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des éclaircissements et des observations dans lesquels l'éditeur présente parfois et sobrement des aperçus nouveaux. Il va sans dire qu'une table générale, qui ne m'a paru laisser que très-peu de prise à la critique, permet de se servir utilement du volume quand on n'a que des recherches à y faire. Le texte lui-même a été revu scrupuleusement sur les manuscrits, et, à défaut de ceux-ci, sur les éditions antérieures, soigneusement comparées.

Les Euvres de Suger ainsi complétées sont une source précieuse de documents pour l'histoire de la première moitié du XIIe siècle. On ne doit pas oublier que ce moine, né, probablement en Flandre, d'une famille obscure, gouverna la France pendant que le roi Louis VII prenait part à la deuxième croisade. Ses écrits révèlent un homme très-instruit, mais son style ne répondait pas à l'ensemble de ses connaissances: il agissait mieux qu'il n'écrivait. Ce fut un grand ministre et un saint homme. La vie de Suger est une preuve éloquente qu'en plein douzième siècle, les rois de France pouvaient trouver dans les cloîtres, et dans les rangs des roturiers, des ministres de grande intelligence, qui n'avaient aucun des défauts des parvenus, et cherchaient à bien servir leur souverain plutôt qu'à amasser des richesses.

ANATOLE DE BARTHÉLEMY.

Correspondance de Madame Elisabeth de France, sœur de Louis XVI, publiée par M. FEUILLET DE CONCHES, sur les originaux autographes, et précédée d'une lettre de Mgr l'archevêque de Paris. Paris, H. Plon, 1868. In-8 cav. de xxiv-468 p. av. portr. - Prix : 8 fr.

M. Feuillet de Conches avait déjà fait une large place à la correspondance de Madame Elisabeth dans son recueil Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Élisabeth. Aujourd'hui il reprend dans ce recueil, dont la publication est interrompue depuis près de deux ans, toutes les lettres de l'héroïque princesse qui, après avoir, pendant les années prospères, refusé tous les partis qu'on lui proposait pour rester près de son frère, ne voulut jamais l'abandonner dans le malheur, et mourut après lui sur l'échafaud, victime de son dévouement.

Il n'est plus besoin d'insister sur le charme de ces lettres, sur la vigueur de caractère, la vivacité d'esprit, la piété fervente et éclairée, la sensibilité et la délicatesse qu'elles révèlent. Un peu oubliées depuis la publication, malheureusement incomplète et tronquée, qu'en avait faite le comte Ferrand en 1814, elles avaient reparu dans l'édition nouvelle de l'Éloge de Madame Elisabeth qu'avaient donnée en 1861 les filles de l'estimable auteur, avec le concours de M. le duc

de Clermont-Tonnerre. Malgré la révision à laquelle on s'était livré, et l'addition de quelques lettres inédites, il y avait encore beaucoup à faire, relativement à la correction du texte et aux compléments à donner à la correspondance. Aux lettres à Mme de Raigecourt, publiées, pour la plupart, par le comte Ferrand, M. Feuillet de Conches a ajouté dans son recueil un certain nombre de lettres à Mme de Bombelles, que lui a communiquées M. de Castéja. Il avait d'ailleurs pu revoir sur les autographes que, dès 1847, M. le marquis de Raigecourt lui avait confiés, toute la partie éditée par M. Ferrand. En outre, M. Feuillet a obtenu communication, de M. le vicomte de Causans, des lettres à Marie de Causans, ce qui lui a permis de vérifier les textes et d'ajouter quelques passages inédits; enfin il publie ici, avec les lettres à l'abbé de Lubersac, malheureusement perdues, et reproduites d'après M. Ferrand, trois lettres à la marquise de Soran et à Mme de Travanet, et les billets de Madame Elisabeth à Turgy pendant la captivité du Temple. Est-ce bien là le recueil complet des lettres de Madame Elisabeth? Nous nous plaisons à espérer que l'avenir nous ménage des découvertes nouvelles; l'éminent auteur de Louis XVII, qui va publier prochainement un livre sur Madame Elisabeth, aura sans doute dans son écrin quelques riches joyaux à nous offrir. Plus d'une famille conserve dans ses archives d'une façon peut-être trop jalouse et trop égoïste — des trésors qui devront tôt ou tard être livrés au public; des recherches persévérantes ou un heureux hasard permettront de combler les lacunes qui existent encore dans les correspondances publiées. Quoi qu'il en soit, M. Feuillet de Conches a rendu un noble hommage à la mémoire de Madame Elisabeth par la publication de ce volume, qui est précédé d'une préface, où Mgr l'archevêque de Paris apprécie avec justesse et élévation de caractère de la princesse. Sa piété douce et solide, écrit-il, sa résignation pleine de courage, sa ferme confiance en Dieu, méritent d'être proposées en exemples dans des temps comme les nôtres, où la plupart des gens de bien, moins résolus qu'honnêtes et moins puissants que résolus, ne font peut-être pas, il est vrai, tout ce qu'ils peuvent, mais ne peuvent pas toujours non plus tout ce qu'ils veulent. "

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Dans une courte introduction, M. Feuillet fait connaître les personnes avec lesquelles fut échangée la correspondance, et entre dans quelques détails sur l'origine des lettres qu'il publie. On pourrait reprocher à l'habile collectionneur certaines incorrections regrettables, l'omission des indications de provenance au bas de chacune des lettres, et quelques inexactitudes. La publication de M. Feuillet ne nous fait désirer qu'avec plus d'impatience le livre complet et définitif que nous promet depuis de longues années M. de Beauchesne. DE BEAUCOURT.

G.

Histoire de la Restauration, par M. ALFRED NETTEMENT. T. VI. Règne de Louis XVIII. Ministère de M. de Villèle: 1re phase, décembre 1821septembre 1824. Paris, Jacques Lecoffre, 1868. In-8 de 796 pages. Prix : 8 fr.

Le nouveau volume que vient de publier M. Nettement est digne de ses aînés. Il embrasse toute cette période d'événements qui commence à l'avénement du ministère de M. de Villèle, traverse le congrès de Vérone et la guerre d'Espagne, et s'arrête à la mort de Louis XVIII. C'est assez dire déjà quel profond intérêt s'attache au récit de l'éminent historien: on a là, sous les yeux, le plus beau moment de la Restauration, celui où, fortifiée au dehors par les succès d'une armée nationale et fidèle, confirmée au dedans par les imposantes manifestations d'une opinion libre, elle semble définitivement assise dans les institutions comme dans les esprits! A cette importance d'un sujet que M. Nettement a traité avec son talent accoutumé, s'ajoute la lumière des précieux documents que l'écrivain a eus entre les mains ; il nous suffira de citer, avec l'Écrit sur le congrès de Verone, de M. de Montmorency, écrit absolument inédit et inconnu, le journal et les notes intimes de M. de Villèle.

Ce sixième volume est naturellement tout rempli de l'illustre personnage que nous venons de nommer. M. Nettement nous avait précédemment fait voir dans M. de Villèle le chef de l'opposition monarchique, le conducteur et le modérateur de son parti; il nous le montre maintenant devenu, par le jeu régulier du gouvernement parlementaire, président du conseil des ministres, chargé de la lourde responsabilité du pouvoir. Nous n'avons pas besoin de dire qu'à chaque instant la sagesse de l'administrateur éclate dans les traits les plus vifs; il met dans les moindres opérations de finance, comme dans les combinaisons les plus hautes de la trésorerie, une simplicité, une clarté, une publicité, qui sont vraiment l'honnêteté d'un État. M. Nettement donne, à cet égard, des détails qu'on lira dans son livre, et qui corroborent les récents témoignages de M. Duvergier de Hauranne, de M. Calmon, et de M. de Viel-Castel.

Mais ce qui, dans l'ouvrage de M. Nettement, excitera davantage la surprise, ce qui piquera le plus vivement la curiosité, ce sont les renseignements fournis sur le caractère de l'homme lui-même. Grâce aux nombreux extraits du carnet de M. de Villèle, on peut étudier à la source sa pensée, on surprend dans le secret la chaleur d'âme, la passion bouillonnante de ce financier que la menteuse histoire nous représente déjà si impassible et si froid. On trouve ici la preuve que M. de Villèle n'était pas un vulgaire artisan de mots, un simple

ministre de la parole, l'avocat d'office de la première thèse venue; il était fortement convaincu.

Nous avons lu avec la plus grande attention les chapitres relatifs à la guerre d'Espagne ; il nous est impossible d'admettre, avec M. Nettement, que M. de Villèle ait voulu cette guerre. Très-frappé de tous les dangers qu'elle présentait, assez indifférent aux considérations supérieures qui faisaient de son entreprise et de sa réussite la condition de la résurrection militaire de la monarchie en France et de la France en Europe, il ɓt tout pour la détourner; lorsque les événements la lui eurent imposée, il la subit, tout en l'acceptant sans arrière-pensée, et tout en la soutenant avec une grande habileté financière. A nos yeux, la correspondance de M. de Villèle ne peut laisser aucun doute sur ce point. Dans les démêlés si regrettables qui séparèrent M. de Villèle et M. de Chateaubriand, M. Nettement prend parti pour le président du conseil contre le ministre des affaires étrangères. A cette opinion nous n'avons rien à objecter; seulement, l'équitable historien ne dépasse-t-il pas sa propre pensée lorsqu'il écrit (page 709): « Il (M. de Villèle) crut que si celui-ci (M. de Chateaubriand) restait dans ce ministère, ce serait pour continuer à conspirer son renversement? » L'accusation est grave, elle entacherait singulièrement la mémoire sur laquelle elle pèserait ! Nous avons lu également avec étonnement, à propos du même épisode, ce passage (page 712): « M. de Chateaubriand..., après s'être vu refuser l'ambassade de Rome, devenait un ennemi mortel du ministère. Si nous prenions à la lettre l'assertion de M. Nettement, ce serait au lendemain de son renvoi du ministère que M. de Chateaubriand aurait essuyé le refus, cause d'un ressentiment si amer. En soi, le fait paraît étrange; et il y a là des invraisemblances qui, pour tomber, auraient besoin de quelque document précis; nous avons eu beau chercher, nous n'en avons trouvé aucun.

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Ces courtes réserves n'enlèvent rien à notre estime pour le beau travail de M. Nettement, elles feront mieux ressortir la sincérité de nos éloges.

O. LAMBEC.

Le Temple de Jérusalem, monographie du Harum ech-Cherif, suivie d'un Essai sur la topographie de la Ville Sainte, par le comte Melchior DE VOGUE, membre de la société ímpériale des Antiquaires de France, correspondant de l'Institut archéologique de Rome. In-folio, de vir et 142 pag. avec gravures sur bois, accompagné de 40 planches, dont 15 en couleur. Paris, Noblet et Baudry, 1864-67. — Prix : 100 francs.

M. le comte Melchior de Vogüé, qui avait déjà publié, il y a quelques années, un très-remarquable ouvrage intitulé les Églises de la Terre

Sainte, dont l'Académie des inscriptions et belles-lettes a consacré le mérite en le couronnant, a fait paraître par livraisons, depuis 1864, sous le titre de Temple de Jérusalem, une nouvelle et magnifique publication, actuellement terminée, qui lui a ouvert les portes de l'Institut, en remplacement de l'illustre et si regrettable duc de Luynes.

Cette savante étude, accompagnée de planches exécutées avec autant de luxe que de soin, est une monographie complète du mont Moriah, depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'époque actuelle. L'auteur nous décrit d'abord l'enceinte du Haram ech-Cherif, qui représente le péribole de l'ancien temple. On sait, en effet, que si le temple proprement dit a été renversé de fond en comble, l'enceinte qui l'entourait extérieurement est encore debout avec ses portes et ses soubassements gigantesques. Restaurée à différentes époques, elle offre aux regards de l'archéologue plusieurs genres d'appareils faciles à reconnaître, mais dont il est moins aisé d'assigner l'âge véritable. Ainsi, les parties que M. de Sauley attribue à Salomon ou aux rois de Juda qui l'ont immédiatement suivi, M. de Vogüé les fait dater seulement d'Hérode; ce que le premier croit être d'Hérode, le second le regarde comme l'ouvrage de Justinien. La divergence d'opinion, comme on le voit, est trèsgrande entre ces deux éminents archéologues, qui, du reste, se combattent l'un l'autre avec des armes très-courtoises et très-loyales et avec un égal amour de la vérité. Renfermé dans les bornes étroites d'une simple notice, il m'est impossible de discuter ici ces deux systèmes opposés. J'essayerai de le faire ailleurs avec tous les développements que comporte un pareil sujet, en tenant compte des fouilles que les Anglais pratiquent en ce moment autour du Haram ech-Cherif, et qui jetteront nécessairement une lumière nouvelle sur cette question si controversée.

M. de Vogüé nous décrit ensuite, à l'aide de la Bible, de Josèphe et du Talmud, toutes les magnificences du fameux temple de Salomon, qui devait occuper la partie culminante du Moriah. Contrairement à la tradition généralement adoptée, il n'accorde qu'un rôle fort secondaire, dans la restauration qu'il essaye de ce monument, à la célèbre roche Sakhrah considérée communément comme étant l'aire d'Aravnah sur laquelle aurait été bâti l'autel des holocaustes, ou qui même aurait été renfermée dans le Saint des saints. Ici encore, comme pour le problème précédent, je réserve mon appréciation, ne pouvant la développer convenablement, et je me contente d'admirer en passant l'habileté avec laquelle l'auteur a exposé son opinion.

Détruit par Nabuchodonosor, puis rebâti au retour de la captivité, le temple de Jérusalem est plus tard agrandi par Hérode, qui s'efforce de surpasser l'œuvre de Salomon. M. de Vogüé nous initie à tous les détails de ce splendide édifice et de ses dépendances. Ce temple, renversé

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