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un ciel obstinément bleu, jetait des torrents de rayons. Les arbres de nos boulevards s'étaient vêtus hâtivement d'un feuillage vert tendre; quelques marronniers même avaient fleuri. Des souffles de printemps, chauds comme les brises d'été, faisaient circuler partout une vie nouvelle. Dans toutes les rues, les maisons s'ouvraient, laissant sortir bébés en pompons et dentelles, enfants de toutes tailles en toilettes aux fraiches couleurs. Pour les contempler, la foule emplissait les boulevards: car le jour des paradis est aussi la fête des enfants.

Au milieu de cette foule grouillante, Bernard fut mal à l'aise. Il marchait gravement, dignement, en petit homme qu'il était, donnant une main à son père, de l'autre s'appuyant sur sa canne à pomme d'argent, se faufilant péniblement à travers les flots des promeneurs, saluant ses petits camarades, recevant les félicitations des amis de sa famille, et ne s'apercevant point, ou si peu des chuchotements d'admiration qu'on murmurait sur ses pas. Vraiment, la tâche était rude, plus rude qu'il ne se l'était imaginé. Nou, il n'aurait pas cru que la vie de l'homme fût si ennuyeuse le pauvre enfant, il n'était encore qu'au premier pas! et que l'apprentissage en fût chose si déplaisante.

Il y eut quelques moments de répit pour le déjeuner. Bernard, déganté, mangea de bon appétit. Mais quand, le repas terminé, il fallut repartir, ce ne fut point sans quelque plainte on alléguait déjà la fatigue et un petit mal de tête. Cependant, sans trop écouter ses doléances, on se mit en route, avec la même gravité et dans le même ordre qu'à l'aller. Donc, sous le soleil qui resplendissait au firmament. et inondait la ville de ses clartés, on suivit les grandes rues d'Angers, les boulevards pleins de peuple; on entra dans les églises pour voir les « paradis »: Ce n'était pas petite affaire : à ce moment de la journée. de trois à quatre heures du

soir

les visiteurs se précipitaient à flots dans les chapelles et les églises, pour admirer les décorations brillantes et prier le Dieu de l'Eucharistie, siégeant sur son trône de verdure et de fleurs.

Au sortir d'une de ces visites pieuses, Bernard, tirant son père à l'écart, lui dit :

Papa, rentrons..... Veux-tu ?

Pourquoi, mon petit Bernard?

-Je suis fatigué ! »

On visita encore un paradis; puis, sur une nouvelle instance de l'enfant, on regagna la maison. Bernard avait couru au salon, agité, nerveux, entraîné d'une ardeur fébrile.

((

Papa, déshabille-moi.....

Mais qu'as-tu?..... Que veux-tu, mon chéri? »

Et cette réponse jaillit, imprévue et plaisante, vraie fusée d'humour:

>>

« Déshabille-moi..... que je me roule sur le tapis! Les gants étaient déjà en l'air; souliers et béret suivirent le même chemin; le beau pantalon bleu vola sur un fauteuil, au coin du salon. Et, sans plus de cérémonie, harassé de cette journée de parade, de la promenade lente et grave au milieu de la foule, de tant de dignité et de tenue, Bernard, Gentil-Bernard se roula...

Qu'en pensez-vous? Ce cri du petit homme est-il assez nature, comme nous disons aujourd'hui ? Cri spontané, en effet, de la nature contre la mode, de la liberté contre la gêne. Pour moi, j'avoue qu'il m'a charmé. Lorsque le père me le conta, encore tout frais de l'aventure, il me souvient que je fus pris d'un rire inextinguible, tout comme les dieux d'Homère dans l'Olympe. Et j'ai voulu vous le conter, à mon

tour.

Maintenant, toutes les fois que je rencontre, sur nos boule

vards, un enfant mis à la dernière mode, qui a pleuré peutêtre pour avoir « les livrées» de l'homme et qui les porte avec une gravité fière, je le regarde au fond des yeux, et je crois entendre, à tort ou à raison, le cri suppliant de Gentil-Bernard: « Papa, déshabille-moi..... que je me roule sur le tapis! >>

Alexis CROSNIER.

CHRONIQUE DES FACULTÉS

Donc, ainsi que je vous l'avais promis, je reprends ma chronique au point précis où j'avais été forcé de l'inter

rompre.

Le samedi 19 mai, la Conférence Saint-Louis tenait, pour la huitième fois, ses Assises solennelles. Dans la grande salle de la bibliothèque, au palais de l'Université, se pressait une assistance d'élite. M. le comte Pierre de la Bouillerie occupait le fauteuil de la présidence, et, autour de lui, avaient pris place M. René Bazin, directeur, le R. P. Ory, aumônier, et les membres du bureau.

M. Charles Douard, le jeune président de la Conférence, ouvrit la séance en remerciant les assistants qui avaient répondu en si grand nombre à l'invitation qui leur avait été

adressée. Il complimenta ensuite délicatement M. de la Bouillerie :

Personne mieux que vous, Monsieur, n'a sa place là où il y a un encouragement à donner, un zèle à stimuler. Votre vie. déjà si remplie, n'est-elle pas à elle seule un exemple pour nous tous, jeunes gens, qui entrons dans la vie? Aujourd'hui que le patriotisme et la foi disparaissent ensemble de tant d'âmes, nous sommes heureux de saluer en vous un officier de notre armée et un croyant de notre Église. Lorsque tout jeune vous avez quitté le service actif de l'armée, vous ne l'avez pas fait, comme tant d'autres, pour vivre d'une vie oisive, mais pour vous donner plus librement à des œuvres qui ont besoin d'hommes dévoués et intelligents, comprenant les aspirations de leur temps. Aussi, Monsieur, très rapidement vous avez été sollicité d'accepter la présidence du Comité des Cercles catholiques d'Angers......

Il y a toujours, à cette séance, un rapport sur les travaux de l'année. Un rapport, sur des matières aussi peu enchaînées, est toujours difficile à faire croyez-en ceux qui, plus d'une fois. ont été obligés de se mettre à cette besogne. M. Michel s'en est tiré à son honneur. Il nous a donné, en raccourci, avec l'ensemble et la suite qu'il comportait, le tableau des œuvres littéraires de la Conférence pendant cette année scolaire : récits de voyage, excursions dans l'histoire littéraire ou scientifique, études philosophiques et morales. Il concluait ainsi :

La Conférence Saint-Louis poursuit d'année en année sa paisible mais laborieuse carrière; et peut-être qu'un jour viendra, bien des années après que nous aurons disparu de ce monde, où, comme l'École Polytechnique le fait aujourd'hui, elle pourra, elle aussi, bien qu'infiniment plus modeste, fêter brillamment le centième anniversaire de sa fondation.

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Que le vœu du rapporteur soit exaucé! Il est à longue échéance; mais, je l'espère, il sera réalisé. N'est-ce pas aux jeunes, d'ailleurs, que les longs espoirs sont permis?

On entendit ensuite la lecture de deux travaux :

L'un, de M. Marsille: Au pays de Carnac. Ce voyage à travers le Morbihan, à Gavr'inis, à Loqmariaquer et à ses dolmens, à Auray, à la Chartreuse, à Quiberon, à Carnac et à

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