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PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA THERMOCHIMIE;

PAR M. BERTHELOT.

SIXIÈME MÉMOIRE.

SUR LA CHALEUR DE COMBINAISON RAPPORTÉE A L'ÉTAT SOLIDE; NOUVELLE EXPRESSION THERMIQUE DES RÉACTIONS.

1. Les quantités de chaleur dégagées dans les actions chimiques ne se prêtent point en général à des comparaisons théoriques, parce que l'état des corps réagissants n'est pas le même pour tous, les uns étant gazeux, d'autres liquides ou dissous, d'autres solides, tantôt cristallisés, tantôt amorphes, ce qui comporte encore de grandes diversités (1). En outre les variations de température modifient la chaleur dégagée, à cause des changements d'état, des changements de chaleurs spécifiques, et surtout à cause de l'inégalité entre la chaleur spécifique des corps réagissants et celle des produits de leur réaction. La théorie pure exigerait que l'on pût opérer toutes les actions et en calculer les effets dans l'état gazeux et à volume constant (2). Par malheur, cette condition ne peut être remplie que dans des cas exceptionnels.

2. Cependant les travaux de MM. Hess, Andrews, Favre et Silbermann ont montré que les actions réciproques des acides et des bases paraissent devenir comparables dans l'état dissous, les chaleurs dégagées ne différant pas beaucoup : j'ai déjà eu occasion d'insister sur ce point (3), en rappe

(1) Sur la formation des précipités; voir le présent volume, p. 164. (*) Annales de Chimie et de Physique, 4a série, t. VI, p. 316, et le présent volume, p. 10.

(*) Annales de Chimie et de Physique, 4o série, t. VI, p. 324 (1865).

lant que les divers acides, bases et sels dissous dans une grande quantité d'eau, semblent tendre tous vers une sorte de désagrégation moléculaire pareille, et caractéristique de la fonction saline.

3. Mais il s'agirait là d'un seul groupe de corps et de réactions. En outre les espérances que l'on pourrait concevoir de trouver ainsi dans l'état liquide, ou dans l'état dissous, un terme général et absolu de comparaison entre les réactions chimiques, même réduites aux composés salins, disparaissent devant un examen plus précis et plus approfondi. Ce qui ne permet pas de s'y arrêter autrement que dans une première approximation, c'est d'une part la variation rapide et inégale des chaleurs spécifiques des liquides différents de l'eau, avec la température, et d'autre part l'inégalité entre la somme des chaleurs spécifiques des dissolutions primitives et autres liquides composants, et la somme des chaleurs spécifiques des dissolutions et liquides composés, qui résultent de la réaction de ces composants. Par exemple, l'union de l'acide chlorhydrique étendu (HCl + 100 H'0')

avec la soude étendue

(Na HO2+100 H2O2)

dégage vers 50 degrés: 12Cal, 600, précisément la même quantité de chaleur que l'union du même acide, à la même température, avec l'ammoniaque étendue

(Az H3, H2O2 + 100 H102).

Mais une telle égalité entre les quantités de chaleur dégagées par les deux bases unies successivement à un même acide est purement accidentelle; car elle tient à la température adoptée pour les comparaisons. En effet, les chaleurs spécifiques des dissolutions initiales diffèrent de celles des solutions finales, et cela dans une proportion inégale pour

chaque système. En tenant compte de cette inégalité, d'après la formule générale de la variation de la chaleur de combinaison, UV (voir ce Recueil, 4a série, t. VI, p. 304, et aussi le présent volume, p. 8), on trouve vers zéro :

(HCl +100 H'0') + (Na HO2 +100 H'0') dégage + 14,700 (HCl +100 H202)+(AzH3, H3O2 + 100 H202) + 12,500

quantités qui diffèrent de 2,200, c'est-à-dire de plus du sixième de la dernière valeur, tandis qu'elles étaient égales à +50°. A 100 degrés, le calcul indique une différence non moins grande, mais dans un sens contraire, la formation du chlorhydrate d'ammoniaque dégageant +12,700 et celle du chlorure de sodium +10,500, au lieu de 14,700 à zéro; ce qui fait une variation de près de moitié entre zéro et 100 degrés, pour la chaleur dégagée par la formation du chlorure de sodium dissous.

L'état dissous n'est donc pas réellement comparable, même pour la formation des sels. J'ajouterai que la chaleur dégagée dans cet état spécial des corps ne rend pas un compte suffisant des doubles décompositions qui s'opèrent dans les dissolutions, celles-ci ne pouvant être prévues que par le calcul des réactions entre les corps séparés de l'eau, combiné avec l'étude de l'influence spéciale du dissolvant sur chacun de ces corps (1).

4. C'est pourquoi j'ai pensé qu'il y avait quelque intérêt à rapporter la chaleur des réactions à un autre état physique, je veux dire l'état solide et cristallisé, presque toujours facile à réaliser pour tous les corps réagissants. Les quantités de chaleur calculées dans cet état ne varient que faiblement par les abaissements de température, entre 100 degrés et le point de fusion de la glace, et même jus

(1) Annales de Chimie et de Physique, 4e série, t. XXIX, p. 101, 433 et t. XXX, p. 533-539.

qu'au zéro absolu, à cause de la faible variation des chaleurs spécifiques des solides, et aussi à cause de la presque identité de la somme des chaleurs spécifiques des corps composants solides avec la somme des chaleurs spécifiques des corps solides résultants (voir ce volume, p. 19).

J'ai développé l'importance théorique de cette condition de l'état solide pour les réactions chimiques, dans un précédent Mémoire (p. 18 de ce volume) je me propose actuellement de fournir les données expérimentales nécessaires pour en compléter l'application.

5. Ces données sont principalement les chaleurs de dissolution, attendu que les quantités de chaleur dégagées par les réactions des corps dissous sont connues dans la plupart des cas j'en ai moi-même déterminé un grand nombre dans mes précédents Mémoires.

Appelons S la chaleur dégagée dans la réaction d'un système de corps solides, transformés en un nouveau système de corps également solides;

Soit

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la chaleur dégagée par la réaction des mêmes composants dissous à l'avance et séparément, puis mélangés, à la température t;

Soit D., D',... la chaleur dégagée par la dissolution séparée de chacun des composants solides, à la même température t;

Soit A, A,... la chaleur dégagée par la dissolution ou la fusion (1) de chacun des composés qui prennent naissance, supposés ramenés à l'état solide et à la tempé

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(') Je parle de fusion pour les corps tels que l'eau, qui se sépare à l'état liquide dans les réactions des corps dissous (voir ce Recueil, 4a série, t. XXX, p. 471).

6. Or, d'après les rapports qui existent entre les chaleurs spécifiques des corps solides, lesquelles sont à peu près la somme de celles de leurs éléments solides (voir ce volume, p. 19), pour les corps composés en général, on peut admettre que cette somme ne dépend guère que du nombre et de la nature des éléments, et qu'elle ne varie pas, ou presque pas, avec leur arrangement relatif. Dès lors la variation U-V de la fonction S avec la température (voir p. 8) devient négligeable. En d'autres termes,

La valeur de S, c'est-à-dire la chaleur dégagée dans la formation des composés solides au moyen de composants solides peut étre regardée comme indépendante de la température; elle l'est au moins entre zéro et 100 degrés, et même dans des limites plus étendues. Telle est la propriété fondamentale qui m'a déterminé à mettre en lumière cette nouvelle constante dans le présent Mémoire.

L'intervention d'un certain nombre de corps réellement solides dans les réactions des substances dissoutes (que ces corps préexistants se dissolvent ou se transforment pendant le phénomène, ou bien qu'ils se produisent à l'état de précipités ou de cristaux) ne change rien à l'équation précédente, pourvu que l'on y tienne compte de l'état réel des corps réagissants ou éliminés la fonction S s'applique donc aussi bien aux réactions opérées au sein des dissolutions qui ne changent pas d'état qu'aux précipitations qui peuvent s'y développer.

En résumé, il s'agit de déterminer les chaleurs de dissolution des corps solides et spécialement celles des acides, des bases et des sels : c'est dans cette intention que j'ai mesuré les nombres compris aux tableaux ci-après, lesquels viennent s'ajouter à ceux qui existent dans la science, pour permettre de construire un système très-étendu (1).

(1) Je renverrai à mes publications dans les Comptes rendus des séances

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