mauvaise délicatesse, si on ne la réprime dans les femmes qui ont de l'esprit, est encore plus dangereuse pour les conversations que pour tout le reste : la plupart des gens leur sont fades et ennuyeux; le moindre défaut de politesse leur paroît un monstre; elles sont toujours moqueuses et dégoûtées. Il faut leur faire entendre de bonne heure qu'il n'est rien de si peu judicieux que de juger superficiellement d'une personne par ses manieres, au lieu d'examiner le fond de son esprit, des ess entiments et de ses qualités utiles. Faites voir, par diverses expériences, combien un provincial d'un air grossier, ou, si vous voulez, ridicule, avec ses compliments importuns, s'il a le cœur bon et l'esprit réglé, est plus estimable qu'un courtisan qui, sous une politesse accomplie, cache un cœur ingrat, injuste, capable de toutes sortes de dissimulations et de bassesses. Ajoutez qu'il y a toujours de la foiblesse dans les esprits qui ont une grande pente à l'ennui et au dégoût. Il n'y a point de gens dont la conversation soit si mauvaise, qu'on ne puisse en tirer quelque chose de bon: quoiqu'on doive en choisir de meilleures quand on est libre de choisir, on a de quoi se consoler quand on y est réduit, puis

qu'on peut les faire parler de ce qu'ils savent, et que les personnes d'esprit peuvent toujours tirer quelque instruction des gens les moins éclairés. Mais revenons aux choses dont il faut instruire une fille.

CHAPITRE XII.

Suite des devoirs des femmes.

Il y a la science de se faire servir, qui n'est pas petite. Il faut choisir des domestiques qui aient de l'honneur et de la religion; il faut connoître les fonctions auxquelles on veut les appliquer, le temps et la peine qu'il faut donner à chaque chose, la maniere de la bien faire, et la dépense qui y est nécessaire. Vous gronderez mal-à-propos un officier, par exemple, si vous voulez qu'il ait dressé un fruit plus promptement qu'il n'est possible, ou si vous ne savez pas àpeu-près le prix et la quantité du sucre et des autres choses qui doivent entrer dans ce que vous lui faites faire ainsi vous êtes en danger d'être la dupe ou le fléau de vos domestiques, si vous n'avez quelque connoissance de leurs métiers.

Il faut encore savoir connoître leurs humeurs, ménager leurs esprits, et policer chrétiennement toute cette petite république, qui est d'ordinaire fort tu

multueuse. Il faut sans doute de l'autorité; car moins les gens sont raisonnables, plus il faut que la crainte les retienne : mais comme ce sont des chrétiens, qui sont vos freres en Jésus-Christ, et que vous devez respecter comme ses membres, vous êtes obligé de ne payer d'autorité que quand la persuasion manque. Tâchez donc de vous faire aimer de vos gens sans aucune basse familiarité: n'entrez pas en conversation avec eux; mais aussi ne craignez pas de leur parler assez souvent avec affection et sans hauteur sur leurs besoins; qu'ils soient assurés de trouver du conseil et de la compassion. Ne les reprenez point aigrement de leurs défauts; n'en paroissez ni surpris ni rebuté, tant que vous espérerez qu'ils ne seront pas incorrigibles; faites-leur entendre doucement raison; et souffrez souvent d'eux pour le service, afin d'être en état de les convaincre de sang-froid que c'est sans chagrin et sans impatience que vous leur parlez, bien moins pour votre service que pour leur intérêt. Il ne sera pas facile d'accoutumer les jeunes personnes de qualité à cette conduite douce et charitable; car l'impatience et l'ardeur de la jeunesse, jointe à la fausse idée qu'on leur donne de leur naissance, leur fait regarder les domestiques à-peu-près comme des chevaux : on se croit d'une autre nature que les valets; on suppose qu'ils sont faits pour la commodité de

leurs maîtres. Tâchez de montrer combien ces maximes sont contraires à la modestie pour soi, et à l'humanité pour son prochain. Faites entendre que les hommes ne sont point faits pour être servis; que c'est une erreur brutale de croire qu'il y ait des hommes nés pour flatter la paresse et l'orgueil des autres ; que le service étant établi contre l'égalité naturelle des hommes, il faut l'adoucir autant qu'on le peut; que les maîtres, qui sont mieux élevés que leurs valets, étant pleins de défauts, il ne faut pas s'attendre que les valets n'en aient point, eux qui ont manqué d'instructions et de bons exemples; qu'enfin, si les valets se gâtent en servant mal, ce que l'on appelle d'ordinaire être bien servi gâte encore plus les maîtres, car cette facilité de se satisfaire en tout et de se livrer à ses desirs ne fait qu'amollir l'ame, que la rendre ardenté et passionnée pour les moindres commodités.

Pour ce gouvernement domestique, rien n'est meilleur que d'y accoutumer les filles de bonne heure. Donnez-leur quelque chose à régler, à condition de vous en rendre compte: cette confiance les charmera, car la jeunesse ressent un plaisir incroyable lorsqu'on commence à se fier à elle et à la faire entrer dans quelque affaire sérieuse. On en voit un bel exemple dans la reine Marguerite. Cette

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