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telle ou telle opinion, tel ou tel système doctrinal, pourvu que leur enseignement demeuràt toujours dans les limites d'une vraie probabilité.

On conçoit, ce qu'observe très bien le P. Mendo, que l'enseignement conçu avec cette largeur devait naturellement profiter aux intelligences et leur ouvrir une vaste carrière. Toutes les opinions raisonnables avaient en quelque sorte droit de cité dans les académies, et elles trouvaient des maîtres pour les défendre. Quel stimulant pour approfondir chaque question et trouver des raisons nouvelles qui missent la vérité dans un jour plus clair, jusqu'à produire l'évidence dans les esprits, s'il était possible! On ne craignait donc aucun inconvénient grave de cette diversité dans l'enseignement des maîtres, non plus que de cette grande liberté laissée à toutes les opinions probables, dès lors qu'elles ne contredisaient aucune vérité de la foi chrétienne.

J'ajoute, en ce qui regarde l'enseignement libre, qu'aucune méthode n'était non plus imposée aux professeurs, qui n'avaient à prendre conseil que d'eux-mêmes pour la manière de faire leurs cours et de donner leurs leçons. Ils pouvaient, par conséquent, s'en tenir à la manière prescrite aux maîtres de l'Université et dicter comme eux leurs leçons aux élèves; mais ils pouvaient aussi, si bon leur semblait, ne rien dicter et exposer leur sujet en forme de discours suivi ou de conférence familière. Si même leur génie inventait un autre moyen de transmettre la science à leurs auditeurs, rien ne les empêchait de s'en servir; la porte était grandement ouverte à tous les progrès possibles en pareille matière, et assurément on leur faisait bon accueil.

Tout autre était la situation des maîtres, qui occupaient soit dans les Universités, soit dans les collèges, une chaire fondée. Les règlements universitaires ou les statuts particuliers. des collèges déterminaient pour eux les trois choses dont nous venons de parler le temps, la matière et la méthode de leur enseignement.

A Paris, l'année était partagée en temps d'étude et temps de vacation. Les plus longues vacations étaient celles d'été, et

elles duraient (dans la Faculté des Arts) tout le mois de septembre. Il y en avait d'autres plus courtes aux environs des grandes fêtes, telles que Noël et Pâques. Le temps d'étude se partageait en deux parties, que l'on appelait grand ordinaire et petit ordinaire. Le grand ordinaire commençait à la SaintRémi et durait jusqu'à Pâques : l'espace du Carême était communément destiné aux Déterminances. Le petit ordinaire, ainsi nommé parce qu'il était le plus court, commençait à Pâques et les leçons ne s'y soutenaient guère avec vigueur que jusqu'à la fin de juin, quoique les exercices académiques des maîtres ne cessassent absolument qu'à la Saint-Barthélemy (24 août). On appelait les leçons dont je viens de parler ordinaires. parce que l'ordre en était réglé et qu'elles étaient données par les maîtres ès-Arts. Les cursoires, faites par les bacheliers, n'avaient pas un temps bien fixe, et elles se continuaient même pendant les vacances. »

Cependant la distribution du temps d'étude et de vacances n'était pas partout la même dans les universités; les circonstances locales devaient naturellement introduire sur ce point une assez grande variété. Ainsi, à Salamanque, l'usage était que les professeurs titulaires fissent leurs leçons de la fête de Saint-Luc (18 octobre) à celle de la Nativité de Saint-Jean Baptiste (24 juin); au lieu que les bacheliers et les maîtres libres les continuaient jusqu'à la Nativité de la Bienheureuse Vierge (8 septembre). Il y avait en outre, durant l'année, un assez grand nombre de jours fériés, sans compter les fêtes communes de l'Église et les fêtes particulières de l'Université, auxquelles il n'y avait pas de leçons. Mais ces jours-là étaient réservés aux thèses publiques des trois Facultés de Théologie, de Droit et de Médecine, et il ne se présentait guère de fête, qui ne fût ainsi occupée par une soutenance. Les thèses de philosophie pour la licence ès-arts avaient lieu régulièrement le samedi, dans l'après-midi 3.

Dans les autres Facultés, d'après un statut de 1335, l'ouverture des vacances solennelles avait lieu a la fête des SS. Apôtres Pierre et Paul (29 juin) et elles finissaient également à la saint Rémy (1er octobre). * Crevier, Hist. de l'Univ. de Paris, t. 11, liv. IV, § 1.

3 Cf. Mendo, lib. I, q. ví, § 3.

Pendant tout le temps d'étude réglementaire. les maîtres étaient obligés à donner leurs leçons; s'ils ne le faisaient point, ils étaient passibles d'une amende qu'on prélevait sur leurs honoraires de professeurs. Le sénat de l'Université pouvait même priver de sa chaire un maitre qui ne remplissait ses obligations ni par lui-même ni, en cas d'empêchement légitime, par un suppléant.

?

Les casuistes du droit académique posent à ce sujet une question qui nous révèle un trait de mœurs assez singulier dans la corporation universitaire. A quoi est obligé un professeur, demandent-ils, lorsqu'il ne réunit plus autour de sa chaire un seul élève? Est-il tenu, même en ce cas-là, de demeurer auprès de sa classe pendant tout le temps des leçons Premièrement, répond-on, il n'y a pas de doute que, si le professeur ne se trouve point dans sa classe, il est passible de l'amende ordinaire, infligée à tous ceux qui ne lisent pas ou sont absents; le règlement est formel sur ce point. Secondement, outre la question d'amende, il y a celle du devoir de conscience. Ici, il faut distinguer, car l'année scolaire se partage en deux temps, qui n'ont pas la même importance au point de vue des études : le temps des leçons ordinaires et le temps des leçons cursoires. Pendant le premier temps, l'affluence des élèves est grande, et le professeur doit en consscience se tenir à la disposition de ceux qui, peut-être, se décideront à venir l'entendre. Sa chaire a été fondée et il en reçoit les honoraires pour cela; il faut donc qu'on le trouve toujours prêt à donner ses leçons à qui les réclame. Mais dans le deuxième temps les élèves deviennent rares, et dès lors le professeur n'a plus la même obligation de se présenter au gymnase, si les auditeurs lui font défaut 2.

La concurrence des maîtres libres faisait donc sentir son aiguillon, et parfois d'une façon très piquante aux professeurs titulaires des Universités. Entre plusieurs chaires où les mêmes matières étaient enseignées, on allait à la meilleure et les professeurs avaient fort à faire, par leur travail et par leurs talents, pour attirer ou retenir près d'eux les élèves. C'est ainsi

Cf. Mendo, lib. II, q. xxvI.

que la liberté de l'enseignement corrigeait les défauts de la propriété des chaires : les professeurs titulaires ne devaient pas s'endormir sur l'oreiller commode de la routine, sinon le vide se faisait bientôt autour d'eux et leur créait une situation sans honneur.

Les règlements académiques qui fixaient les temps d'étude. déterminaient également les matières que chaque professeur devait enseigner dans sa chaire, et souvent aussi les auteurs et les ouvrages à lire aux élèves. Ainsi, à Salamanque, dans les chaires de théologie, matin et soir, les professeurs devaient lire et interpréter le Maître des Sentences, Pierre Lombard; dans la chaire d'Écriture sainte, il fallait expliquer les saintes Écritures; et dans celles de Durand, de saint Thomas et de Scot, ce sont les écrits de ces trois docteurs qui servaient de thème aux leçons des maîtres. Il en était de même dans toutes les Facultés, qui avaient chacune leur programme d'enseignement et leurs auteurs à expliquer, sans que les maîtres eussent la liberté de s'en écarter.

Il y a plus, on faisait aux titulaires des chaires de l'Université une obligation d'exposer et de défendre toutes les opinions probables des auteurs, qu'ils avaient mission d'interpréter aux élèves. Le professeur, par exemple, qui occupait la chaire de saint Thomas à l'Université de Salamanque, devait suivre en toutes choses la doctrine du docteur angélique; il ne pouvait ni l'abandonner ni le combattre, à moins que sur certains points saint Thomas ne se trouvât en désaccord unanime avec l'opinion des autres docteurs et avec le sentiment de l'Église, comme il arrivait entre autres au sujet de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge. De même, le titulaire de la chaire de Duns Scot était tenu de se conformer aux opinions de ce docteur, dont les écrits servaient de texte à ses leçons. Ailleurs, c'était ou Pierre Lombard ou Durand ou quelque autre docteur célèbre, qui devenait en quelque sorte le manuel du cours et le professeur le suivait pas à pas dans les explications qu'il donnait aux élèves.

Dira-t on que c'était restreindre beaucoup la liberté des opinions, placer l'enseignement dans une ornière dont il ne devait

pas sortir, et, par conséquent, rendre impossible tout progrès, toute perfection de la science? Mais, au contraire, le P. Mendo montre très bien que cette obligation imposée aux maîtres avait précisément pour but de conserver dans les écoles la diversité de doctrines ou plutôt d'opinions sur les points dis cutés, parce qu'il importe au bien de l'Église, parce que c'est l'intention formelle des Souverains-Pontifes et des fondateurs des Académies, qu'on y explique et qu'on y défende toutes les manières de penser des grands maîtres. On voit ce qu'il en est de la prétendue inféodation des scolastiques à la doctrine d'Aristote ou de quelque autre docteur que ce fût. puisque la liberté la plus grande était laissée aux professeurs non titulaires et que les autres étaient obligés d'office à expliquer et à soutenir les doctrines les plus diverses et le plus souvent contradictoires'.

N'oublions pas, d'ailleurs, que, dans les Universités, les chaires de propriété étaient principalement destinées à donner l'enseignement fondamental et nécessaire en chaque Fa

culté.

La philosophie, par exemple, dans les quatre parties qui la composent; logique, métaphysique générale (ontologie), métaphysique spéciale (cosmologie, anthropologie, théologie naturelle), morale et droit naturel, renferme un assez grand nombre de notions élémentaires très importantes et sans lesquelles aucune intelligence ne peut aborder avec succès l'étude des problèmes spéciaux, que cette science doit examiner et résoudre. Comment étudier l'histoire de la philosophie, comment faire la critique des systèmes inventés par l'esprit humain, pour répondre aux questions les plus vitales sur Dieu, l'homme et le monde, si la raison ne possède tout d'abord certains principes ou vérités indubitables, qui lui servent, non à découvrir, mais à apprécier les faits et à en tirer, par voie de raisonnement, un jugement définitif sur la valeur de chaque système? Ainsi en est-il des lettres, des sciences physiques ou naturelles, de la théologie, de toute science, en un mot qui repose

1 Cf. Mendo, 1. H, q. 1,

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