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10. Les théories scientifiques qui ont si profondément compromis, dans beaucoup d'esprits, les croyances spiritualistes, sont surtout celles du transformisme et de l'évolution universelle. Il est vrai qu'elles ne dépassent pas la portée d'une hypothèse et que d'ailleurs, restreintes, comme elles doivent l'être par leur nature même, à l'ordre physiologique, elles n'atteignent en aucune façon la région des principes et des causes. Mais voici un philosophe qui accepte pleinement ces théories, qui même les regarde, sans bien dire pourquoi, comme définitivement acquises à la science, et qui a pourtant la ferme confiance de sauver la liberté et la responsabilité humaines. C'est M. Putsage, dans ses Études de science réelle, où la vue assez nette de l'unité et de la liberté du moi s'allie à un étrange aveuglement métaphysique sur la question de la cause première. Tout en parlant avec estime de quelques grands penseurs croyants et en particulier du pape Léon XIII, l'auteur fait table rase de tout théisme et de toute religion positive. Pour lui, science, philosophie et religion, c'est tout un, et l'avènement de la science réelle c'est son expression doit marquer la dernière étape de la civilisation, après les abus de la période théocratique et ceux du règne du parlementarisme, signalé par la prédominance du matérialisme égoïste. La science réelle repousse donc les doctrines matérialistes et déterministes; elle démontre l'unité, la liberté, la responsabilité du moi. L'être humain est constitué : 1o par une unité divisible et partant seulement apparente, le corps, et 2o par une unité réelle, qui est le sentiment de l'existence. Cette dernière unité est éternelle, par là même qu'elle est unité; elle est libre, par le fait de sa coexistence et de son opposition avec les forces et les instincts corporels; elle est dès lors responsable et trouve la sanction de sa loi dans des existences ultérieures, qui constituent une vraie métempsychose. M. Putsage a bien à la fois la rigueur dogmatique et l'infirmité métaphysique trop ordinaires aux esprits rompus aux seules études scientifiques et qui en portent les habitudes dans les sciences morales.

11. Encore un savant établi sur le terrain de la métaphysique et qui s'y distingue par une étonnante puissance d'affirmation et de négation. M. Am. Simonin nous est déjà connu par un Traité de psychologie, qui renferme tout l'essentiel de sa doctrine. Dans sa Synthèse scientifique et philosophique, qui a l'inconvénient de n'être pas une vraie synthèse, l'auteur l'avoue dès la première page, il y a deux choses en deux livres très inégaux : 1o des idées, presque toutes purement négatives, sur la classification des sciences. Il est curieux je ne veux pas dire un autre mot de voir avec quelle aisance M. Simonin y traite du haut en bas tous les classificateurs, jusqu'à Spencer et M. Adr. Naville, son compatriote, inclusivement; 2o des notions cosmogéniques

un troisième, né du principe dérisoire de la conciliation. L'auteur conclut en présentant au monde ce monisme, qui lui paraît porter dans ses flancs l'avenir de la métaphysique. Ce n'est jusqu'ici qu'un nuage à peu près impénétrable. Mais bientôt va se produire la Psychologie (pourquoi pas l'ontologie?) des idées-forces, qui devra nous aider à le percer.

9. Attendons-la pourtant sans impatience, de peur qu'elle ne réserve à notre curiosité la même déconvenue que la seconde édition des Essais de philosophie platonicienne, qui forment le quatrième volume de la Philosophie de Platon. J'avais trop dit qu'il serait curieux, vu l'évolution philosophique accomplie par M. Fouillée depuis la première apparition de ce livre (1869), de noter les changements qu'il ferait subir à son platonisme. Il a pris le parti, qui était bien le plus sage et que j'aurais dû prévoir, de n'y changer à peu près rien du tout. Assurément il ne professe plus aujourd'hui, de bien s'en faut, les mêmes doctrines qu'alors sur la raison, le raisonnement, la conscience, la sensation, l'amour, objets des cinq chapitres du livre I; encore moins sur les preuves de l'existence de Dieu, sur ses attributs, sur la création, sur la Providence, étudiés dans le second livre. Mais, précisément parce qu'il en est fort éloigné, il ne pouvait songer à refaire cette sorte de déclaration de principes et d'aspirations philosophiques. Devait-il donc vouer à l'oubli ces témoins d'une ardente et forte jeunesse ? Qui aurait eu le triste courage de le lui conseiller? Il a mieux fait il nous les rend dans leur forme authentique, avec cette facile excuse: « Nous avons cru devoir laisser ici ces essais, à cause de la faveur avec laquelle ils furent jadis accueillis et des éléments de vérité ou de possibilité (?) qu'ils peuvent encore contenir... Quoique notre pensée, depuis ces années de la jeunesse, ait subi le changement et le développement inévitables pour toute pensée vivante et sincère, » etc. Au reste, on peut aimer beaucoup ces déductions à la fois larges et subtiles, on peut les préférer hautement à la sophistique actuelle de l'auteur, sans y voir ce qu'il prétend y avoir mis : « la forme la plus compréhensive et la plus extensive » du spiritualisme. Il est vrai que parmi les spiritualistes dont il s'est inspiré, M. Fouillée n'oublie pas de nommer Spinoza en fort bon rang. On aurait donc tort de regarder ce recueil de belles méditations platoniciennes comme un manuel à l'usage des jeunes élèves de philosophie. Les aspirations métaphysiques de M. Fouillée étaient, dès ses débuts, platoniques autant que platoniciennes, et la déplorable méthode qu'il préconisait et qu'il pratiquait déjà le préparait, comme il pourrait disposer les lecteurs novices, à tomber, en glissant sur la pente de la conciliation, des cimes de l'idéal platonicien jusqu'au naturalisme à peine relevé d'un soupçon de métaphysique sans Dieu.

10. Les théories scientifiques qui ont si profondément compromis, dans beaucoup d'esprits, les croyances spiritualistes, sont surtout celles du transformisme et de l'évolution universelle. Il est vrai qu'elles ne dépassent pas la portée d'une hypothèse et que d'ailleurs, restreintes, comme elles doivent l'être par leur nature même, à l'ordre physiologique, elles n'atteignent en aucune façon la région des principes et des causes. Mais voici un philosophe qui accepte pleinement ces théories, qui même les regarde, sans bien dire pourquoi, comme définitivement acquises à la science, et qui a pourtant la ferme confiance de sauver la liberté et la responsabilité humaines. C'est M. Putsage, dans ses Études de science réelle, où la vue assez nette de l'unité et de la liberté du moi s'allie à un étrange aveuglement métaphysique sur la question de la cause première. Tout en parlant avec estime de quelques grands penseurs croyants et en particulier du pape Léon XIII, l'auteur fait table rase de tout théisme et de toute religion positive. Pour lui, science, philosophie et religion, c'est tout un, et l'avènement de la science réelle c'est son expression doit marquer la dernière étape de la civilisation, après les abus de la période théocratique et ceux du règne du parlementarisme, signalé par la prédominance du matérialisme égoïste. La science réelle repousse donc les doctrines matérialistes et déterministes; elle démontre l'unité, la liberté, la responsabilité du moi. L'ètre humain est constitué : 1o par une unité divisible et partant seulement apparente, le corps, et 2o par une unité réelle, qui est le sentiment de l'existence. Cette dernière unité est éternelle, par là même qu'elle est unité; elle est libre, par le fait de sa coexistence et de son opposition avec les forces et les instincts corporels; elle est dès lors responsable et trouve la sanction de sa loi dans des existences ultérieures, qui constituent une vraie métempsychose. M. Putsage a bien à la fois la rigueur dogmatique et l'infirmité métaphysique trop ordinaires aux esprits rompus aux seules études scientifiques et qui en portent les habitudes dans les sciences mo

rales.

11. Encore un savant établi sur le terrain de la métaphysique et qui s'y distingue par une étonnante puissance d'affirmation et de négation. M. Am. Simonin nous est déjà connu par un Traité de psychologie, qui renferme tout l'essentiel de sa doctrine. Dans sa Synthèse scientifique et philosophique, qui a l'inconvénient de n'être pas une vraie synthèse, l'auteur l'avoue dès la première page, il y a deux choses en deux livres très inégaux : 1o des idées, presque toutes purement négatives, sur la classification des sciences. Il est curieux je ne veux pas dire un autre mot de voir avec quelle aisance M. Simonin y traite du haut en bas tous les classificateurs, jusqu'à Spencer et M. Adr. Naville, son compatriote, inclusivement; 2o des notions cosmogéniques

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et cosmologiques, un peu hâtivement coordonnées peut-être. Il faut y louer un constant souci de distinguer l'âme et la vie des éléments matériels et d'expliquer toutes les forces du monde par le Créateur, qui est plus qu'une force, parce qu'il est « la puissance directrice de toutes les forces. » Il y a, de plus, dans presque tous les chapitres de ce livre, des discussions purement scientifiques, où je n'ai rien à voir, mais dont il doit m'ètre permis de regretter le ton cassant et parfois dérisoire.

12. Je déclarais ici même, il y a six mois, mon impuissance à pénétrer les arcanes de l'Être universel promulgués par M. Arthur d'Anglemont dans un volume fort compact, « admis à l'Exposition universelle. » Sa brochure ultérieure, Enseignement populaire de l'existence universelle, est bien propre à m'humilier. L'auteur, dans un dialogue à la manière antique, y expose à un de ses voisins ses idées, toujours les mêmes, sur la « constitution » de Dieu et de l'âme, sur les courants psychiques, sur l'âme corporelle, sur la « divité » corporelle, sur l'être corporel humain-angélique, sur « les incarnations et les désincarnations alternantes,» sur les mondes déitaires » et sur une foule d'autres problèmes transcendants. Or, tout à la fin, au grand étonnement du lecteur et de l'auteur lui-même, ce voisin, « homme instruit, judicieux et sincère,» au lieu de s'écrier: Egri somnia, se déclare pleinement convaincu et converti. Ce triomphe doit satisfaire M. d'Anglemont. Il fera bien de s'en tenir là; il serait superflu et partant regrettable, ce me semble, qu'il voulût recommencer l'exposition de ses doctrines dans l'ouvrage en six volumes (!) annoncé « pour paraître prochainement. >>

13. Quant à M. H. Barnout, auteur du Monde sans Dieu, tout homme de bon sens doit déplorer qu'il ne sache pas garder le silence. Un auteur qui écrit sérieusement sur le titre de son livre « le dernier mot de tout,» ne suggère que le dernier mot sur sa portée philosophique. Il peut y joindre l'épigraphe « la raison et non la foi,» sans compromettre cette dernière, car c'est la première qui souffre le plus dans l'examen de son lourd factum. On y voit un grossier matérialisme qui se débarrasse du nom en démontrant «la nihilité physique de la matière,»- tel est le jargon particulier de M. Barnout, et en se rangeant intrépidement sous le drapeau de l'idéalisme; après cela beaucoup d'efforts pénibles pour le redressement des idées reçues sur les êtres, sur l'ontogonie (sic), la morale, le libre arbitre, etc., pour la démonstration de la circulation universelle, de la nihilité de Dieu (sic), de la mortalité de l'âme, etc., mais ni logique, ni style. L'objectif de M. Barnout, dans ce méchant livre, comme dans son défunt journal l'Athée, qui fut un des sinistres précurseurs de nos dernières hontes, c'est surtout d'abolir la religion chrétienne et toute religion. Si on

veut juger de sa compétence en pareille matière, il faut lire (moyennant une forte dose de patience) sa dissertation finale sur les Frères de Jésus « au point de vue de la destruction motivée du christianisme. › C'est un tissu d'ignorances, de quiproquos et de blasphèmes qui ne serait que grotesque s'il n'était encore plus odieux. Pour prêter de vrais frères à Jésus-Christ, le pauvre écrivain n'a pas même, quoi qu'il pense, l'autorité de Renan, « qui a étudié, dit-il, la question à fond. » La preuve qu'il ne l'avait pas étudiée à fond avant la Vie de Jésus, c'est qu'il a depuis adopté la solution contraire dans le cinquième volume des Origines du christianisme.

14. A ces orgies de la négation, hâtons-nous d'opposer les œuvres où la pensée spiritualiste et chrétienne, forte de ses principes évidents et de sa méthode rigoureuse, creuse tranquillement le champ de la science pour en augmenter la richesse. Dans son mémoire intitulé : Cause efficiente et cause finale, M. Domet de Vorges soumet à la lumière de la psychologie scientifique de notre temps les théories sur la causalité et sur la finalité, qui sont l'âme de la métaphysique traditionnelle. Cette analyse, qui semble étrangère aux habitudes de la scolastique, mais qui est nécessitée par les erreurs courantes sur le principe de cause, aboutit à sa pleine justification. Ce principe est un axiôme, mais « dérivé d'un fait, exprimant les conditions nécessaires de ce fait. » Ce qui élimine les explications contemporaines qui en font une pure illusion, ou un simple postulat, ou une forme de l'esprit. Les conditions différentes de la causalité en Dieu et dans les activités créées sont établies avec la même sûreté, le même calme, dans trois chapitres, où le dogmatisme scolastique s'allie de lui-même avec les habitudes strictement inquisitives de la science moderne. Le chapitre relatif à la cause finale demandait peut-être plus de développement, sinon pour l'éclaircissement de la notion et du principe essentiel, au moins pour les applications si étendues et parfois si délicates à l'ordre cosmologique. Quoi qu'il en soit de cette remarque, M. Domet de Vorges vient de prouver une fois de plus, sans y viser autrement, l'analogie singulière du péripatétisme bien entendu avec la méthode de la science contemporaine.

15. Ce n'est pas précisément la science d'aujourd'hui, mais la tradition catholique qui a préoccupé et inspiré l'auteur anonyme de la Philosophie du concile de Vienne. « L'âme raisonnable est par soi et essentiellement la forme du corps humain : » telle est la vérité définie par le concile œcuménique, qui ne s'est pas autrement attaché à nous transmettre un système complet de philosophie. Mais il a paru à l'auteur qu'en cette définition était renfermée toute une cosmologie, qui est celle des scolastiques; car, d'après lui, cette dernière doit être vraie dans son ensemble « pour que ne soit pas sans objet et caduque la

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