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Au xvie et au XVIe siècles, ils étaient élus par l'assemblée des habitants et devaient, d'après un décret du concile de Trente, confirmé par un édit de 1695, rendre chaque année leurs comptes à l'évêque.

Églises et presbytères, bénéfices et dîmes, conseils de marguilliers, la Révolution emporta tout, et Bonaparte a pu tracer le plan de nouvelles institutions paroissiales à peu près comme si rien n'avait existé autrefois. Les articles organiques décrétèrent l'établissement de conseils de fabriques; un décret de 1809 détermina leur composition et les attributions de leurs membres, telles qu'elles se sont conservées jusqu'à la loi de 1884 sur l'organisation municipale. Cette loi les a assez profondément modifiées en soumettant les budgets et comptes fabriciens au contrôle des communes et en affranchissant celles-ci de l'obligation d'aider les fabriques, quelles que soient les circonstances.

Une ligne, insérée dans la loi du budget de 1892, devait causer un bien autre émoi que ces deux dispositions : « Les comptes et budgets des fabriques sont soumis à toutes les règles de la comptabilité des autres établissements publics. » Quinze mois plus tard, en mars 1893, paraissait un décret réglementaire, long et compliqué, puis à la fin de décembre de la même année, une instruction ministérielle en cinquante-deux paragraphes, suivie d'une douzaine d'annexes. Cette série de mesures provoqua de la part de l'épiscopat des protestations dont le résumé termine ce travail.

L'auteur ne conclut pas. C'est qu'il n'a pas voulu écrire une consultation juridique, mais une page d'histoire. Tout au plus pourraiton se plaindre du vague de sa chronologie: certains changements considérables dans le régime de la propriété ecclésiastique ne sont datés que par des expressions comme peu à peu, bientôt, qui localisent les faits à deux ou trois siècles près. Il semble que, même dans une œuvre comme celle-ci et sans tomber dans un pédantisme embarrassant, on pourrait être plus précis. Ce défaut n'empêche pas l'étude de M. Lambert d'être très savante et de présenter dans des pages courtes et claires des notions peu familières, ou tout au moins confuses pour un trop grand nombre d'esprits.

L. CH.

N.-B. Tous ces ouvrages sont en vente à la librairie Lachèse et Cie.

ANGERS, IMPRIMERIE LACHÈSE ET Ci".

POURQUOI BOSSUET DOIT-IL PLAIRE

1

ET PLAIT-IL A NOS CONTEMPORAINS? '

MONSEIGNEUR, MESDAMES, MESSIEURS,

Nos contemporains reviennent à Bossuet. Ses œuvres font partie des programmes de nos grandes écoles; elles entrent dans les examens de baccalauréat, de licence, d'agrégation. Les docteurs font des thèses sur l'historien, sur le sermonnaire, sur l'apologiste du catholicisme. Les critiques étudient son style. Les conférenciers, devant des auditoires d'amateurs et d'étudiants, examinent un à un les divers côtés de ce génie, qui semble grandir sous la critique et dont les qualités s'imposent aux esprits les plus éloignés du sien.

Bossuet est avant tout un croyant sa foi éclate en chacune de ses œuvres, j'allais dire en chacun des billets qu'il écrit à ses correspondants. Dans sa correspondance nombreuse il n'y a que des lettres d'affaires; et ces affaires sont toujours les intérêts de l'Église et des âmes. Or, notre siècle meurt de

1 Conférence faite au Palais de l'Université, le 9 mars 1894.

2 Mg Mathieu, évêque d'Angers.

scepticisme, et les croyants sont rares dans la foule qui se presse pour entendre bien parler de Bossuet dans les Académies et dans les Facultés de l'État.

I

D'où vient donc cet attrait? De bien des causes sans doute; mais certainement du besoin naturel qu'éprouvent, plus ou moins inconsciemment, les hommes fatigués par les incertitudes du doute, de se rapprocher d'un orateur fort, qui se dit possesseur de la vérité, qui l'affirme avec autorité tout le temps de sa vie et dans une langue toujours digne d'admiration. Les amateurs de beau langage, après avoir étudié et admiré toutes les écoles de notre littérature, après s'être bercés dans les rêveries flottantes de nos modernes écrivains, se sont peu à peu sentis énervés par le scepticisme. Alors, poussés par la faim d'une nourriture plus substantielle, ils sont allés au prosateur qui domine toujours tous les autres écrivains de notre langue. Sans doute, le plus grand nombre recherche plutôt le plaisir esthétique que la vérité. Mais, après une course à travers les lueurs indéfiniment changeantes des penseurs, tels que M. Renan, beaucoup se complaisent devant une lumière éclatante, régulière, venant du ciel et mettant tous les objets du monde. hommes et choses, à leur taille et à leur mesure naturelle. Quand on a longtemps navigué dans les fiords de Norwège et qu'on s'est abandonné pendant des jours aux charmes fascinateurs de paysages fantastiques où une lumière diffuse, venant plutôt de la terre que des cieux, fait et défait des tableaux jamais fixés, on éprouve un soulagement en rentrant dans la lumière bien nette de notre soleil, dans la pureté de nos horizons et dans la réalité. Le monde de Bossuet produit même effet, quand on y pénètre après une excursion à travers les rêveries flottantes, souvent incohérentes, de certains littérateurs de notre siècle."

Ceux-ci nous accablent des entassements de ce qu'ils appellent des documents humains leurs personnages sont répugnants. Ils sont plus repoussants que dans la réalité, parce que dans la réalité nous détournons les yeux de ce qui nous choque. Ce sont des masses grouillantes; vivantes, sans doute, mais belles? presque jamais. Oserais-je ici nommer Zola?

D'autres (et quelques-uns d'entre eux ont forcé les portes de l'Académie), sans souci de leurs lecteurs et surtout de leurs lectrices, exposent à cru les sensations de leur cerveau exalté au contact de la nature. Ils dédaignent souvent de mettre leurs impressions en phrases françaises. Ils les donnent comme elles se produisent. C'est presque la négation de l'art. En tout cas, ce n'est pas l'art de nos grands littérateurs.

Ces écrivains de toutes couleurs se disent chefs d'école : mais après le chef on ne voit point de disciples. On n'aperçoit que quelques admirateurs qui se vantent « d'être enveloppés dans un des plis de la gloire du maître ». C'est leur style. Mais cette admiration ne dure pas : elle passe comme une mode.

Au bout de quinze ans, les plus beaux ouvrages de ces hommes ne sont plus goûtés que par quelques amateurs en littérature, comme il y en a en peinture et même en costumes, qui recherchent les meilleures expressions de tel ou tel sentiment à une certaine époque. Quelques-uns ont fait un livre, comme on fait un tableau, avec un sentiment unique, très ténu. démêlé au fond du cœur à force d'observation et d'analyse. Leur livre restera, s'il est très bien peint, dans la galerie des amateurs. Mais pour gagner et surtout pour garder l'admiration universelle de tout un peuple et pendant des générations, il faut plus que cela. Il faut des idées. Un simple sermon de Bossuet est plus riche en idées qu'un gros volume de beaucoup de nos écrivains.

II

Bossuet est l'homme de la tradition, de cette doctrine solide, comme il dit, qui doit aller de main en main, en remontant,

jusqu'aux apôtres et à Jésus-Christ. Or, les philosophes abandonnés à leur sens sont des malades à la recherche de la vérité qui les fuit: à Paris nous en avons qui s'en vont au Bouddhisme. Ou bien ce sont des enfants, qui font, détruisent et rebâtissent encore leur maison de sable sur le sol mouvant de leur raison. Voyez Descartes faisant table rase du passé. Mais quand les philosophes ont fait le tour des sottises humaines, ils reviennent fatalement à Dieu et même à Jésus-Christ par la tradition. Le XVIIIe siècle, après avoir fait à son insu le tour du cercle, monte tout à coup, à l'improviste, de Voltaire au Génie du christianisme. Voilà que notre siècle, à sa fin, me semble aussi achever ce tour presque fatal. - Bossuet, d'une vue nette, étudie et enseigne la vérité transmise par les siècles. C'est l'écrivain qui ne recommence pas, mais qui continue l'oeuvre de l'humanité, l'œuvre de cet homme éternel dont parle Pascal, qui a eu son enfance et qui augmente le trésor de sa science en ajoutant luimême à ce qu'il a appris. Il y a en toutes choses, dans les sciences, dans les lettres, dans la religion surtout, une œuvre de tradition: ce sont les sédiments sur lesquels le sage doit bâtir.

Aujourd'hui les bons esprits sentent le besoin de revenir à la tradition, qui est le spiritualisme chrétien. M. de Vogüé les compare à des cigognes qui retournent au clocher, où se sont abrités les nids de plusieurs générations d'ancêtres. Certains de ces esprits reviennent au christianisme en passant par Bossuet. Ils ont pour cet écrivain philosophe un culte, une religion qu'ils n'osent pas encore avoir directement pour Jésus Christ. Dans son discours de réception à l'Académie française, le 25 janvier dernier, M. Challemel-Lacour disait de M. Renan : Un de ses regrets a dû être, en mourant, de n'avoir pas, « comme il se l'était proposé si longtemps, délivré la France de « cette superstition qui s'appelle Bossuet. »

Le nouvel académicien a vu juste: Renan n'a point supprimé Bossuet et aucun écrivain du XIXe siècle ne le fera oublier. Le 8 juin 1671, Bossuet, lui aussi, prononçait un discours de réception à l'Académie française: ce discours était moins long que celui de M. Challemel. La coutume le voulait ainsi. Mais, dans sa brièveté, il contenait tout un programme pour le progrès de la langue et de la littérature françaises. Avec une sûreté de vue

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