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moins d'un demi-milligramme de cyanure alcalin donne assez de couleur pour établir une pièce à conviction.

Mais, comme on ne saurait accumuler trop de preuves, et qu'en définitive la production du cyanure d'argent est de toutes, la meilleure pièce à conviction, puisqu'on peut en sortir le cyanogène et le faire brûler avec sa flamme pourpre caractéristique, et qu'en outre, il est aisé de le ramener à l'état d'acide cyanhydrique avec lequel on pourra reproduire les diverses réactions qui distinguent ce corps, je crois devoir indiquer un procédé fort simple, qui permet d'y arriver et qui me paraît à l'abri des reproches adressés au mode d'opérer de Taylor et même à celui de Pollnitz. J'ai mis à profit l'inactivité de l'acide carbonique vis-à-vis des cyanures doubles non toxiques, et sa propriété de décomposer le cyanure de potassium en acide cyanhydrique et carbonate de potassium ou bicarbonate, selon les conditions.

L'inactivité vis-à-vis des prussiates est parfaite, car lorsqu'on fait passer de l'acide carbonique à travers une dissolution de ferrocyanure de potassium pur, à la température ordinaire ou à 50 degrés, on ne sent pas d'odeur prussique, et le papier de gaïac trempé dans du sulfate de cuivre (réactif Schoenbein si sensible), qu'on interpose sur le trajet du gaz à sa sortie, ne bleuit pas. L'acide carbonique, ne donnant pas naissance à de l'acide ferrocyanhydrique, ne saurait donc être mis en suspicion comme l'acide tartrique employé par les auteurs que je viens de nommer. C'est, au contraire, à l'action de l'acide carbonique de l'air qu'est due l'odeur cyanhydrique qu'exhale le cyanure de potassium solide ou sa dissolution. Voici, de plus, une de mes expériences de cours destinée à montrer aux yeux cette activité : je fais traverser par un courant d'acide carbonique une solution de cyanure potassique dans l'alcool ordinaire, et l'on voit rapidement se former un précipité de carbonate de potasse.

Dans un cas d'expertise médico-légale, une partie de la bouillie des matières organiques, neutralisée par la soude pure, sera placée dans un ballon qu'un bain-marie chauffera à 40 ou 50 degrés. On fera barboter dans ce ballon un courant assez lent d'acide carbonique, purifié par lavage dans une eau aiguisée de carbonate de soude, et passage par deux tubes en U remplis de fragments de marbre, et un tube témoin à boules de Liebig, muni d'une solution acide de nitrate d'argent. Le gaz sortant du ballon, entraînant l'acide cyanhydrique, se rendra dans un tube de Liebig refroidi et renfermant de l'eau distillée, et de là dans un second tube de Liebig contenant une dissolution étendue de nitrate d'argent légèrement acide, qui saisira les traces d'acide cyanhydrique échappées à la condensation dans l'eau, et les précipitera à l'état de cyanure d'argent.

On pourrait aussi diriger le gaz sortant du ballon par un serpentin de verre refroidi à la glace fondante et disposé sur un petit matras récipient, d'où l'on conduirait ensuite le gaz par un seul tube de Liebig suffisamment rempli de dissolution acide de nitrate d'argent. On conçoit qu'avec de telles dispositions aucune trace d'acide cyanhydrique provenant de la décomposition du cyanure de potassium ne saurait échapper, et tout le parti que l'expert pourrait tirer de la dissolution d'acide cyanhydrique obtenu et du précipité de cyanure d'argent.

PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA THERMOCHIMIE (1);

PAR M. BERTHELOT.

SEPTIÈME MÉMOIRE.

SUR LES HAUTES TEMPÉRATURES.

1. L'existence des hautes températures en principe et la possibilité de les réaliser me paraissent devoir être distinguées avec soin.

En principe, nos théories actuelles indiquent qu'une masse gazeuse donnée peut acquérir une force vive indéfiniment croissante, c'est-à-dire une température illimitée ; au moins quand il s'agit des gaz simples, et tant qu'on n'élève aucun doute sur le caractère absolu des lois de Mariotte et de Gay-Lussac.

Sous cette réserve, il n'y aurait d'autre limite concevable que celle qui répondrait à une destruction de nos éléments actuels, transformés soit en des éléments plus simples, soit en la matière éthérée, une et universelle.

Mais, en fait, il se peut que l'intensité des radiations de toute nature, augmentant avec une extrême promptitude à mesure que la température s'élève, et par suite les déperditions de la force vive qui se communique aux milieux environnants, devenant de plus en plus considérables, rendent irréalisable toute température qui passerait une limite voisine des 2500 ou 3000 degrés observés dans les expériences de M. H. Sainte-Claire Deville.

2. Il convient, en outre, de faire ici une remarque capi

(1) Voir les Mémoires du 1er au 6o, p. 5 et suivantes. Ann.de Chim. et de Phys., 5a série, t. IV. (Février 1875.)

ΙΟ

tale. L'égalité de température de deux masses gazeuses identiques, définie par l'égalité de leur force vive totale, et même par l'égalité des forces vives des mouvements de translation des molécules, c'est-à-dire par l'égalité de volume sous une pression donnée) conformément à nos théories thermodynamiques), ne paraît pas impliquer comme conséquence nécessaire l'identité de cette classe particulière de mouvements vibratoires qui répondent aux radiations lumineuses ou chimiques. Il ne semble pas contradictoire, en effet, dans l'état présent de nos connaissances, de concevoir l'existence de deux masses égales d'un même gaz simple, telles qu'elles occupent le même volume sous une même pression et qu'elles possèdent cependant des couleurs différentes, c'est-à-dire un mouvement vibratoire différent : l'une étant rouge ou jaune, par exemple, et émettant surtout des radiations lumineuses ou calorifiques; tandis que l'autre serait bleue ou violette, et émettrait de préférence des radiations chimiques.

Les deux masses gazeuses, dans cette hypothèse, pourraient être en équilibre de température, sans se trouver pourtant dans des états physiquement identiques. La notion même de l'équilibre de température, telle qu'on la spécifie d'ordinaire en Physique, bien que conservée dans sa signification essentielle, réclamerait sans doute alors quelques nouveaux éclaircissements, par exemple en ce qui touche l'échelle des températures.

:

On pourrait comparer ces deux masses gazeuses à deux instruments sonores identiques, qui rendraient des sons d'égale puissance, mais composés avec des harmoniques différents le timbre ne serait pas le même, malgré l'égalité de la force vive totale des mouvements vibratoires. Cette composition différente des deux sons pourrait dépendre d'ailleurs du mode d'attaque des instruments et demeurer la même pour chacun d'eux indéfiniment, tant que la cause qui produit le mouvement ne changerait point.

3. Ce qui me conduit à faire ces réserves, ce sont des observations que j'ai faites autrefois, dans le cours de mes essais pour combiner le carbone avec l'hydrogène. Un même morceau de charbon de cornue, échauffé tour à tour dans une atmosphère d'hydrogène par deux sources très-différentes, savoir le passage du courant électrique d'une forte pile et le foyer de la lumière solaire concentrée à l'aide d'une puissante lentille à échelons, traverse une suite de températures de plus en plus élevées, et qui se manifestent par des apparences lumineuses très-remarquables. Elles sont d'abord semblables dans les deux cas: rouge obscur, rouge vif, rouge blanc, blanc éblouissant; puis elles deviennent très-différentes, quand la température continue à monter. Avec le courant électrique, le charbon passe du blanc éblouissant à la couleur bleue, si bien connue de toutes les personnes qui ont manié la lumière électrique. Avec le foyer solaire, au contraire, le charbon passe du blanc éblouissant à la couleur rose, qui répond à une température plus élevée et voisine de celle à laquelle le platine fond sous l'influence de la chaleur solaire, concentrée ainsi par de fortes lentilles. (Voir OEuvres de Lavoisier, t. III, p. 307; 1865; et surtout Annales de Chimie, t. LXIX, p. 94; 1809.)

4. Ces phénomènes prouvent, pour le dire en passant, que la température moyenne de la surface du Soleil, nécessairement supérieure à celle du foyer qui en dérive, doit surpasser 2000 degrés. Au surplus, le mot température du Soleil, depuis les découvertes de MM. Janssen, Lockyer et des spectroscopistes, ne présente peut-être pas un sens suffisamment défini, cette température variant nécessairement d'une région à l'autre de la surface du Soleil, entre des limites incalculables.

5. Mais je reviens aux phénomènes observés avec le carbone cette succession de deux séries différentes de colorations, sous l'influence d'une température toujours crois

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