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sez-nous, nous et les nôtres, et pour le jour qui commence, et pour les jours à venir.

Notre bonne Dame d'Héas,

Dans le péril ne nous oubliez pas,
Veillez sur nous,

Et sauvez-nous.

Si sur nous gronde la tempête,
Que votre bras puissant l'arrête
Et détourne de notre tête

Ce fléau destructeur.

Pour nous garder, ouvrez-nous votre cœur.

Est-ce bien à genoux que se fait notre prière? Que NotreDame nous le pardonne, mais la fatigue d'hier nous a tellement brisés que nos genoux ont aussitôt fléchi. Bon gré mal gré, il nous faut imiter ces braves chrétiennes qui nous faisaient un peu sourire à Bagnères et à Luz. Elles s'agenouillaient, mais à leur manière. Si cette manière-là ne semble pas rigoureusement correcte, n'a-t-elle pas son naïf cachet d'humble simplicité et de filial abandon?

Dans l'église de Luz, l'autre jour, chaque pieuse personne avait devant elle son petit cierge allumé, posé à terre, et se tenant debout tout seul. A notre tour nous offrons nos cierges de pèlerinage; nous n'osons pas les planter ainsi devant nous, comme le ferait sans fausse honte une fille des montagnes.

Nos dévotions s'achèvent. Nous considérons à loisir notre chapelle. Elle a la forme d'une croix; un petit dôme la surmonte. Les murs sont ornés de peintures. Fresques sans renommée, elles n'éclipseront point les chefs-d'œuvre de Raphaël. Néanmoins elles charment l'oeil des pastours et raniment la dévotion de ces âmes à la foi vive. L'artiste inconnu travaillait pour Notre-Dame; son but était très noble et il l'a atteint. Combien de peintres célèbres ne pourraient pas en dire autant!

Une statue de la céleste maîtresse d'Héas attire tout particulièrement notre attention. Cette statue est en bois; le sculpteur l'a parée comme une princesse comme une princesse des

vallées pyrénéennes. Un riche manteau la décore, sa tête est coiffée du gracieux capulet montagnard, capulet d'un rouge éclatant.

Une autre statue de la sainte Vierge nous est montrée. Elle est en faïence et très petite; les fidèles l'honorent d'un culte tout spécial; on ne l'expose qu'aux jours de fête, ou dans les circonstances solennelles.

C'est un fait digne d'attention : les images saintes les plus en renom, les madones miraculeuses les plus vénérées ne sont point des chefs-d'œuvre de l'art humain. Pourquoi? Tynnichos de Chalcide n'était qu'un poète très médiocre; cependant, dit Platon, on lui doit un hymne d'une merveilleuse beauté, un hymne que n'égale aucun chant lyrique. Et ceci, ajoute le grand philosophe, est la preuve que les poèmes sublimes ne sont pas des œuvres purement humaines; ils ont pour source une inspiration divine.

Si les plus illustres sanctuaires conservent avec tant de religion des images, des statues où un génie d'artiste n'a pas marqué son empreinte, n'est-ce pas pour nous mieux démontrer combien est surnaturelle la puissance dont ces imparfaits symboles rappellent le souvenir?

Est-ce à cette modeste statue de faïence que remonte l'origine du pèlerinage? D'après les vieux récits, la statue miraculeuse, que personne n'ayait jamais vue, se trouva posée un jour sur le plus énorme bloc de la vallée d'Héas: c'est le bloc qu'on nomme le caillou de l'Arrayé; il ferait bonne figure dans le Chaos de la route de Gavarnie. D'où venait cette statuette inconnue? Qui l'avait mise là? A ces questions, nul ne pouvait répondre. Les pastours se dirent que la Reine des anges avait elle-même placé son image sur le caillou ; après quoi ils décidèrent qu'il ne convenait pas de laisser sans abri, sur un rocher, cette statue tombée du ciel. Il fallait lui bâtir une chapelle. Trois maçons du pays se mirent à l'œuvre. Notre Dame se chargea de les nourrir. Elle leur envoya tous les matins trois belles chèvres, autour desquelles bondissaient trois gentils chevreaux. Pendant trois mois, avec une exactitude parfaite, les chèvres apportèrent leur lait chaud et gras aux ouvriers de la sainte Vierge. La chapelle était presque finie

quand un beau soir nos maçons eurent une idée malheureuse : « Ces petits chevreaux ont bonne mine, se dirent-ils, si nous en faisions rôtir un? Cela nous changerait. » Et le lendemain matin ils s'apprêtèrent à mettre à exécution leur barbare projet. Mais ils comptaient sans Notre-Dame. Les chèvres ne revinrent plus. Pour ne pas mourir de faim, les trois stupides maçons durent redescendre tout penauds à Gèdre, puis à Luz, où les gens ne leur épargnèrent ni reproches ni railleries.

La chapelle s'acheva plus tard, et un prieuré fut bâti tout auprès pour la desservir. Les pèlerins affluèrent. Il en venait des vallées d'Argelès, d'Azun, d'Aure, de Bielsa, de Campan. Et par quels sentiers! au prix de quelles fatigues! On en voyait arriver même du pays des plaines, des Landes, de l'Armagnac, du Bordelais. La Révolution bouleversa tout. Elle ne respecta pas plus Notre-Dame d'Héas que Notre-Dame de Paris. Quand la tempête se fut calmée, les pèlerinages recommencèrent. Deux fêtes surtout, l'Assomption et la Nativité, attirent les pèlerins. Ces jours-là le modeste sanctuaire est bien trop étroit. Les montagnards y passent la nuit en prières. Le lendemain matin, leurs dévotions terminées et le cœur joyeux, ils prennent le chemin du retour. Les uns descendent vers le Gave de Pau, les autres escaladent les rudes et dangereuses pentes de Cambielle, des Aiguillons, de la Canaou.

Nous aussi nous disons adieu à Notre-Dame d'Héas et aux excellents Pères qui nous ont accordé une hospitalité si cordiale. Les Pères nous exhortent à monter au cirque de Troumouse. Troumouse, assurent-ils, vaut au moins Gavarnie. Ce sera pour un autre voyage. Aujourd'hui nos jambes se refusent absolument à une excursion supplémentaire. Pourront-elles seulement nous descendre jusqu'à Gèdre? Elles sont raides, elles chancellent; à leur manière elles réclament du secours. Oh! si nous avions ici de bons petits ânes comme à Gavarnie! Mais Héas n'est qu'un lieu sauvage où la mode n'amène ni anglaises, ni touristes. On ne réussit à réquisitionner qu'un vieux cheval, dépourvu de tout harnachement. Un pastour lui passe au cou une corde et lui met sur le dos une méchante couverture.

Très bien, dit Raoul, voici Rossinante équipée ; qui aura les honneurs de Rossinante?

Chacun s'excuse. Est-ce par vanité? Est-ce par générosité? Ce dernier sentiment domine, car les quatre pèlerins fourbus regardent Rossinante d'un oeil d'envie.

- Convenons d'une chose, reprend Raoul: nous monterons tous les quatre, mais non tous les quatre à la fois. De quart d'heure en quart d'heure cette noble bête changera d'écuyer. Allons, Stanco, vous semblez le plus défait; à vous l'avantage de commencer; sautez en selle, comme le paladin Roland, sans mettre le pied à l'étrier.

- Il n'y a ni étrier, ni selle, répond Stanco, et quand il y en aurait...

- Vous n'auriez guère envie de sauter. Laissez-nous faire. Aussitôt Stanco est saisi, soulevé, poussé, hissé, tant et si bien que malgré ses gémissements il se trouve enfin assis sur Rossinante. Pauvre Stanco! Avec ses deux jambes pendantes, il pose vraiment en chevalier de la Triste Figure; il a l'air si misérable qu'aucun de ses compagnons n'osera le réduire au rôle de fantassin, et il s'en ira ainsi, dolent, jusqu'à Gèdre, suivi des trois autres pèlerins qui se traînent clopin-clopant. Notre pèlerinage d'Héas n'a pas une conclusion très brillante. En ceci, il ressemble beaucoup à des pèlerinages plus célèbres. Combien de braves chrétiens, au temps des croisades, s'en revinrent de Terre - Sainte en piteux état! De Jérusalem, néanmoins, ils gardaient au fond de leur cœur un souvenir éternel, très glorieux d'y être allés, très heureux de n'avoir pas succombé en chemin, et de voir luire enfin, comme dit Homère, « le jour fortuné du retour ».

L'abbé Victor MARTIN.

SILHOUETTES CASTILLANES

LA HAUTE-MANCHE

« Je ne puis décrire l'enchantement où me jeta cette poétique et sauvage contrée. » (Th. GAUTIER.)

Il est des physionomies mobiles qu'un instantané, si fidèle soit-il, défigure toujours. Elles auraient besoin, pour être rendues avec vérité, d'être montrées avec leurs expressions successives, et le fait seul de fixer une de leurs attitudes, à l'exclusion des autres, est une trahison.

De tous nos pays d'Europe, l'Espagne est peut-être celui qui souffrirait le plus de ces inductions hasardées, si chères au voyageur pressé: car aucun pays n'est plus complexe que celui-là, plus fait de contrastes soudés ensemble mais non fondus. Aussi, tout jugement qui s'énonce en ces termes : « L'Espagnol est ceci; l'Espagnol est cela », est un instantané qui court risque d'être injuste. Bien que l'Espagne, en effet, soit une, et qu'elle ait assez prouvé qu'on l'entamait malaisément, elle se décompose cependant en éléments irréductibles

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