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Jeune professeur, je rentrais au collège. Sans avoir le cœur serré, j'étais cependant ému. A mon départ j'avais vu ma mère me quitter tout d'un coup après m'avoir embrassé. Mais son mouvement n'avait pas été si rapide qu'il ne m'eût laissé voir des larmes dans ses yeux. La moindre commotion fait déborder le vase trop plein. Elle montait à une chambre d'où elle devait. me suivre sur la route de la gare. Me détournant à demi, je vis de loin son regard fixé sur moi, je lui fis un dernier signe. Je continuai ma route, triste, et dans ma mémoire chantèrent obstinément les vers touchants et doux que Brizeux met dans la bouche de sa mère :

Oui, quand tu pars, mon fils, oui c'est un vide immense...

J'en ai pour tous ces mois d'octobre et de novembre

A te chercher partout, mon fils, de chambre en chambre.

Que de tours à la chambre abandonnée! C'est lui! Le voilà! Elle l'appelle, elle croit l'entendre! c'est son pas dans l'escalier. L'illusion tombe; et, à chaque fois, elle sent un coup au cœur quand il lui faut s'avouer qu'il est parti.

Oui, pendant quelques mois, l'enfant a été la joie de cette famille, la fête perpétuelle de ces vieux. Ils les rêvaient si longs, ces deux mois d'août et de septembre! Ils avaient été si lents à venir! Mais ils ont passé dans un rêve, et la faim de voir leur enfant leur reste au cœur, à ces parents! L'enfant est jeune, actif, il est la vie à la maison, il apporte le bruit joyeux et discret, les petites malices tant aimées! Sans doute les bons parents ont dû déranger quelque peu leurs vieilles habitudes, mais on se rajeunit avec les jeunes. Quand je disparaissais au détour du chemin, je sentais que c'était la jeunesse avec son entrain, son mouvement, sa vigueur, qui fuyait la maison paternelle.

Ces pensées m'avaient rembruni le front et je voyais bien vide la maison où je n'étais plus. Quand j'arrivai à la gare, je trouvai un branle-bas universel qui, à un autre moment et dans d'autres dispositions, n'eût pas manqué de m'égayer. Des jeunes gens allaient faire leurs treize jours. Ils partaient, déguisant un ennui réel sous les apparences d'une gaîté tapa

geuse; c'étaient des chants, plein la poitrine, des rires sonores. des appels sans fin criés d'un bout du convoi à l'autre.

Je redoutais le voisinage de leur bruyante société : à ce moment, les cris de ces robustes campagnards me faisaient mal, leur joie me paraissait intempestive. Dans une voiture toute calme, je trouvai deux enfants en uniforme qui rentraient à leur colllège. Ah! les bonnes figures rondes de petits paysans! des traits irréguliers, un teint hâlé, des pommettes rouges, l'œil voilé, le regard doux et lent. Ils étaient assis de chaque côté d'une femme en deuil, jeune encore, aux mains roussies, au front tout bruni dans sa coiffe blanche. Tous les trois parlaient fort peu toute la vie de leur âme était dans leur imagination qui leur représentait tour à tour le passé qu'ils quittaient, l'avenir dans lequel ils allaient entrer.

Cette jeune paysanne à laquelle ils ressemblent si peu est-ce leur mère?

La femme ouvrit un panier qu'elle tenait serré près d'elle et en tira un gâteau épais, beurré, doré, comme on sait les faire à la campagne.

Paul, prends ce morceau.

Le bambin ne se le fit pas répéter et ses dents blanches y mordirent joyeusement.

Henri, en veux-tu aussi? Tiens, mets ce morceau dans ta

poche.

Le plus jeune regarda le panier la serviette était vide.

Mais toi, tu n'as rien, dit-il en regardant la jeune femme. Doucement elle sourit, tournée vers l'enfant. Des larmes lui gonflaient les paupières :

-Oh! moi, je n'ai pas faim.

C'était bien leur mère; toutes les mères sont ainsi quand leurs enfants les quittent, elles n'ont jamais faim.

Tout à l'heure je vais prendre vos nouveaux billets; vous serez sages en chemin de fer; Henri, tu ne te pencheras pas à la portière.

Elle sortit du panier deux pêches, beaux fruits jaunes, au duvet fin et blond.

--

Prenez, mais ne salissez pas vos uniformes.

A la station suivante les trois voyageurs descendirent. Les

deux enfants, les poches gonflées, portant maints paquets, trouvèrent là un professeur qui devait les conduire au pensionnat. Après un gros baiser, la mère resta seule à la gare ; et je la vis rêveuse qui, elle aussi, suivait du regard sa joie, sa vie, ses espérances qui s'en allaient dans des nuages de fumée.

Huit jours passés! Chacun est rentré dans ses habitudes! L'enfant travaille et joue; au milieu de ses camarades, cherchant à éviter le vol d'une balle habilement lancée, il oublie la famille; la mère est prise par les soins du ménage; et, grâce à cette utile diversion, les regrets perdent ce qu'ils ont de trop amer; de son côté, le professeur est heureux de retrouver ses livres, sa chaire, de voir de nouveaux élèves dont il va, pendant l'année qui commence, se faire de fidèles disciples, auxquels il va s'attacher et se dévouer comme à de jeunes amis.

C. VERDIER.

RAYON D'OR

Un mendiant passait, traînant sur le chemin
Sa vieillesse haineuse et sa pauvreté fière.
Ses enfants? vagabonds. Sa femme? au cimetière.
Jamais dormir, toujours marcher, souvent sans pain.

Un paysan fauchait, tordu sur la bruyère.
Puis, essuyant son front du revers de sa main,
1l geignait et jurait contre un sort inhumain :

« Je mange peu, je bois de l'eau, je dors à terre. »

Sa fille, blonde enfant, vit son œil angoissé.
Elle parut comme un rayon dans un nuage :
«Veux-tu ? je vais t'aider, ton bras est si lassé! »

Et cette voix d'enfant raviva leur courage:
L'homme qui maudissait reprit cœur à l'ouvrage,
Le mendiant sentit battre son cœur blessé.

H. C.

CHRONIQUE DES FACULTÉS

Pour le chroniqueur, il n'est guère de vacances. Quand d'autres se reposent, il faut qu'il soit toujours aux aguets. Heureux encore est-il et c'est le côté piquant de son rôle — lorsqu'on vient troubler sa quiétude et alimenter sa chronique. Mais n'attendez pas de lui oh! non une charmante causerie sur les vacances, comme celle qui a été insérée dans ce numéro: il n'a ni le temps, ni l'art peut-être, de flâner aussi agréablement. Cette fois, pourtant. il n'a pas à se plaindre. Vous verrez, à la poignée de nouvelles qu'il vous donnera, que sa chasse a été fructueuse et que les Facultés catholiques, dont il raconte les gestes, sont bien vivantes.

La série des examens a été close seulement vers les premiers jours d'août. Je n'ai donc pas pu vous en donner le compte rendu dans ma dernière chronique. Le voici, aujour

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