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que naguère on faisait coïncider encore généralement avec les guerres d'Italie, c'est-à-dire avec les règnes de Charles VIII et de Louis XII ou l'extrême fin du xv° siècle, doit certainement être reculée de près de cent années.

L'art italien ne sort des langes de l'archaïsme, de l'imitation hiératique et byzantine, que vers 1430. Beato Angelico, le dernier et le plus sublime des mystiques, a pour successeur immédiat et contemporain Masaccio, le premier de l'école que nous appellerons positive et naturaliste. Voilà la Renaissance qui point avec ses caractères distinctifs. Or la Flandre, à cet époque, possédait les deux Van Dyck, et la France, Jean Fouquet. Il est donc bien démontré maintenant que nons avions des poëtes avant Malherbe et des peintres avant Jean Cousin.

Seulement, si peu à peu l'obscurité se dissipe, si les limites de notre domaine ou patrimoine national, mieux connues, s'étendent à nos yeux, ce n'est encore que le crépuscule; ce n'est pas la lumière du jour, et l'histoire de l'art du moyen âge est encore à faire. L'Italie nous a également précédés dans cette voie. L'art chez elle a eu dès le XVIe siècle, en Vasari, son Plutarque. Les dernières livraisons de l'Histoire des peintres contiennent quelques notices sur les maîtres primitifs italiens, et c'est de ces notices que nous allons nous occuper succinctement.

Ces peintres primitifs, il y a lieu d'en faire la remarque, paraissent, comme on voit, à la fin de l'histoire des peintres. Et en effet le titre de cette histoire dit : depuis la Renaissance or la Renaissance signifiant, pour le gros du public, le xvIe siècle, tout ce qui est antérieur demeurait à la rigueur hors des promesses ou du programme de l'entreprise. Néanmoins, et en dépit d'une certaine logique, une sorte de nécessité inexorable a pesé à cet égard sur la volonté des éditeurs. Plus nous allons, plus l'influence historique se fait sentir pour notre siècle dans tous les modes de développement de son activité, et notamment dans les arts. Hier encore un éloquent critique, M. Beulé, panégyriste cette fois ex officio, louait M. Ingres d'avoir le premier compris et interprêté, ou au moins de s'être assimilé dans ses œuvres, non-seulement Raphaël, cela est notoire autant que vrai, mais les préraphaélistes.

La notion, l'histoire de la période antérieure au Pérugin s'impose donc aujourd'hui à tout historien de la peinture. Mais la critique marche devant l'histoire, comme le pionnier devant le soldat. La critique ne s'improvise pas. Le sens propre de l'art, qui est déjà une aptitude tout à fait sui generis, l'esthétique, le goût, la sagacité, le talent enfin de peindre et de modeler avec la plume, sont des facultés rares et dont la réunion en un seul écrivain est plus rare encore. Notre siècle toutefois en offre plus d'un exemple, et les noms qui brillent sur le titre même de l'histoire des peintres, les noms de Charles Blanc, Paul Mantz, W. Bürger et autres, peuvent nous servir sur ce point de ga

rants ou de spécimens. Mais pour l'histoire des maîtres primitifs, tout cela est en partie de luxe, et néanmoins ne suffit pas. Il faut encore les qualités, et je dirai les vertus, très-distinctes, de l'érudit et de l'archéologue. Il faut déterrer les monuments, les déchiffrer, les comparer, les scruter, et, cela fait, recommencer cette même tâche, avec de nouvelles difficultés, une nouvelle patience et de nouveaux labeurs, sur les textes, qui éclairent les monuments d'une lumière indispensable.

Il résulte de ces prémisses que les notices contenues dans ces fascicules sont naturellement trés-sommaires et d'un profit assez restreint au point de vue spéciale qui est le nôtre. Parmi les maîtres que concernent ces articles, nous citerons les suivants. Ecole italienne : Masaccio, né en 1402, mort en 1428 ou 1429. - Appendice à l'école vénitienne: Luigi, Antonio et Bartholomeo Vivarino, de Venise (1414-1495); Carlo Crivelli, né vers 1425, vivant encore en 1495; Marco Basaiti, né vers 1450, mort vers 1520. Appendice de l'école florentine: Paolo Ucello, né vers 1396, mort vers 1479; Masolino da Panicale, né vers 1403, mort vers 1440; Andrea da Castagno, né vers 1410, mort vers 1480; Benozzo Gozzeli, né vers 1424, mort vers 1485; Pietro della Francesca né vers 1415, mort vers 1494; Alesso Baldovinetti, né en 1422, mort en 1499; Pesellino (Francesco Peselli), né vers 1426, mort en 1457; Antonio del Pallaiolo, né vers 1433, mort en 1498; Cosimo Rosselli, né vers 1439, mort après 1506.

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Les deux notices les plus étendues sont celles de Masaccio et de B. Gozzoli, tous deux successeurs immédiats des comtemporains de Fra Angelico. La première occupe huit pages de la publication, et la seconde, quatre. Encore, pour l'une ainsi que pour l'autre de ces notices, faut-il retrancher le tiers environ de cet espace, dévolu à des blancs de titre et aux gravures. M. P. Mantz, entre autres travaux de ce genre, avait antérieurement consacré à l'ange de Fiesole, dans la Gazette des Beaux-Arts, une étude consciencieuse et remarquable, où il avait mis à profit les travaux récents du P.Marchese, dominicain, et des rares critiques et archéologues en fait d'art qui honorent de nos jours l'érudition italienne. Le même M. P. Mantz s'est chargé ici de la notice relative aux deux continuateurs, si distincts par rapport à leur maître commun, de Fra Angelico di Fiesole. Ces articles, comme on devait s'y attendre n'apprennent rien de nouveau; mais ils résument à peu près ce que l'on sait de ces deux admirables artistes.

Les notices qui forment les deux groupes intitulés appendices aux écoles vénitienne et florentine sont, et à peine, des articles de catalogue. M. P. Mantz a écrit les notices florentines. Les vénitiennes ont eu pour rédacteur M. Charles Blanc. Même dans ces squelettes ou miniatures de biographies, on retrouve certainement les qualités éminentes et bien connues de ces deux écrivains. Mais nous avons dit plus haut la

cause inexorable du desideratum que ces esquisses laissent après elles et qui nous était nécessairement réservé.

Au surplus, bien loin de pallier ici la défectuosité d'une œuvre qui nous inspire d'ailleurs tant de sympathie, nous n'hésitons pas à la proclamer bien haut, non-seulement parce qu'elle a son excuse, mais parce que le mal invoquera peut-être de lui-même le remède.

L'art du moyen âge, aujourd'hui, n'est pas seulement, comme nous venons de le montrer, un convive nécessaire qui vient s'asseoir au banquet de la critique. Il a le droit d'être chez lui, assis au haut bout de la table. Le moment est venu où le public lui-même peut goûter avec intelligence, et avec un concours actif de souscriptions, l'histoire des arts au moyen âge. Déjà l'Histoire des peintres est très-avancée dans son cours. Il conviendrait à la librairie qui a conduit à bonne fin cette première entreprise, d'y faire succéder l'Histoire de la peinture au moyen âge, soit en se restreignant à la France, soit en embrassant le cadre. entier de l'Europe chrétienne.

De nombreux matériaux, des études préparatoires très-précieuses, réunies ou publiées ça et là dans ces dernières années, pourraient, je crois, être coordonnées et complétées avec succès dans ce but nouveau, sous l'impulsion d'une entreprise puissante et d'une direction libérale en même temps qu'éclairée. L'Histoire de la peinture au moyen âge pourrait emprunter à l'Histoire des peintres de bons exemples, comme plan, comme méthode et comme œuvre littéraire. Elle pourrait aussi conserver son format et retrouverait, j'espère, au moins une bonne partie de ses nombreux acquéreurs. Mais elle devrait renoncer à la gravure sur bois. Depuis quinze ans la photographie a réalisé de notables progrès, qui lui ont acquis définitivement son droit de cité. Le procédé Placet et plusieurs autres ont communiqué à cet art la fixité qui lui manquait. La photographie gravée, ou en noir, avec sa fidélité scrupuleuse et indispensable, devrait donc se substituer ici à la xylographie. Reste la couleur, cause naturelle d'un surcroît de dépense, mais aussi source naturelle d'un complément d'intérêt tout à fait opportun et du plus haut prix. Pour ce besoin, la chromolithographie serait à nos yeux un minimum, ou, si je puis ainsi parler, un pis-aller, trèsacceptable.

D'ailleurs, la photographie elle-même ou les arts qui s'y rattachent n'ont pas dit évidemment là-dessus leur dernier mot. Loin de là, tout contribue à rendre très-vraisemblable l'avénement prochain de la véritable chromophotographie. Le cuivre, d'autre part, pourrait remplacer avantageusement la pierre pour l'impression en couleurs; comme le prouvent les œuvres des Le Blon, Dagoty, etc., continuées de notre temps par Debucourt, et plus récemment encore par de jeunes et assez nombreux représentants du burin français. Le problème, au point de vue pratique, est donc tout à fait soluble. Dans de pareilles conditions,

une telle entreprise nous paraît appelée à réussir, et nous nous plaisons à le prédire ici.

A. VALLET (DE VIRIVILLE).

BELLES-LETTRES

Dictionnaire étymologique des noms propres d'hommes, contenant la qualité, l'origine et la signification des noms propres se rattachant à l'histoire, à la mythologie, des noms de baptême, etc., par PAUL HECQUET BOUCRAND. Paris, Victor Sarlit, 1867. In-8 de XVI-238 pages.

Quelque encouragement que mérite le zèle de l'auteur de ce livre, nous ne pouvons recommander un pareil ouvrage. 11 pèche contre les lois les plus élémentaires de la science qu'il prétend enseigner. M. Hecquet Boucrand se doute un peu des critiques auxquelles il s'expose: « Ce livre, dit-il, est loin du degré de perfection où nous espérons le porter un jour. » Quand il aura, sous la direction d'un maître compétent, passé quelques années à étudier les matières qu'il a traitées, il n'aura pas de peine à faire mieux et à corriger les innombrables erreurs dont son Dictionnaire fourmille.

En attendant, voici quelques exemples qui justifieront la sévérité de notre appréciation.

« ADOLPHE. Du nom de Ataulphe, roi des Goths, fait du gothique atta, père, et du teutonique hülf aide, secours; celt. ulphe, secours (p. 6). » Si M. Hecquet avait étudié les langues germaniques, il n'opposerait pas ici au teutonique le gothique, qui en est un dialecte le verbe gothique hilpan, secourir, est tout aussi teutonique que le verbe haut allemand moderne helfen, autrefois helfan, qui a le même sens, et que le substantif correspondant en haut allemand moderne hülf. M. Hecquet, pour exposer clairement sa pensée, aurait dû dire que Ataulphe, nom d'un roi goth, était composé du gothique atta, et du haut allemand hülf. Mais il suffit d'exprimer ainsi cette doctrine pour montrer qu'elle est inadmissible. Les Goths tiraient de leur langue les noms de leurs rois, on ne pourrait comprendre qu'ils eussent composé un nom propre moitié avec un mot de cette langue, et moitié avec un mot d'un autre dialecte. (Sur l'étymologie de ce nom propre, voir Grimm, Deutsche Grammatik, t. II, p. 330.)

«ANSER. Du latin anser, oie, venu de l'allemand gans, ganse, venu lui-même du sanscrit hansa, oie (p. 17). » Deux erreurs : le latin n'est pas venu de l'allemand, ni l'allemand du sanscrit. Les différentes formes revêtues, dans les langues indo-germaniques, par le mot dont il s'agit, conduisent à supposer un primitif ghansa-s d'où se sont formés : le sanscrit par fléchissement de la gutturale aspirée en h, l'allemand par substitution de la moyenne à l'aspirée, le latin par aphèrèse de l'aspirée.

« ARTHUR. Du teutonique hard, hard, hardi, courageux, ter homme hardi, défenseur courageux, etc. (p. 23). » M. Hecquet ignore done qu'Arthur est un héros celtique? C'est évidemment dans les débris du gaulois qui nous restent et dans les dialectes néoceltiques qu'il faut chercher l'étymologie du nom de ce personnage si célèbre dans les traditions légendaires du pays de Galles. Zeuss paraît y voir un dérivé d'art, pierre (Grammatica Celtica, p. 78, 174, 796). On doit le décomposer ainsi : Arth-ur; ur est un suffixe, qui primitivement se prononçait úrio, opto, dont on trouve un exemple dans la géographie romaine de la grande Bretagne, is-urius, et dans un nom mun gaulois cité par un auteur latin du 11 siècle, vect-urius (Zeuss, p. 180, 742).

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« CÆCUS, aveugle; cæcare, aveugler, formé probablement du grec kaid, brûler, parce que la fumée aveugle (p. 41). » De pareilles étymologies nous reportent au temps où la linguistique n'était pas encore

créée.

« CRÉSUS, dernier roi de Lydie, vaincu par Cyrus; il passait pour le plus riche de son temps. Du latin Cræsus (p. 53). » Un roi de Lydie du temps de Cyrus qui emprunte son nom à la langue latine? Voilà certes un fait bon à noter. Mais Cræsus est un nom étranger à la langue latine.

« DAGOBERT, roi de France. Du teutonique degen ou thegen, soldat, bert, illustre (p. 57). » Teutonique pour M. Hecquet veut dire haut allemand moderne. Mais en haut allemand moderne, degen veut dire épée et non soldat; on aurait ici pu faire à Grimm au moins l'honneur de mentionner l'étymologie qu'il donne (Deuntsche Grammatik, t. II, p. 451, 551).

« JACQUES. Ce nom est le même que Jacob, avec cette différence que le nom de Jacob est appliqué aux hommes de l'Ancien Testament et aux Juifs, et que celui de Jacques est appliqué aux hommes du Nouveau Testament (p. 97). » Pourquoi cette différence? Ce serait le cas de le dire. Le silence de M. Hecquet prouve qu'il ignore une des lois fondamentales qui ont présidé à la formation de la langue française: la loi de l'accent. L'accent persiste, en français, sur la syllabe accentuée en latin. Dans le latin de la Vulgate, le nom dont il s'agit se présente toujours sous la forme Jacob pour les personnages de l'Ancien Testament, et alors, par conséquent, il est accentué sur la dernière syllabe. Quand il s'agit d'un personnage du Nouveau Testament, on lit au contraire Jacobus avec l'accent à la même place qu'en grec, c'est-à-dire sur l'antépénultième (l'italien Giacomo se prononce encore avec l'accent sur l'antépénultième); or la pénultième non accentuée disparaît toujours en Français (Brachet, Grammaire historique de la langue française (p. 121) voilà pourquoi on a traduit Jacobus par Jacques, tandis que Jacob est resté sans changement.

M. Hecquet s'occupe (p. 188-189) du sanscrit rag'an, roi, et de ses

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