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CHAPITRE PREMIER. HIERARCHIE DE L'ENSEIGNEMENT

Le premier caractère que présente l'organisation des études universitaires, c'est précisément leur universalité, c'est-à-dire cet ensemble de Facultés littéraires et scientifiques qui, prenant l'écolier au début de sa carrière, le conduisaient par des voies bien ménagées et par des ascensions graduées jusqu'aux sommets de la science, jusqu'à la plénitude de sa puissance intellectuelle.

A l'origine, les Universités s'appelaient, avons-nous dit, studium generale, ou encore Universitas studiorum, et ce nom dit bien quels étaient le but de ces grandes Écoles et leur moyen d'y parvenir. Le but, c'était de former les intelligences, de les habiliter à tous les travaux des diverses professions libérales, qui se partagent ici-bas l'activité humaine; on voulait que le jeune homme, au sortir des Universités, fût capable d'occuper une place honorable dans le monde et d'y remplir quelqu'une des fonctions que la société confie à ses membres les plus distingués. Le moyen, c'était précisément l'universalité, l'ordre et la gradation des études qui devaient amener peu à peu les intelligences à la pleine possession d'elles-mêmes par un développement régulier, progressif et fondé sur leur propre nature.

Or, d'après le plan généralement adopté alors, le domaine scientifique, je veux dire l'ensemble des sciences, auquel peut être appliqué l'esprit humain, était divisé en quatre Facultés : les Arts, la Médecine, le Droit civil et ecclésiastique, la Théologie. Ces quatre branches du savoir renfermaient tout ce que l'homme peut connaître par sa raison, tout ce que la nature et Dieu lui-même contiennent de vérités accessibles à l'intelligence humaine; c'était son domaine universel, le champ immense de son activité.

Mais à cause de son immensité même, il ne pouvait être embrassé tout entier par personne; c'est à peine si la plus longue vie d'un homme pouvait suffire à cultiver une partie seulement de ce vaste domaine scientifique. Chaque Faculté constituait donc une sorte de domaine restreint, où l'intelligence trouvait encore assez d'espace pour y développer toutes ses énergies, pour y mettre en action toutes ses puissances; chacune séparément correspondait, d'ailleurs, à une carrière spéciale, à un genre de fonctions nécessaires dans la société et pour lesquelles des connaissances particulières étaient plus utiles qu'une science générale.

La Théologie, universellement regardée comme la reine des sciences, à cause de la sublimité de son objet et de la divine certitude de ses principes, embrassait toutes les connaissances qui sont le domaine de la Religion: Dogme, Morale, ÉcritureSainte, Patristique, Histoire religieuse, Controverse, Liturgie, Pastorale et Gouvernement. On entrait par elle dans la carrière ecclésiastique et ses docteurs pouvaient aspirer à toutes les dignités, aux plus hautes charges dans l'Église.

La science du Droit venait après la Théologie, parce qu'elle initiait l'intelligence à ce qu'il y a de plus élevé après Dieu dans les connaissances humaines la justice parfaite que se doivent les hommes entre eux, la loi morale qui règle leurs actions et dirige toute leur vie vers le bien suprême. Elle se divisait en deux grandes branches: Droit ecclésiastique d'une part, ou science des lois propres à la société religieuse; Droit civil d'autre part, qui étudie les lois nécessaires au bon gouvernement de la société politique. De la Faculté de Droit sortaient naturellement tous les jurisconsultes, magistrats, administrateurs et hommes de loi, dont la société avait besoin pour ses fonctions législatives et judiciaires. Les docteurs en Droit étaient haut placés dans l'estime commune et marchaient de pair avec les personnages les plus importants de l'État.

La Faculté de Médecine occupait le troisième rang dans les Universités, autant par son objet que par l'importance des services qu'en recevait la société. Son domaine propre était les sciences naturelles, dans leurs rapports avec la vie humaine, qu'elles contribuaient à entretenir, soit en lui conservant sa

vigueur et en la préservant des défaillances, soit en guérissant ses maladies ou en adoucissant du moins ses douleurs.

Elle formait ainsi des médecins, des chirurgiens, des herboristes et des apothicaires', qui acquéraient une considération d'autant plus grande et mieux méritée que leur science toujours croissante, leur dévouement incontestable, rendaient plus utile leur ministère et leur créaient un droit à la reconnaissance universelle.

Au dernier rang dans la hiérarchie de l'enseignement universitaire se trouvait la Faculté des Arts, non qu'elle eût une importance moindre ou une utilité plus contestable que les autres, qui ne pouvaient, au contraire, se passer d'elle; mais parce qu'il lui appartenait de commencer l'œuvre de la formation intellectuelle et que le jeune homme débutait nécessairement par elle dans la carrière des sciences. La Faculté des Arts comprenait, en effet, dans son domaine propre l'étude des Belles-Lettres et celle de la Philosophie, divisées chacune en trois parties distinctes. Les Belles-Lettres se composaient alors de la grammaire, de la poésie et de l'éloquence, qui précédaient naturellement l'étude de la Philosophie; celle-ci, à son tour, renfermait les trois sciences spéciales de métaphysique, de physique et de mathématiques, les premières que l'étudiant devait connaître comme disposition intellectuelle nécessaire à l'étude de toutes les autres sciences. Le maître ès-arts pouvait donc, sans chercher à monter plus haut, faire sa carrière de l'étude et de l'enseignement des Belles-Lettres, cultiver les sciences philosophiques toutes ensemble ou l'une d'elles en particulier; c'était là déjà un champ assez vaste à ses talents.

1 Nous trouvons cette distinction dans un statut de l'Université, en date de l'année 1301, qui énumère, comme appartenant à l'art de guérir, les chirurgiens, les apothicaires, les herboristes et les médecins. Les trois premiers doivent toujours se renfermer dans l'exercice de leur profession : le chirurgien dans les opérations manuelles; l'apothicaire dans la composition des médicaments; l'herboriste dans l'administration des simples, et tous suivant les prescriptions du médecin, qui est le Maître de l'art. Les étudiants en médecine ne devaient s'ingérer à pratiquer qu'en présence d'un médecin et suivant ses conseils. Néanmoins, jusque dans les derniers temps, les bacheliers en médecine en cours de licence exerçaient la profession sans empêchement, quoique ce fût sans autorisation légale. (Cf. Crevier, liv. II, § 2).

à son génie même. Il pouvait aussi, après ce premier pas dans le domaine scientifique, prendre l'une ou l'autre des directions ouvertes devant lui par les trois Facultés supérieures et choisir à son gré l'étude de la médecine, du droit ou de la théologie; ses connaissances philosophiques le rendaient apte à tout, il n'avait qu'à consulter ses goûts et la vocation que lui faisait la Providence.

Tel était dans son ensemble l'enseignement des Universités. On ne peut nier que, par sa conception générale, ce plan ne réponde bien à la fin que doit se proposer l'enseignement public dans toute société civilisée former l'esprit de la jeunesse par une culture raisonnée et préparer à la société d'utiles auxiliaires dans toutes les fonctions qui intéressent le bien public. C'est la fin même des Universités, c'est la raison d'être de leur organisation et en particulier de cette concentration de toutes les branches de l'enseignement en un même corps académique, de l'ordre et de la hiérarchie qu'on y avait établis.

Deux questions se présentent ici : 1° Ce plan était-il assez complet, embrassait-il réellement tout le domaine scientifique, tout le savoir utile à l'homme et nécessaire aux diverses professions libérales? 2° L'ordonnance, la distribution de ses parties répondaient-elles exactement aux conditions naturelles de l'enseignement, aux besoins de l'esprit humain? Peut-on dire qu'il tendait efficacement à son but, à former des intelligences capables de juger et de raisonner bien en toutes les choses de leur ressort? La réponse à ces deux questions fera mieux ressortir encore avec quelle sagesse, fondée sur l'expérience, nos pères ont procédé dans l'établissement des Universités.

I

Toutes les sciences, disons-nous, que l'esprit humain peut cultiver et dont il tire avantage pour sa perfection, naturelle ou surnaturelle. étaient divisées en quatre Facultés ou branches

principales les Arts, la Médecine, le Droit et la Théologie. Assurément, si pour juger cette division on consulte l'état actuel des sciences, on ne manquera pas de la trouver, sinon fausse, du moins défectueuse en plus d'un point. Ainsi, la Médecine, le Droit, la Théologie, voilà bien en effet trois Facultés, trois genres de science, qui offrent les unes à l'égard des autres des caractères nettement distincts, en même temps qu'ils renferment un certain nombre d'espèces parfaitement homogènes. Ce sont trois domaines scientifiques dont les limites peuvent être facilement tracées, parce que leur étendue à chacun est déterminée par leur objet propre. Aussi avons-nous maintenu cette division ancienne, qui s'impose en quelque sorte d'ellemême.

Mais la Faculté des Arts, avec ses deux divisions: BellesLettres et Philosophie, nous semble constituer un tout à la fois incomplet comme genre et disparate dans ses espèces. La grammaire, la poésie et l'éloquence ne sont pas toutes les Belles-lettres; plusieurs autres sciences en font aujourd'hui partie, qui n'étaient pas comprises dans la Faculté des Arts. De même la méthaphysique, la physique et les mathématiques limitent trop le champ des sciences qui ont pour objet l'explication des phénomènes de la nature.. Nous avons agrandi ce champ d'une manière considérable; les sciences physiques et les sciences mathématiques ont des congénères d'espèces différentes, qui réclament aussi leur place dans l'enseignement universitaire. D'ailleurs, quelle analogie existe entre les sciences physiques ou mathématiques et la poésie ou l'éloquence, pour qu'on puisse faire des unes et des autres les espèces d'un même genre, de simples divisions d'une seule et même Faculté, appelée Faculté des Arts?

Oui, sans doute, depuis deux siècles, les découvertes se sont accumulées, le domaine de la nature a été exploré sur nombre de points à peu près inconnus de nos pères et il en est résulté que le cadre primitif de l'enseignement, devenu trop étroit, devra nécessairement s'élargir pour donner place à un certain nombre de sciences nouvelles, tout aussi importantes que leurs aînées. Cela prouve du moins que l'organisation des études dans les anciennes Universités, loin de mettre aucun obstacle

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