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définition du concile. » Telle est l'idée mère du livre, et peut-être son défaut fondamental. Car enfin, quelque sacrée que soit la définition conciliaire, et quelque rapport évident qu'elle soutienne avec la théorie générale de la matière et de la forme, et par là même, avec toute la métaphysique du moyen âge, il est peu scientifique et même peu théologique d'en étendre à ce point la portée. Il y a donc, malgré les précautions prises par le savant écrivain pour ne pas donner une valeur dogmatique à ses explications et à ses déductions, quelque chose d'un peu forcé dans le titre et dans l'enchaînement de ses chapitres successifs Le Concile de Vienne et les Natures corporelles en général; Le Concile de Vienne et les Natures inorganiques; Le Concile de Vienne et l'Ame dans les natures organiques; Le Concile de Vienne et l'Ame des bêtes, et le reste, y compris les théories de la connaissance, des accidents, de la certitude, et même les questions de logique. A part cet inconvénient, qui m'a paru bon à signaler, ne fût-ce que pour engager l'auteur à y réfléchir avant de réaliser son projet d'une philosophie latine ad mentem Concilii Viennensis, son livre montre mieux qu'un autre la liaison étroite et la solidarité très réelle des diverses parties du péripatétisme traditionnel. Il y a, d'ailleurs, plaisir et profit à entendre plaider une cause par un avocat auquel on ne peut reprocher que la vivacité de ses convictions. L'ancien directeur de grand séminaire, qui plaide ici pour la scolastique, est bien cet avocat; et si sa foi robuste lui dérobe peut-être plus d'une difficulté, elle lui fournit en revanche un surcroît de vigueur et de lumière dans le rapide exposé des arguments traditionnels.

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16. Les Principes de philosophie morale, de M. Jules Thomas, professeur au lycée d'Annecy, sont appropriés aux programmes de la sixième année de l'enseignement secondaire spécial et à ceux de l'enseignement secondaire des jeunes filles. Ils complètent et confirment le Cours de morale pratique du même auteur, et seront prochainement complétés eux-mêmes par des Principes de philosophie scientifique, conçus dans le même esprit et ordonnés d'après la même méthode. Sur cette méthode il n'y a rien à remarquer, sinon que la bonne distribution des matières, le souci de la forme, à la fois simple et grave, le choix des éclaircissements placés à la fin de chaque chapitre et empruntés à des sources très variées, ne suffisent pas à rendre vraiment claire à de jeunes esprits une doctrine fort abstruse et fort éloignée du sens commun. M. Thomas avoue être le premier à professer cette philosophie, qui est celle de M. Renouvier ou le néo-kantisme, dans un livre destiné à l'enseignement secondaire. Mais, ajoute-t-il, « une expérience de dix années nous garantit qu'elle se laisse parfaitement recevoir des jeunes gens et même des jeunes filles à qui nous l'avons expliquée. » Cela prouve peut-être en faveur de la docilité du premier

âge ou des ressources persuasives du savant professeur, mais ne conclut rien pour la solidité de la doctrine, qui est du reste trop contraire aux qualités et aux défauts de l'esprit français pour avoir chance de se répandre dans notre pays. Mais elle peut détraquer et désemparer beaucoup de jeunes âmes au moment décisif de leur formation intellectuelle et morale. On me dispensera de justifier ce jugement sévère; il suffit d'avoir indiqué le maître dont se réclame M. Thomas pour édifier sur ses vues générales ceux qui sont au courant des doctrines philosophiques contemporaines. Ils savent que Kant, et, après lui, ses disciples français, parlent avec un sentiment moral très élevé de tout ce qui touche aux graves questions de liberté, de responsabilité, de bonheur et de devoir et ce sont précisément les questions le plus largement développées dans ce volume; - mais ils doivent savoir aussi la nullité scientifique et le danger pratique de la morale indépendante. Il y a d'ailleurs dans ce livre plus que de la neutralité religieuse, il y a une véritable opposition au christianisme. En rejetant expressément le Dieu de la métaphysique, pour proclamer, par le plus naïf anthropomorphisme, le Dieu moral <« qui limite sa science et ses prévisions pour assurer notre liberté, » en ajoutant que ce Dieu se donne librement ses perfections, l'auteur n'ignore pas sans doute qu'il va contre le dogme chrétien; mais en outre bien des traits montrent, çà et là, son hostilité contre l'Église. V. Hugo et Renan prononcent, dans ses Éclaircissements, sur les mystères de l'au-delà et sur l'essence de la religion de Jésus. Et, dans son texte, lui-même, à l'occasion, qualifiera l'Église « un gouvernement des âmes... immoralement organisé » (p. 253). Ayant blâmė V. Cousin de n'avoir pas rompu ouvertement avec ce gouvernement des âmes, il n'a pas voulu mériter le même reproche. Aussi Mgr l'évêque d'Annecy n'a-t-il fait évidemment que remplir le devoir de sa charge en condamnant ce livre classique. Reste à savoir si M. Thomas n'a pas dépassé les droits de la sienne en professant dans des établissements << neutres » des doctrines qui sont loin de l'être.

17. — C'est à la lumière des principes catholiques que le P. de Pascal aborde les questions les plus délicates et les plus irritantes de notre temps, dans son petit livre : le Pouvoir social et l'Ordre économique. Il tâche d'y établir les vrais rapports du pouvoir politique : 1o avec l'organisation du travail (ch. III); 2o et 3o avec la distribution des moyens et des produits du travail (IV, V); 4o avec l'échange international (VI); 5o avec les charges sociales, impôt et assistance (VII). « Certains, dit-il lui-même dès le début, même parmi nos amis, nous trouveront peutêtre trop hardi. » C'est faire entendre d'avance qu'il est aussi favorable que possible, sur le premier chef, au régime corporatif à l'encontre de la concurrence illimitée; sur le second point, à la consolidation de la MAI 1890. T. LVIII. 26.

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définition du concile. » Telle est l'idée mère du livre, et peut-être son défaut fondamental. Car enfin, quelque sacrée que soit la définition conciliaire, et quelque rapport évident qu'elle soutienne avec la théorie générale de la matière et de la forme, et par là même, avec toute la métaphysique du moyen âge, il est peu scientifique et même peu théologique d'en étendre à ce point la portée. Il y a donc, malgré les précautions prises par le savant écrivain pour ne pas donner une valeur dogmatique à ses explications et à ses déductions, quelque chose d'un peu forcé dans le titre et dans l'enchaînement de ses chapitres successifs Le Concile de Vienne et les Natures corporelles en général; Le Concile de Vienne et les Natures inorganiques; - Le Concile de Vienne et l'Ame dans les natures organiques; Le Concile de Vienne et l'Ame des bêtes, et le reste, y compris les théories de la connaissance, des accidents, de la certitude, et même les questions de logique. — A part cet inconvénient, qui m'a paru bon à signaler, ne fût-ce que pour engager l'auteur à y réfléchir avant de réaliser son projet d'une philosophie latine ad mentem Concilii Viennensis, son livre montre mieux qu'un autre la liaison étroite et la solidarité très réelle des diverses parties du péripatétisme traditionnel. Il y a, d'ailleurs, plaisir et profit à entendre plaider une cause par un avocat auquel on ne peut reprocher que la vivacité de ses convictions. L'ancien directeur de grand séminaire, qui plaide ici pour la scolastique, est bien cet avocat; et si sa foi robuste lui dérobe peut-être plus d'une difficulté, elle lui fournit en revanche un surcroît de vigueur et de lumière dans le rapide exposé des arguments traditionnels.

16. Les Principes de philosophie morale, de M. Jules Thomas, professeur au lycée d'Annecy, sont appropriés aux programmes de la sixième année de l'enseignement secondaire spécial et à ceux de l'enseignement secondaire des jeunes filles. Ils complètent et confirment le Cours de morale pratique du même auteur, et seront prochainement complétés eux-mêmes par des Principes de philosophie scientifique, conçus dans le même esprit et ordonnés d'après la même méthode. Sur cette méthode il n'y a rien à remarquer, sinon que la bonne distribution des matières, le souci de la forme, à la fois simple et grave, le choix des éclaircissements placés à la fin de chaque chapitre et empruntés à des sources très variées, ne suffisent pas à rendre vraiment claire à de jeunes esprits une doctrine fort abstruse et fort éloignée du sens commun. M. Thomas avoue être le premier à professer cette philosophie, qui est celle de M. Renouvier ou le néo-kantisme, dans un livre destiné à l'enseignement secondaire. Mais, ajoute-t-il, « une expérience de dix années nous garantit qu'elle se laisse parfaitement recevoir des jeunes gens et même des jeunes filles à qui nous l'avons expliquée. » Cela prouve peut-être en faveur de la docilité du premier

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âge ou des ressources persuasives du savant professeur, mais ne conclut rien pour la solidité de la doctrine, qui est du reste trop contraire aux qualités et aux défauts de l'esprit français pour avoir chance de se répandre dans notre pays. Mais elle peut détraquer et désemparer beaucoup de jeunes âmes au moment décisif de leur formation intellectuelle et morale. On me dispensera de justifier ce jugement sévère; il suffit d'avoir indiqué le maître dont se réclame M. Thomas pour édifier sur ses vues générales ceux qui sont au courant des doctrines philosophiques contemporaines. Ils savent que Kant, et, après lui, ses disciples français, parlent avec un sentiment moral très élevé de tout ce qui touche aux graves questions de liberté, de responsabilité, de bonheur et de devoir et ce sont précisément les questions le plus largement développées dans ce volume; mais ils doivent savoir aussi la nullité scientifique et le danger pratique de la morale indépendante. Il y a d'ailleurs dans ce livre plus que de la neutralité religieuse, il y a une véritable opposition au christianisme. En rejetant expressément le Dieu de la métaphysique, pour proclamer, par le plus naïf anthropomorphisme, le Dieu moral « qui limite sa science et ses prévisions pour assurer notre liberté, » en ajoutant que ce Dieu se donne librement ses perfections, l'auteur n'ignore pas sans doute qu'il va contre le dogme chrétien; mais en outre bien des traits montrent, çà et là, son hostilité contre l'Église. V. Hugo et Renan prononcent, dans ses Éclaircissements, sur les mystères de l'au-delà et sur l'essence de la religion de Jésus. Et, dans son texte, lui-même, à l'occasion, qualifiera l'Église « un gouvernement des âmes... immoralement organisé » (p. 253). Ayant blâmė V. Cousin de n'avoir pas rompu ouvertement avec ce gouvernement des âmes, il n'a pas voulu mériter le même reproche. Aussi Mgr l'évêque d'Annecy n'a-t-il fait évidemment que remplir le devoir de sa charge en condamnant ce livre classique. Reste à savoir si M. Thomas n'a pas dépassé les droits de la sienne en professant dans des établissements « neutres » des doctrines qui sont loin de l'être.

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17. — C'est à la lumière des principes catholiques que le P. de Pascal aborde les questions les plus délicates et les plus irritantes de notre temps, dans son petit livre le Pouvoir social et l'Ordre économique. Il tâche d'y établir les vrais rapports du pouvoir politique: 1o avec l'organisation du travail (ch. III); 2o et 3o avec la distribution des moyens et des produits du travail (IV, V); 4o avec l'échange international (VI); 5o avec les charges sociales, impôt et assistance (VII). « Certains, dit-il lui-même dès le début, mème parmi nos amis, nous trouveront peutêtre trop hardi. » C'est faire entendre d'avance qu'il est aussi favorable que possible, sur le premier chef, au régime corporatif à l'encontre de la concurrence illimitée; sur le second point, à la consolidation de la ΜΑΙ 1890. T. LVIII. 26.

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16. Les Principes de philosophie morale, de M. Jules Thomas, professeur au lycée d'Annecy, sont appropriés aux programmes de la sixième année de l'enseignement secondaire spécial et à ceux de l'enseignement secondaire des jeunes filles. Ils complètent et confirment le Cours de morale pratique du même auteur, et seront prochainement complétés eux-mêmes par des Principes de philosophie scientifique, conçus dans le même esprit et ordonnés d'après la même méthode. Sur cette méthode il n'y a rien à remarquer, sinon que la bonne distribution des matières, le souci de la forme, à la fois simple et grave, le choix des éclaircissements placés à la fin de chaque chapitre et empruntés à des sources très variées, ne suffisent pas à rendre vraiment claire à de jeunes esprits une doctrine fort abstruse et fort éloignée du sens commun. M. Thomas avoue être le premier à professer cette philosophie, qui est celle de M. Renouvier ou le néo-kantisme, dans un livre destiné à l'enseignement secondaire. Mais, ajoute-t-il, « une expérience de dix années nous garantit qu'elle se laisse parfaitement recevoir des jeunes gens et même des jeunes filles à qui nous l'avons expliquée. » Cela prouve peut-être en faveur de la docilité du premier

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