Billeder på siden
PDF
ePub

savent pas s'industrier. Si la ville venait plus en aide au village, si l'Espagne, lasse de guerres et d'agitations, savait avec habileté utiliser ses nombreuses ressources, un luxe de propreté et de bien-être ferait place aux ruines actuelles. En attendant, le paysan, laborieux mais impuissant, se réfugie dans son home, et là, du moins, non sans peine, il fait régner la propreté qu'il aime... comme il le peut.

(A suivre).

Pierre SUAU, S. J.

CAUSERIE SUR LES VACANCES

Le professeur prépare ses vacances en passant chez le libraire, mais non chez l'éditeur. La fin de l'année scolaire a été chargée, et il en est peu, parmi ceux qui enseignent, qui aient eu, dans les mois de juin et de juillet, les loisirs nécessaires pour brocher quelques pages de Revue ou rimer quelque nouvelle. Laissez passer les vacances; tout en faisant une excursion, on note, on crayonne. Chacun reviendra, les tiroirs pleins d'essais, la tête bourdonnante de chansons, l'imagination hantée de projets: des boutons qui fleuriront...... peutêtre.

Faire un projet ne coûte guère;

Mais le diable est d'exécuter.

Hier s'est faite la distribution des prix. Les forts en thème et les élèves sans couronne sont partis, également joyeux : pour reconnaître les heureux vainqueurs, ce n'est pas tant la physionomie des enfants que celle des parents qu'il faut étudier. Il est des mères qui sont bouffies d'orgueil par le succès de leur progéniture.

- Nous avons dix prix cette année !

Pourquoi cette joie maternelle si légitime va-t-elle se perdre en une vanité ridicule ?

La maison est vide : elle ressemble à un navire que l'on radoube au port. Les ouvriers l'enveloppent d'échafaudages. d'échelles. De toute part, on balaie, on frotte, on nettoie. Elle est en proie aux peintres, aux serruriers, aux couvreurs, aux

maçons.

A leur tour, les professeurs quittent le collège plein de poussière, tout sonnant de coups de marteaux. Le modeste traitement en poche, la joie de partir au cœur, ils se rencontrent chez le libraire. On fait ensemble les « provisions intellectuelles des vacances.

Quel regard de pitié et presque de dédain pour les bons. classiques anciens et modernes, si solidement cartonnés !

Vous n'achetez pas ce Virgile, et ce Molière, expurgé à l'usage de la jeunesse ?

Ces vieux amis, c'est étonnant comme on a besoin de leur fausser compagnie pendant quelques semaines !

- Pourtant adolescentiam alunt... pernoctant nobiscum, peregrinantur, rusticantur...

On les retrouvera au retour, on sait qu'ils attendent, et l'on abuse de leur fidélité.

[blocks in formation]

-

Ah! Tout pour le czar et pour la Russie. C'est la mode.
Oui, comme dans Michel Strogoff.

Alors vous louez une troïka pour aller étudier les moujiks?

Je veux voir si M. de Vogüé n'a pas vanté à l'excès cette littérature de nos bons amis du Nord.

Tout en causant, on parcourt du regard les rayons de livres ; plus d'un titre fascine et séduit; on prend l'ouvrage à la main, on déchiffre quelques lignes entre les pages non coupées! Ah! si la bourse se dilatait avec les désirs!

Vous ne prenez pas la Débâcle, 120o mille?

- J'en ai lu vingt pages, je n'ai pas continué, ça me fait mal : après cette lecture j'étais attristé, et, chose curieuse, fatigué comme si l'on m'avait battu.

En se retirant, le professeur de rhétorique emporte quelque roman nouveau d'un auteur en vogue, deux ou trois volumes

spirituels des Lemaître, des Doumic, des Faguet. C'est si douce jouissance, loin des usines et des chemins de fer, de déguster un éreintement de Georges Ohnet, quand on vient de relire le Maitre de Forges.

Mais, ne trouvez-vous pas qu'on abuse de la critique littéraire ? Que d'essais, de conférences, d'études, d'impressions le XIX siècle a publiés! Non seulement on les édite, mais on analyse le procédé, on décrit l'art de faire une conférence, et bientôt on nous dira les moyens d'éprouver de vives émotions à la lecture d'un beau livre, à l'audition d'un discours éloquent. Vous avez vu des éditions de la Bible comme celle de Cornelius a Lapide. Le texte est noyé dans les commentaires. Vous ouvrez une page, vous cherchez en vain un verset du texte sacré, il n'y a qu'annotations. Il en serait ainsi de n'importe quelle pièce de nos classiques si l'on réunissait seulement le dixième des travaux qu'elle a suscités. En s'amusant à lire les Impressions, on perd le goût de lire les auteurs mêmes; ou, si on les étudie, on devient incapable d'une émotion franche et neuve. Des commentateurs sicut a peste et bello

nos, Domine.

libera

Quand la nuit tombe, le professeur d'histoire en vacances s'enferme seul avec quelques livres amis. Après les causeries de la journée, ordinairement si vides, même lorsqu'elles ne sont pas banales, il s'entretient longtemps avec Saint-Simon s'il aime les cancans du passé, avec le général Marbot s'il préfère les récits sans prétention. Peut-être. encouragé par l'exemple, pris lui aussi de la vaniteuse maladie de parler de soi, il rédigera ses propres mémoires, et, s'il est brave, il les mènera jusqu'à la quinzième page.

Au moment de quitter les Rabier, les Boirac, les Fouillée, le professeur de philosophie a consulté les catalogues de F. Alcan et de Hachette pour ses heures sérieuses, peut-être ceux de Calmann Lévy pour ses journées de flânerie. F. Alcan lui offre sa grande bibliothèque de philosophie contemporaine. Ce qu'il veut pour les vacances, ce n'est ni Kant, ni Leibniz. Il est attiré davantage par les ouvrages de psychologie spéciale. H. Spencer, Wundt, Ribot, Ch. Richet, de Rochas, Bernard Pérez et

ses études d'enfants, Lombroso et ses essais sur la criminalité.

C'est que les vacances sont l'époque des études libres. Et peutêtre ces libres études sont-elles les plus profitables! Elles ont les avantages et les inconvénients des excursions: on sort de son centre, de son cercle nécessairement étroit; on va voir dans la maison ou dans le champ du voisin ce qui s'y passe d'intéressant; on en revient, sinon émerveillé, du moins quelque peu étonné, dépaysé. Mais:

Plus je vis l'étranger, plus j'aimai ma patrie.

Voilà toute une école qui se forme pour tenter l'explication des faits de télépathie. Déjà bon nombre de phénomènes fort poignants sont relevés, catalogués. Dans les Annales des Sciences psychiques, le Dr Dariex et ses adeptes racontent, recueillent des pressentiments, des vues à distance, des hallucinations télépathiques, des correspondances d'esprits. On cherche des lois générales, on demande des explications. La science n'est donc pas achevée, mais il y a là des essais intéressants. Y a-t-il des découvertes d'ordre scientifique; il serait téméraire de l'affirmer, mais on entasse et on classe. Bientôt ce recueil sera un magasin de matériaux fort bien meublé. Des théories s'édifient, qui croulent à peine dressées par l'imagination créatrice de leur auteur; d'autres sont jetées en ballons d'essai. De ce choc d'idées jaillira quelque lumière; ces études servent du reste à éclairer quelques points secondaires de la psychologie expérimentale mal connus. Comme M. Taine a d'abord entassé des documents énormes, puis a dégagé quelques lois dans son traité de l'Intelligence, ainsi peut-être un amateur des sciences psychiques verra poindre quelques sommets, quelques arêtes au milieu des faits uniformément plats et singuliers enregistrés jusqu'ici, et groupera autour de cette colline pressentie les taupinées signalées çà et là et commencera d'entrevoir la chaîne qui les unit entre elles.

Lorsqu'on aura épuisé toutes les hypothèses absurdes, peutêtre la loi cherchée se montrera-t-elle simple et sans voile.

« ForrigeFortsæt »