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sante, mais produites par deux sources très-différentes, se reproduirait-elle si l'on opérait sur deux masses identiques d'un même corps gazeux? La teinte de ces deux masses changerait-elle aussi suivant deux progressions différentes et qui dépendraient de la nature de la source de chaleur ? Enfin les spectres de la lumière émise par les deux masses gazeuses identiques ne pourraient-ils pas différer, tant par les rapports d'intensité entre leurs raies communes que par le nombre et la nature des raies elles-mêmes ?

Je ne voudrais pas décider sans réserves des questions d'une si haute importance pour l'analyse spectrale; mais les faits précédents me semblent justifier quelque doute, toutes les fois qu'il s'agit de définir l'état et la température d'une masse gazeuse portée au-dessus du degré où elle devient lumineuse.

6. L'extrême difficulté que l'on rencontre lorsqu'on veut réaliser des températures très-élevées, et que M. Deville a si bien mise en évidence, s'est manifestée à moi dans d'autres expériences que je poursuis depuis plusieurs années ; je demande la permission d'en dire quelques mots, à cause des grandes difficultés que j'y ai rencontrées et qui ne me permettent pas d'espérer une prompte terminaison.

Il s'agit de l'échauffement d'une masse gazeuse soumise à une compression brusque, de façon à transformer directement en chaleur la force vive du choc. En principe cette transformation est illimitée, de telle sorte que l'on conçoit la possibilité de porter ainsi un gaz à une température illimitée, par une sorte d'échauffement interne, qui réalise de la façon la plus directe la transformation de la force vive en chaleur, et consécutivement en mouvements chimiques. Une formule bien connue des mathématiciens indique la température théorique que l'on pourrait réaliser par une compression donnée.

J'ai fait construire, pour réaliser cette vue, un appareil dans lequel la chute d'un mouton de 500 kilogrammes, tom

bant d'une hauteur comprise entre 1 et 5 mètres, comprime subitement, par l'intermédiaire d'un piston d'acier, une masse gazeuse d'un volume égal à 50 centimètres cubes, renfermée dans un tube d'acier de 1 centimètre carré de section. La température que l'on devrait obtenir dans cette sorte de briquet à gaz, si toute la force vive du mouton se changeait en chaleur aux dépens de la masse gazeuse, s'élèverait à plusieurs centaines de milliers de degrés. J'ai fait divers essais avec cet appareil, au Collège de France; mais les résultats auxquels je suis parvenu ont été fort entravés jusqu'ici par la flexion et l'écrasement des tubes d'acier soumis au choc de l'énorme masse du mouton.

7. En voici le résumé, chaque essai n'ayant pu être fait qu'une fois ou deux :

1° L'oxyde de carbone et l'oxygène se sont combinés; mais une petite portion du mélange, un cinquième environ, est demeurée sans altération, comme si l'on était parvenu au voisinage de la température de dissociation de l'acide carbonique.

2o Cependant l'acide carbonique pur n'a éprouvé aucun changement.

3o Le protoxyde d'azote a tantôt résisté presque complétement; tantôt il a été décomposé entièrement, suivant les conditions.

4o Le gaz oléfiant, au contraire, n'a pas éprouvé de décomposition appréciable.

Il est difficile de calculer la relation qui existe entre la stabilité des gaz et leur température, dans des conditions si spéciales, où l'échauffement ne dure qu'un moment et se produit sous une pression de 500 atmosphères. En effet, les décompositions produites par la chaleur ne sont pas instantanées et la pression tend à élever la température nécessaire pour les produire. Tout ce que je puis dire, c'est que les expériences précédentes, si elles avaient eu lieu sous la pression atmosphérique et dans les conditions d'un

échauffement convenable, sans être trop prolongé, indiqueraient des températures comprises entre 500 et 1000 degrés environ. Si je donne ces chiffres, c'est pour préciser les idées, mais sansy insister, et surtout pour montrer combien est grande la proportion de la force vive et de la chaleur perdues aux dépens des enveloppes. Je poursuis ces expériences, qui ne seront peut-être pas sans intérêt pour l'étude des réactions produites par la combustion de la poudre dans les armes; mais, dans leur état présent, elles confirment, je le répète, l'opinion que l'on peut se former sur la difficulté de réaliser de très-hautes températures.

8. En général, il n'est pas possible de communiquer à la matière, sous une forme et par un procédé quelconques, une force vive croissant d'une manière illimitée; on ne peut ni faire rendre à un instrument un son d'une acuïté indéfiniment croissante, ni donner à un projectile une vitesse de projection ou de rotation indéfinie, quels que soient les artifices mécaniques employés pour communiquer la force vive. La difficulté de produire de très-hautes températures par les procédés dont nous disposons: sources de chaleur extérieure, courant électrique, énergie solaire concentrée, réactions chimiques, compression brusque des gaz, etc., rentre dans le même ordre d'idées ; mais il ne me paraît pas qu'on puisse transporter, avec quelque probabilité, les limites auxquelles s'arrête notre impuissance à un milieu différant autant que le Soleil de tout ce qui nous entoure.

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PRINCIPES GENERAUX DE LA THERMOCHIMIE.

HUITIÈME Mémoire.

RECHERCHES SUR L'ISOMÉRIE SYMÉTRIQUE ET SUR LES QUATRE ACIDES TARTRIQUES;

PAR MM. BERTHELOT ET JUNGFLEISCH.

1. On connaît les beaux travaux de M. Pasteur sur la dissymétrie moléculaire, regardée pendant si longtemps comme propre aux substances formées sous l'influence de la vie, et la découverte par ce savant des quatre acides tartriques isomères, l'acide droit, l'acide gauche, l'acide neutre (paratartrique ou racémique) et l'acide inactif, types généraux de l'isomérie symétrique. L'un de nous, M. Jungfleisch, a eu occasion de préparer ces quatre acides en grande quantité, dans le cours des expériences qui l'ont conduit à former les deux acides tartriques, doués du pouvoir rotatoire, au moyen de composés artificiels, tels que le gaz oléfiant, susceptibles d'être obtenus eux-mêmes par la synthèse totale de leurs éléments.

Nous avons pensé qu'il y avait quelque intérêt à mesurer par les méthodes thermiques le travail qui s'accomplit dans la combinaison de l'acide tartrique droit avec l'acide tartrique gauche, pour constituer l'acide racémique. M. Pasteur a montré que cette combinaison s'effectue lorsqu'on mélange les solutions concentrées des deux premiers acides: l'acide racémique cristallise aussitôt, non sans dégagement de chaleur. Cette observation prouve en même temps que l'acide racémique est moins soluble dans l'eau que ses composants. Mais la chaleur dégagée résulte-t-elle de la combinaison proprement dite, ou bien du changement d'état qui transforme deux corps dissous en un composé solide?

ou bien enfin est-elle due à cette circonstance que l'acide racémique, au moment même où il cristallise, s'unit avec 2 équivalents d'eau, pour constituer une combinaison ultérieure: C3 H® O12, 2 HO? C'est ce que l'expérience citée ne décide point et ce que nous allons examiner.

2. Chaleur de solution de l'acide tartrique droit. — Nous avons déterminé d'abord la quantité de chaleur absorbée lorsque 10 grammes d'acide tartrique droit se dissolvent dans 400 grammes d'eau, à la température initiale de 9°,7. Nous avons trouvé que la dissolution d'une molécule, CH6O12= 1508, absorbe-3 Cal, 275.

Ce nombre est un peu plus faible que la valeur — 3,450, donnée par l'un de nous dans des observations précédentes; mais elle avait été obtenue avec une concentration moindre (1 partie d'acide pour 50 parties d'eau) et à une température plus élevée (+21°). Ramenée par expérience à la même concentration, cette valeur devient -3,410, et l'écart qui subsiste avec 3,275 s'explique par l'inégalité des températures; d'après la formule générale applicable à toute réaction, et qui donne la variation de la chaleur Q dégagée aux températures T et t ('),

QrQU-V.

Dans le cas présent en particulier,

U V = (Ec — Ec,) (T − t).

Σc représente la somme des chaleurs spécifiques léculaires des composants, 1 acide tartrique et l'eau, soit 43,218n pour une molécule d'acide tartrique (*) et 18n parties d'eau.

(') Annales de Chimie et de Physique, 4° série, t. VI, p. 304.

(*) La chaleur spécifique, au sens ordinaire, de l'acide tartrique étant 0,288 d'après M. H. Kopp; nombre qu'il faut multiplier par le poids de la molécule, 150. Les chaleurs spécifiques des dissolutions étendues sont empruntées à M. Thomsen.

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