Nous disait, en branlant la tête : Que d'amoureux j'eus autrefois! Combien je regrette Mon bras si dodu, Ma jambe bien faite, Et le temps perdu!
Quoi! maman vous n'étiez pas sage? -Non vraiment; et de mes appas Seule à quinze ans, j'appris l'usage; Car la nuit je ne dormais pas. Combien je regrette
Mon bras si dodu, Ma jambe bien faite, Et le temps perdu!
Maman, vous aviez le cœur tendre? Oui, si tendre qu'à dix-sept ans Lindor ne se fit pas attendre, Et qu'il n'attendit pas long-temps. Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite, Et le temps perdu!
Maman, Lindor savait donc plaire? -Oui, seul il me plut quatre mois; Mais bientôt j'estimai Valère, Et fis deux heureux à la fois. Combien je regrette Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite, Et le temps perdu!
Quoi! maman, deux amans ensemble? -Oui, mais chacun d'eux me trompa. Plus fine alors qu'il ne vous semble, J'épousai votre grand papa. Combien je regrette Mon bras si dodu, Ma jambe bien faite, Et le temps perdu!
Maman, que lui dit la famille? -Rien; mais un mari plus sensé Eût pu connaître à la coquille, Que l'œuf était déjà cassé. Combien je regrette Mon bras si dodu, Ma jambe bien faite, Et le temps perdu!
Maman, lui fûtes-vous fidèle? -Oh! sur cela je me tais bien. A moins qu'à lui Dieu ne m'appelle, Mon confesseur n'en saura rien. Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu!
Bien tard, maman, vous fûtes veuve? - Oui; mais grâces à ma gaîté,
Si l'église n'était plus neuve,
Le saint n'en fut pas moins fèté. Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite, Et le temps perdu!
Comme vous, maman, faut-il faire? -Hé, mes petits enfans, pourquoi, Quand j'ai fait comme ma grand'mère, Ne feriez-vous pas comme moi? Combien je regrette
Mon bras si dodu, Ma jambe bien faite, Et le temps perdu!
LE PRINTEMPS ET L'AUTOMNE.
DEUX saisons règlent toutes choses, Pour qui sait vivre en s'amusant : Au printemps nous devons les roses, A l'automne un jus bienfaisant. Les jours croissent, le cœur s'éveille; On fait le vin quand ils sont courts. Au printemps, adieu la bouteille! En automne, adieu les amours!
Mieux il vaudrait unir sans doute Ces deux penchans faits pour charmer; Mais pour ma santé je redoute De trop boire et de trop aimer. Or, la sagesse me conseille De partager ainsi mes jours: Au printemps, adieu la bouteille! En automne, adieu les amours!
Au mois de mai, j'ai vu Rosette, Et mon cœur a subi ses lois.
Que de caprices la coquette M'a fait essuyer en six mois! Pour lui rendre enfin la pareille, J'appelle octobre à mon secours. Au printemps, adieu la bouteille! En automne, adieu les amours!
Je prends, quitte et reprends Adèle, Sans façons comme sans regrets. Au revoir, un jour me dit-elle ; Elle revient long-temps après. J'étais à chanter sous la treille : Ah! dis-je, l'année a son cours. Au printemps, adieu la bouteille! En automne, adieu les amours!
Mais il est une enchanteresse Qui change à son gré mes plaisirs. Du vin elle excite l'ivresse, Et maîtrise jusqu'aux désirs. Pour elle ce n'est pas merveille De troubler l'ordre de mes jours, Au printemps avec la bouteille, En automne avec les amours.
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