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fond de l'âme les impressions les plus douces : c'est le livre des amans... Il a de plus ce goût pour la campagne, qui s'accorde si bien avec l'amour; car la nature est toujours plus belle quand on n'y voit qu'un seul objet. Heureux l'homme d'une imagination tendre et flexible, qui joint au goût des voluptés délicates le talent de les retracer, qui occupe ses heures de loisir à peindre ses momens d'ivresse, et arrive à la gloire en chantant ses plaisirs! »

Dans son enthousiasme pour Tibulle, La Harpe a essayé de rendre en vers sa première élégie, qu'il regarde comme la meilleure de toutes. Cette imitation n'est pas sans mérite, et l'on y trouve de fort jolis vers; mais qu'il y a loin, grands dieux, de l'élégante correction de l'auteur du Lycée à la douce et rêveuse mélancolie du poète latin!

M. Charles Loyson, enlevé trop tôt aux lettres qu'il cultivait avec succès, a laissé une traduction en vers de Tibulle, et les pièces qu'on en a publiées font regretter que cet ouvrage n'ait pas encore été livré tout entier au public. M. Gaulmier a donné aussi une version poétique de Tibulle, qui renferme des passages très-heureusement rendus. On trouve encore de nombreuses imitations de Tibulle dans Parny, dans Bertin, et dans la plupart de nos poètes élégiaques.

Je ne connais de traductions en prose que celle de Mirabeau dont j'ai déjà parlé, et celle que croyait avoir faite M. de Pézay, jadis l'une des célébrités de l'Almanach des Muses, qui, d'un petit air leste et dégagé, nous dit dans sa Préface, à nous autres professeurs, que « Catulle et Tibulle ne peuvent être traduits par un pédant, et que des vers échappés au délire de l'orgie ou de l'amour, des vers écrits sur la table de Manlius et inspirés dans l'alcove de Délie, seront difficilement sentis et rendus par un professeur des Quatre-Nations. » Il faut, selon lui, pour entendre Catulle et Tibulle, un peu de l'ivresse du vin de Tokay et les caprices d'une jolie femme; ce qu'un émérite de l'Université peut fort bien ne pas savoir. « On peut cependant, ajoute-t-il, connaître la bonne compagnie, les jo

lies femmes et le bon vin, et faire une mauvaise traduction. >> C'est précisément ce qui est arrivé à M. de Pézay; car le Tokay et les jolies femmes ne lui ont appris ni à comprendre Tibulle, ni à le traduire; et malgré ces études préliminaires et indispensables, selon lui, il a fait un fort mauvais ouvrage. Quant à ce qu'il dit de l'incapacité des professeurs à sentir et à rendre les beautés de ce poète, M. Valatour s'est chargé de lui donner un éclatant démenti.

HÉGUIN DE GUERLE.

TIBULLE.

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IVITIAS alius fulvo sibi congerat auro,
Et teneat culti jugera multa soli,
Quem labor assiduus vicino terreat hoste,
Martia cui somnos classica pulsa fugent.
Me mea paupertas vitæ traducat inerti,
Dum meus exiguo luceat igne focus.
Ipse seram teneras maturo tempore vites
Rusticus, et facili grandia poma manu;
Nec spes destituat, sed frugum semper acervos
Præbeat, et pleno pinguia musta lacu.
Nam veneror, seu stipes habet desertus in agris,
Seu vetus in trivio florea serta lapis:

Et quodcunque mihi pomum novus educat annus,
Libatum agricolæ ponitur ante deo.

Flava Ceres, tibi sit nostro de rure corona
Spicea, quæ templi pendeat ante fores;

ÉLÉGIES

DE TIBULLE

LIVRE I.

:

ÉLÉGIE I.

AVIDE de richesses, qu'un autre entasse l'or en monceaux, et possède de nombreux arpens d'un sol bien cultivé il vivra dans les alarmes, toujours voisin de l'ennemi, et les accens guerriers du clairon chasseront le sommeil loin de ses paupières. Pour moi, que la pauvreté m'assure une vie paisible, pourvu qu'un modeste feu brille dans mon foyer. Simple habitant des champs, je planterai moi-même, dans la saison, la vigne délicate, ou, d'une main complaisante, je grefferai l'arbre fruitier. Puissent mes espérances n'être point trompées! Puissé-je, chaque année, voir mes récoltes s'amonceler, et mes cuves se remplir d'un vin écumeux! Car j'honore les dieux Termes, toutes les fois qu'une souche dans les campagnes désertes, ou une pierre antique au milieu d'un carrefour s'offre à ma vue, ornée de guirlandes de fleurs, et je dépose les prémices de tous les fruits de l'année nouvelle au pied du dieu des la

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