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lèvement des édifices et superfices non compris dans les droits réparatoires, en remboursant, à son choix, soit le prix des matériaux et de la main-d'oeuvre, soit la plus-value qui en résulterait pour l'immeuble.

7° Dispenser le domanier d'un prorata de la commission pour l'année de jouissance résultant, après la publication de la présente loi, de l'omission des délais de congément prescrits par les art. 21 et 22 de la loi du 6 août 1791, à moins d'une disposition contraire du bail ou de la baillée.

8° Réserver le droit de préférence des créanciers hypothécaires du domanier sur l'indemnité de congément ou de remboursement et le prix de l'adjudication sur simples bannies.

9° Au cas d'exponse, faire signifier cet acte aux mêmes créanciers, mentionnés sur l'état des inscriptions délivrées par le conservateur des hypothèques, avec offre de se porter dans un certain délai acquéreurs des droits convenanciers, à charge de satisfaire à toutes les obligations du colon.

M. le président Pinchon, l'un des magistrats les plus compétents sur la matière, terminait ainsi son intéressant travail sur le bail à domaine congéable, publié dans le journal la Loi Les meilleures réformes ne sont-elles pas celles qui rendent la vie aux vieilles institutions, en les assouplissant aux mœurs et aux idées nouvelles, sans toucher à ce qu'il y a d'essentiel dans leurs principes traditionnels? »

Nous nous sommes inspiré de cette pensée, mais dans les limites qu'impose le respect des droits de chacun, limites que le législateur humain ne peut jamais franchir, sous peine de s'attaquer à cette loi éternelle, à laquelle, selon le mot célèbre de Cicéron, il n'est jamais permis de déroger.

Paul HENRY.

Professeur aux Facultés catholiques de l'Ouest.

1 No du 8 juin 1892.

Le Vicomte Eugène-Melchior DE VOGUÉ

ET SON ŒUVRE 1

MONSEIGNEUR, MESDAMES, MESSIEURS,

Je voudrais indiquer à grands traits l'œuvre littéraire du vicomte de Vogüé, œuvre considérable déjà, et qui a eu, chez nous, plus d'influence que de succès. Il y aurait même, à ce sujet, une intéressante question à résoudre. On pourrait étudier pour quelles raisons un écrivain qui a produit dix volumes, dont plusieurs offrent des pages de premier ordre, dont chacun représente une ou plusieurs idées générales devenues familières dans le monde lettré, a pu conquérir la célébrité, entrer à l'Académie, passer pour l'un des précepteurs de la jeunesse contemporaine, sans avoir été beaucoup lu. Il y aurait à se demander comment certains hommes se trouvent, pour ainsi dire, les élus de la gloire par le scrutin à deux degrés, et n'apparaissent à la foule qu'à travers les comptes rendus, à travers la pensée des autres. Sort ingrat, sort injuste, auquel, et c'est le cas, les plus hauts talents sont peut-être naturellement soumis. Pour examiner ce problème, je devrais analyser l'âme du

1 Conférence faite au Palais de l'Université, le 16 février 1894, Mer Mathieu, évêque d'Angers,

lecteur français, en cette année 1894, discerner de quelles lectures elle est capable, de quelle attention, et dire quels sont les livres qui plaisent à ceux auxquels M. de Vogüé ne plaît pas. J'aurais peur de conclure à la légèreté de tant d'esprits, qui croient s'instruire dès qu'ils s'amusent et s'ennuyer dès qu'ils s'instruisent. J'aime mieux laisser là cette question, à l'état de simple doute, et pénétrer, de suite, dans l'œuvre même de l'écrivain.

Elle me paraît se diviser en trois parties. La première se compose d'un seul volume, mais du plus vif et du plus puissant intérêt: le Roman russe. La seconde comprend les livres de voyages ou les livres d'histoire écrits à l'occasion et dans des cadres de voyages: La Syrie et la Palestine, Souvenirs et visions, Histoires d'hiver, Histoires orientales, Le Fils de Pierre-leGrand. La troisième peut s'appeler la partie philosophique, et quatre volumes s'y rencontrent, parmi les plus récents Les Remarques sur l'Exposition du Centenaire, les Spectacles contemporains, les Regards historiques et littéraires, les Heures d'histoire. Je m'occuperai donc, successivement, de M. de Vogüé vulgarisateur en France du roman russe, du voyageur en second lieu, et enfin du philosophe ou, si vous aimez mieux, de l'éminent essayiste qui a remué tant d'idées de haute politique et d'idées religieuses à propos de la mort du roi Guillaume, de l'Exposition de 1889, ou du Pape Léon XIII.

Messieurs, ç'a toujours été un métier de malchanceux que celui de découvreur. Le monde, avide de nouveautés, est cependant lent à les accepter, et le premier qui les propose ne réussit guère à se faire écouter. Il faut laisser à l'étonnement le temps de se dissiper, à la paresse humaine le temps de comprendre et de quitter le point de la route où elle s'était endormie. Il faut revenir. Le second, et mieux encore le troisième des montreurs de chemins se fait bien écouter. Mais alors on le suit, on l'applaudit, on l'exalte, au point d'oublier jusqu'au nom de ceux qui étaient accourus avant lui, disant : « Venez par ici, je sais un sentier nouveau!» C'est ce qui est arrivé pour le roman russe. Mérimée avait traduit la Dame de pique de Pouchkine, un roman de Gogol, plusieurs œuvres de Tour

guénef; l'excellent M. Marmier, qui écrivait d'un style ancien des choses parfois neuves, avait traduit aussi du Lermontof, du Gogol et de petits récits russes mêlés à d'autres, norvégiens, danois, suédois et peut-être même lapons; un M. Pelan d'Angers avait donné une version du Démon de Lermontof qui aurait pu faire connaître le romancier en vulgarisant le nom du poète; eh bien, tous ces efforts, et d'autres, avaient été presque vains, et la grande popularité des écrivains de notre sœur des steppes ne remonte pas au delà de 1886, ou plutôt au delà de la période de 1883 à 1885, dans laquelle parurent, sous forme d'articles de revue, les études dont la réunion constitue cette œuvre maîtresse de M. de Vogüé: Le Roman

russe.

L'admiration de l'écrivain pour une littérature abondante et inconnue fut assurément le premier mobile qui le détermina, mais je crois M. le vicomte de Vogüé un de ces esprits essentiellement diplomates qu'une pensée de conquête par la parole, de rapprochement, d'alliance ou de défense, conduit dans leurs desseins. Je dis qu'il admirait la littérature russe; mais il aimait aussi le peuple russe, auquel l'attachent, vous le savez, des liens étroits; il croyait que la France et la Russie pouvaient s'entendre. à distance, et il se chargea de la pose des fils téléphoniques. Ce qui est arrivé depuis a été préparé par lui, et nul doute que Cronstadt et le séjour triomphal à Paris de l'amiral Avellan n'aient été rendus plus faciles par la grande vogue où furent auparavant, chez nous, Dostoievski, Tourguénef et Tolstoi.

Pour des raisons littéraires, disait M. de Vogüé, pour des motifs d'un autre ordre que je tairai parce que chacun les devine, je crois qu'il faut travailler à rapprocher les deux pays par la pénétration mutuelle des choses de l'esprit. Entre deux peuples comme entre deux hommes, il ne peut y avoir amitié étroite et solidarité qu'alors que les intelligences ont pris le contact. (Avant-propos.)

Aussi, livre pratique et livre de propagande littéraire, le Roman russe de M. de Vogüé ne s'attarde pas aux origines, aux périodes qui n'intéressent et n'émeuvent qu'une élite raffinée. Il en traite rapidement. Presque tout le volume est consacré à la période romantique et à la période plus récente qu'on

pourrait appeler du réalisme chrétien, en Russie, époque où l'originalité de la littérature russe se dégage des longues imitations, s'épanouit et force l'admiration.

Ce réalisme des Russes n'est qu'un parent éloigné du nôtre, et le considère justement comme un arrière-cousin, même un peu mésallié. M. de Vogüé met très bien en lumière, la supériorité du premier sur le second.

... L'inspiration morale, dit-il, peut seule faire pardonner au réalisme la dureté de ses procédés. Il répond à une de nos exigences, quand il étudie la vie avec une précision rigoureuse, quand il démêle jusqu'aux plus petites racines de nos actions dans les fatalités qui les commandent; mais il trompe notre plus sûr instinct, quand il ignore volontairement le mystère qui subsiste par delà les explications rationnelles, la quantité possible de divin. Je veux bien qu'il n'affirme rien du monde inconnu; du moins doit-il toujours trembler sur le seuil de ce monde. Puisqu'il se pique d'observer les phénomènes sans suggérer des interprétations arbitraires, il doit accepter ce fait d'évidence, la fermentation latente de l'esprit évangélique dans le monde moderne. Plus qu'à toute autre forme de l'art, le sentiment religieux lui est indispensable; ce sentiment lui communique la charité dont il a besoin; comme il ne recule pas devant les laideurs et les misères, il doit les rendre supportables par un perpétuel épanchement de pitié. Le réalisme devient odieux dès qu'il cesse d'être charitable. Et l'esprit de pitié... avorte et fait fausse route dans la littérature, aussitôt qu'il s'éloigne de sa source unique.

La grandeur de la littérature russe vient justement de là. Nul peuple n'est plus religieux que le peuple russe. La résignation, qui est l'acte de foi de nos souffrances personnelles, la pitié qui l'étend jusqu'aux souffrances des autres, l'invocation directe dans les périls, lui sont familières, et se rencontrent dans les villages les plus perdus de l'immense pays aussi bien que dans les usines de vingt mille et quarante mille ouvriers comme il en existe là-bas. Un de mes amis, le voyageur Victor Meignan, qui a, l'un des premiers, accompli le trajet de Paris à Pékin par terre, me disait qu'un jour, au milieu des forêts glacées de la Sibérie, son traîneau, chargé de bagages, s'enfonça et roula tout à coup dans un trou de neige non durcie. Les traits étaient brisés, deux des chevaux bles

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